Archives février 2017

Le suicide et les enfants

On explique ça comment à un enfant, toute la douleur qui mène au

On explique ça comment à un enfant, toute la douleur qui mène au suicide? J’en ai discuté avec ma mini-sœur de douze ans, Layla, qui en avait huit quand notre père s’est enlevé la vie. Je ne me prétends pas spécialiste du deuil chez les enfants, loin de là. Cependant, la famille s’est organisée autour de la plus petite; mon frère, ma sœur et moi avions respectivement 28, 20 et 25 ans (et oui, même papa et même maman, mais c’est une autre (très belle) histoire). Avec notre mère, nous sommes allés chercher les conseils de spécialistes et nous avons surtout fait de notre mieux avec nos propres émotions à gérer et avec les connaissances que nous avions.

Diverses recherches révèlent que les enfants endeuillés par suicide ont plus de chances de faire une tentative dans leur vie. On a beau ne pas se considérer comme une statistique, celle-ci frappe.

Dans ce qui a aidé ma sœur à comprendre, il y a l’explication de la dépression apportée par la psychiatre de l’hôpital qui nous avait accompagnés pour lui apprendre la nouvelle. Ce récit m’avait aussi marquée et je l’ai moi-même repris plusieurs fois. Il n’est probablement plus exactement le même, mais l’essentiel reste :

« Ton papa souffrait de dépression. Tu sais à quoi ressemble une toile d’araignée quand des insectes y sont pris au piège? C’est un peu la même chose, mais elle était invisible. Ton papa était pris dans cette toile qui était froide et triste. Même si tu voulais le consoler, que tu l’aimais beaucoup, ça ne se rendait pas à son cœur parce que la dépression faisait comme un bouclier de froideur et de tristesse autour de son cœur. Ton papa voyait tout ton amour, mais il n’était pas capable de le ressentir. »

Layla m’a dit que cette explication a grandement contribué à sa compréhension de la dépression. Par contre, elle n’arrivait pas à concevoir pourquoi mon père en avait souffert. « Pourquoi lui? » Ça lui a pris plus de temps pour ce bout-là.

Elle a par ailleurs ressenti certaines frustrations et désaccords avec la façon dont nous l’avons accompagnée. Par exemple, la psychiatre nous avait fortement déconseillé d’amener Layla voir le corps de notre père, qui était pourtant présentable. Avec le recul, Layla comprend bien que nous avons suivi les conseils de cette spécialiste, mais elle lui en a voulu longtemps, car elle est convaincue que ça aurait grandement contribué à ce qu’elle réalise et comprenne ce qui arrivait.

Ce n’est pas évident de suivre les recommandations tout en s’adaptant à la réalité de l’enfant qu’on veut aider et accompagner.

Dans ce qui l’a le plus aidée à traverser son deuil, Layla parle de son imaginaire. Elle s’est beaucoup évadée dans ses histoires et ses personnages. Elle raconte encore aujourd’hui que c’est ce qui lui faisait le plus de bien.

Finalement, elle a fait partie d’un groupe pour enfants endeuillés par suicide. Elle en parle encore avec émotions. Elle a adoré son passage dans ce groupe et est convaincue que ce serait très aidant pour d’autres enfants qui vivraient une situation semblable à la sienne. Elle avait notamment réussi à expliquer ses émotions grâce à une série de dessins représentants son cœur. Sur le premier, le cœur était complètement brisé. Au fil des images, il se réparait doucement pour redevenir entier sur le dernier dessin, mais une cicatrice y était toujours. Layla explique ainsi que son cœur s’est tranquillement reconstruit, mais qu’elle sera toujours marquée par le départ brusque de notre père.

Aussi, lorsque notre histoire est sortie dans les médias, Layla n’était pas en mesure de saisir réellement ce processus. Plus d’un an plus tard, elle a ressenti le besoin d’en parler elle aussi. Elle voulait contribuer elle aussi. Patrick Lagacé a accepté de venir lui parler et d’écrire, comme elle le lui demandait. Je ne sais pas s’il était conscient de l’importance de son geste dans le cheminement de Layla. Pour lire ce texte, c’est ici http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/201406/14/01-4775791-trois-dessins-de-papa.php Le message de Layla y est rapporté de manière fidèle, elle y aborde d’ailleurs sa plus grande frustration, le fait de ne pas avoir vu notre père.

Layla m’a dit que ce qu’elle a eu le plus de difficulté à comprendre et, surtout, à accepter, c’est que les gentils ne gagnent pas toujours. Dans le cas de mon père, elle a l’impression que les méchants ont été plus forts. Pour les adultes aussi, c’est difficile à accepter…

Reste qu’à travers ce parcours imparfait, on s’en est tous sortis, Layla aussi. Le deuil est déjà si difficile à expliquer aux enfants. Quand c’est par suicide, ça ajoute une complexité immense à tout ça. Si l’histoire de Layla et ses conseils peuvent aider des parents qui traversent une telle histoire, pourquoi ne pas la partager?

Jessica Archambault

Mon suicide raté

Mon frère s’est enlevé la vie. Je ne suis pas la seule à avoir un membre de sa famille qui s

Mon frère s’est enlevé la vie.

Je ne suis pas la seule à avoir un membre de sa famille qui s’est suicidé. C’était fin février que mon frère a « réussi » son suicide et que moi, j’ai glissé vers le mien. Oh! Rassurez-vous, j’étais bien vivante, en chair et en os. Mon âme, ma lumière humaine, par contre, avait foutu le camp au pays de la noirceur totale.
Pendant cette période, j’avais besoin d’en parler, pas de moi, mais du geste qu’il avait posé. Je nourrissais inconsciemment cette douleur. Malsainement, les gens avaient aussi besoin d’assouvir leur curiosité, de savoir COMMENT il s’était enlevé la vie plutôt que de s’informer comment MOI, sa sœur, je vivais ça. Donc, de fil en aiguille, je me suis fait un speech où je racontais la scène marquante du film noir de mon frère. Oui, car comme si ce n’était pas assez de vivre son suicide, je suis celle qui l’a trouvé. J’ai bien tenté de le réanimer mais malgré quelques heures de sursis, où ma mère a pu lui dire au revoir, il était trop tard. Ensuite, les gens se taisaient, envahit par le malaise car peut-être que maintenant, ils en savaient trop ! Donc du coup, on changeait de sujet pour parler météo !
Dans le bureau du médecin, on m’a dit que j’avais un pourcentage élevé de tenter de me suicider, moi aussi. Oui, en plus de vivre le suicide d’un être cher, les proches d’un suicidé ont plus de chance statistiquement parlant d’y recourir.
Je devais donc me conscientiser à reconnaître les signes avant-coureurs d’une dépression… Allô ? Je suis en plein dedans !!! Mais la fille fière (ou inconsciente et pleine d’égo) n’était pas pour admettre ça! Voyons, je ne pouvais pas vivre l’échec.
À la place, j’ai travaillé l’automédication, c’est à dire: alcool en masse et vie de fou. Si bien qu’à un moment donné, mon corps ne voulait juste plus participer à mon autodestruction. Je suis tombée encore plus bas dans ma noirceur. Tu sais, celle-là où tu ne vois juste plus où tu vas, et en même temps, tu ne veux plus aller nulle part !?
Les gens ne se doutent pas parfois de ce qui se passe dans la tête des autres. Pendant ces temps sombres, les autres me percevaient comme une fille forte. Je n’ai jamais arrêté de travailler, je sortais, je voyais des gens… J’étais active. Pour plusieurs, ma noirceur ne paraissait pas et c’est là où le bât blesse.

Je ne me serais pas tuée… pour ma mère. Juste pour ne pas voir dans ses yeux que son âme mourrait davantage. Mais si je n’avais pas vécu le suicide de mon frère, est-ce que j’aurais fait l’acte ? Je ne peux qu’être pleine de gratitude pour mon frère qui m’aura permis… de choisir une autre destination que la sienne.
Ce que j’ai retenu de cette noirceur, c’est que souvent, ceux qui choisissent le suicide ont fait pendant longtemps comme moi. Que dans leur habileté à cacher leur voyage vers la noirceur, ils se sont malheureusement perdus en chemin… C’est alors que la destination ultime, la mort, est devenue à leurs yeux, le tout-inclus désiré.

Un voyage vers la fin de la souffrance, mais où celui de leurs proches commence…

Si vous pensez au suicide ou craignez qu’un de vos proches y pense, sachez qu’il y a des ressources, dont l’Association québécoise de prévention du suicide.

J’ai besoin de rêver

Le titre de ce billet m’est venu lorsque je nettoyais mon comptoir

Le titre de ce billet m’est venu lorsque je nettoyais mon comptoir après le souper. Mes garçons se chamaillaient, produisant un vacarme incroyable. Ma fille criait sans arrêt MAMANNNN et mon conjoint était alité suite à une opération mineure. Nul besoin de vous dire que j’avais juste l’envie pressante d’appuyer sur STOP. Pour que tout puisse se figer l’espace d’un moment. Que je reprenne mon souffle, que je reprenne patience.

Je ferme mes yeux et m’évade. Je revois nos dernières vacances à ne rien faire excepté jouer, manger, se baigner. Pas de routine, les enfants s’endorment devant la télévision, je m’en fous, je suis en vacances! MAMANNNN! Oh! oui, retour à la réalité, je suis dans ma cuisine avec mes trois charmants rejetons cornus. Je prends une gorgée de vin et me voilà transportée dans un vignoble en Italie, à déguster différents cépages loin du stress quotidien. On parle italien autour de moi. Cette langue est si belle malgré le fait que je n’en comprends pas deux mots. « Allez, maman! On va dehors! » Oh! oui, c’est vrai!

J’habille les deux plus jeunes : la petite dernière a l’air de Maggie dans les Simpsons, une vraie étoile! Lorsqu’elle enfile son habit de neige, elle ne peut pratiquement pas bouger, mais je dois absolument pelleter! J’installe la petite dans le traîneau, les garçons se chamaillent toujours, mais cette fois, dans la neige! Et me voilà encore en train de rêver. J’habite une maison au bord de la mer dans un pays où il fait toujours chaud. Je suis assise, me berçant au son des vagues et je n’ai d’autres choses à faire que d’écrire ou de peindre. Les enfants font des châteaux de sable. Pouf! Je cligne des yeux et je vois les enfants qui font un fort dans la neige.

Je suis en sueur dans mon habit de neige. La petite est clairement ennuyée, mais je dois absolument déneiger le merveilleux banc de neige que la charrue m’a laissé. Une fois terminé, je rentre faire la routine du dodo. Trop rapidement, trop brusquement. Mais je suis vidée, je n’ai plus d’énergie.

Je me fais couler un bain pour décompresser. Je m’engouffre dans cette eau trop chaude et me voilà transportée au spa avec mon amoureux. Nous faisons des in and out dans l’eau chaude, dans l’eau froide. Nous n’en avons que faire des vraies techniques de détente. On se fait masser par des mains inconnues, mais nous sommes côte à côte, dans un état de tranquillité. Pouf! Oh! Oui, je suis dans mon bain!

Je prends le dernier livre de Patrick Sénécal en mains et je l’observe. Telle une vraie lunatique, je l’observe comme si le livre lui-même allait me raconter son histoire. En l’espace d’un moment, me voilà soudain devenue une auteure célèbre. Je gagne très bien ma vie en écrivant des histoires les plus rocambolesques les unes que les autres. Je ne dois rien à personne, je vis de mon imaginaire. Pouf! Oh, je suis bien trop fatiguée pour lire. Je me lave et vais m’allonger dans mon lit.

Je regarde mes courriels et je tente de résister à ouvrir le message reçu de Vrbo. Un site de location de maison partout dans le monde. Et puis zut! Je clique dessus et me voilà transportée à Bali avec ma petite meute. Dans ce coin de paradis si exotique. Un autre clic et me voilà à Hawaii. Oh et puis bof! Je suis fatiguée.

Peut-être ai-je trop voyagé ce soir, maintenant je rêve à demain. Une journée paisible à la maison entourée des gens que j’aime. Je me tourne pour coller l’homme que j’aime, il n’a aucune idée de tous les endroits que j’ai pu visiter ce soir.

J’aime autant avoir les pieds sur terre que mes idées en l’air. Je suis une rêveuse professionnelle et comme je dis à mes enfants : il est important d’avoir des rêves! Parfois ils se réaliseront et d’autres fois non, mais laissez-vous bercer par vos rêves. Vos rêves vous appartiennent et souvent, ils vous serviront de motivation.

Et après tout, il ne coûte rien de rêver!

Geneviève Dutrisac

 

Mon papa, il s’est auto-tué

C’est comme ça que ma petite sœur expliquait le suicide de mon p

C’est comme ça que ma petite sœur expliquait le suicide de mon père à ses amis. Elle avait huit ans et c’était il y a un peu plus de quatre ans maintenant.

Mon père s’est suicidé en lien avec de l’intimidation en milieu de travail. Si les circonstances et le sujet du harcèlement psychologique vous interpellent, je laisse les bons mots, précis et avec juste ce qu’il faut d’émotions de Patrick Lagacé vous le raconter ici , ici et ici

Ce sur quoi j’ai envie d’écrire, c’est nous. Ceux qui restent.

On nous a dit, quand c’est arrivé, que nous étions en choc post-traumatique. Moi qui étais en mode gestion-de-crise-efficace-je-m’occupe-de-tout-le-monde-sauf-de-moi, je trouvais ça exagéré. Avec le recul, je crois que c’était juste. C’est tellement surprenant, tellement gros, tellement violent comme douleur, tellement inattendu, tellement…

On nous avait aussi dit que le deuil dans des circonstances particulières comme un suicide prend en moyenne entre dix-huit mois et trois ans. À l’époque, je trouvais ça décourageant. Force m’est d’admettre que c’est vrai. Cependant, ce n’est pas trois ans dans le noir. Ce sont trois années à affronter les vagues en tentant de ne pas s’y noyer. Petit à petit, les vagues sont moins intenses, les creux moins bas et plus espacés. Doucement, très doucement.

À travers ce drame indescriptible, il y a nous, la famille, et nous, les individus : ma mère, mon frère, mes deux sœurs et moi, sans oublier l’amoureuse de mon frère et celui de ma sœur qui nous sont précieux à tous.

Pas évident de prendre soin de nous en tant que personnes à part entière tout en prenant soin les uns des autres, parce que tous ne réagissent pas de la même façon à la mort. Les uns ont besoin de parler de l’être perdu avec tendresse et l’idéalisent. D’autres se questionnent sans cesse et veulent en discuter pour comprendre le pourquoi du comment. Alors que certains gèrent ça tout autrement, sans trop en parler. Comment répondre aux besoins de ceux qu’on aime tout en respectant les nôtres?

Je n’ai pas la réponse. On est passé au travers. Ça fait quatre ans. On va bien maintenant. En fait, c’est la première année qu’on traverse les dates (anniversaire de mon père, anniversaire de mariage de mes parents, date du décès, etc.) sans que personne ne redescende. On n’a pas oublié. On est encore triste. Mais ça va.

Il y a aussi les autres, ceux qui nous entourent, la famille et les amis. Comment accompagner des proches dans un deuil par suicide? Avec amour et ouverture, c’est la seule réponse. Parfois, Il n’y a rien à dire ou à faire, il faut juste être là. Si ça vous met trop mal à l’aise, essayez de ne pas trop nous le faire sentir. Nous sommes encore là et n’avons pas choisi cette situation. De grâce, évitez toutes les phrases sous-entendant plus ou moins subtilement qu’il a fait un choix. Le suicide n’en est pas un. C’est une absence de choix. Pour ceux qui font une tentative, il n’y a pas d’autre option.

Soyez compréhensifs. On n’est pas à notre meilleur. J’ai moi-même été assez intense par moments. Bien que je sois très chanceuse d’être si bien entourée d’amis précieux et de collègues au grand cœur, certaines personnes m’ont jugée pour des réactions que j’ai eues et des maladresses que j’ai pu commettre dans les mois qui ont suivi. Bien que ça m’attriste parce que je considère que ça ne me représente pas, je dois accepter que ces gens m’ont rangée dans une petite boite et ont pris leurs distances. Je me concentre donc sur ceux qui ont su être là, sans me juger, et qui peuvent aujourd’hui apprécier le fait que je suis pas mal plus relaxe! Heureusement, ils représentent la grande majorité.

Il n’y a pas de recette miracle ou de formule magique. On s’aime très fort et on a tenté du mieux qu’on pouvait de se respecter. Ce serait mentir que de dire que nous ne nous sommes jamais écorchés en traversant ce long processus de deuil, mais l’amour que nous nous portons a été plus fort. On comprenait. Cet amour et ce respect que nous nous portons, nous le ressentons encore aujourd’hui et notre famille est tissée encore plus serrée! Ceux qui nous ont le plus aidés sont ceux qui ont utilisé la même formule : amour, respect et ouverture.

Jessica Archambault