Ma vie en mono
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Depuis maintenant cinq ans que je suis seule avec mes deux trésors. Cinq ans que ma tête fonctionne sans arrêt, que mes journées, mes week-ends, mes vacances doivent être planifiés au quart de tour pour être certaine que je n’oublie aucun petit détail.
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Avant la conception de ma princesse, tout était clair dans ma tête : il se pouvait que je me retrouve seule avec mon enfant. La santé de mon conjoint pouvait se détériorer à tout moment. Nous avons pris la décision d’en avoir un au moins. Ce fut finalement deux.
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Après le départ de mon conjoint, ce fut un grand remaniement familial. J’ai eu beaucoup de chance quand même, car je suis entourée de personnes exceptionnelles pour m’aider. Ma famille et mes amis sont bien présents, et j’ai aussi trouvé la perle rare pour garder mes enfants les journées où je travaille. Comme j’ai un horaire atypique, je termine le travail à 19 h 30, donc je suis à la maison vers 20 h 15. Cette perle accueille mes enfants à leur retour de l’école, fait le souper, s’occupe des bains, des devoirs. Ça fait maintenant quatre ans qu’elle est avec nous et je remercie le ciel de l’avoir mise sur notre chemin.
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Être monoparentale, c’est être un parent seul avec ses enfants. C’est être avec ses enfants sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est être la seule personne dans la maison sur qui les enfants peuvent s’appuyer, la seule personne pour guérir les petits bobos, les peines, les angoisses. La seule personne qui les emmène chez le médecin, chez le dentiste. C’est être la seule personne à voir ses enfants grandir, s’épanouir, se réaliser. La seule personne à pleurer aux spectacles de danse, aux ceintures de karaté, au premier but de hockey ou de soccer. Planifier les sorties seule veut dire faire appel à son entourage pour s’occuper de ses trésors. Grand-maman, une petite gardienne…Â
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Et qu’en est-il des comptes à payer? L’hypothèque, les taxes, les frais de garde, les activités des enfants, l’épicerie, les vêtements, les sorties. Tout dépend de notre seul salaire. Avec notre train de vie d’enfer, ça fait beaucoup de choses à penser, à planifier, à gérer. Personne sur qui se fier si on est un peu serré à la fin du mois. Personne à qui demander de rester avec les enfants une petite demi-heure pour aller faire l’épicerie, prendre une marche, prendre un café avec un ou une amie.
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Sans parler de ces longues soirées seule lorsque les enfants sont couchés. Ce moment où les couples en profitent pour faire le bilan de leur journée, régler les problèmes d’adultes. Ces soirées seule à écouter le silence, à tourner et retourner dans sa tête tout ce dont les couples discutent, car il n’y a personne pour m’écouter…
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Après cinq ans, quand j’y pense, je me rends compte que la vie m’a placée devant une très grosse montagne à escalader. Je vois que chaque jour, je gravis peu à peu cette montagne. Je le fais la tête haute parce que, quand je vois mes enfants grandir, je suis fière de la maman que je suis, de cette femme qui est capable de mener une vie active tout en s’occupant de la maison, du lavage, du ménage, des comptes, des petits problèmes.
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Je lève mon chapeau à tous ces parents qui comme moi relève chaque jour le défi d’élever des enfants seuls, quelles que soient les conditions pour lesquelles ces parents se sont retrouvés seuls. Dites-vous que vous êtes seuls dans votre maison, mais que vous n’êtes pas seul dans votre situation. Dites-vous que pendant que vous êtes seuls sur votre sofa à tourner vos problèmes dans vos têtes, il y a quelque part, pas trop loin de vous, un ou une mono qui vit la même chose.
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 Annie Corriveau
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