Je regarde les paupières mi-closes, autant par l’émotion, la cha
Je regarde les paupières mi-closes, autant par l’émotion, la chaleur et les larmes, les dernières braises de ton adieu. Cela fait bien trois jours que ton propre regard s’est éteint, définitivement. La main sur mon bas-ventre arrondi, je pleure sur mes regrets que tu ne connaîtras jamais. Je pleure sur l’ignorance qu’aura mon enfant, notre enfant, de ta bienveillance.
Trois journées déjà où ton absence se fait ressentir pleinement. Alors que tu allais chercher avec fierté de quoi nous nourrir, tu t’es retrouvé à faire face à la fin, à mourir.
Quelle injustice !
Je n’ai pas eu le temps de te dire adieu lorsqu’avec ton sourire, tu m’as dit : « À plus tard ». Ce ne devait être qu’un au revoir ! Tu n’es jamais revenu debout. Tu ne seras jamais plus, avec nous.
Comment vais-je y arriver ? Comment vais-je trouver en moi suffisamment de paix et d’amour pour ne pas transmettre ma haine à ce petit être qui ressent tout en moi ? Arriverais-je un jour à pardonner à ce faucheur qui t’a arraché à nous ?
Il n’avait pas le droit de faire cela !
De nos jours, nous savons tous que la vitesse au volant est sans pardon pour ceux qu’elle agrippe en passant. POURQUOI ? Pourquoi existe-t-il encore des gens qui ont cette pensée magique que ça n’arrive qu’aux autres ? Moi, j’ai perdu par sa faute la plus belle magie de ma vie. Ton amour, ta présence, toi, tout simplement.
Notre enfant n’en est pas encore un qu’il est déjà orphelin, par la faute d’un crétin !
Le ciel lui-même semble colérique en ce moment. Une main sur mon épaule qui me serre doucement. NON, je ne veux pas partir, pas encore, pas maintenant. Regardez-le s’envoler, sans moi. Tout ce qui reste de lui, c’est cette cendre qui s’éparpille.
Je veux être seule avec toi une ultime fois. Je ne t’ai pas reconnu sur ton dernier lit. Ce n’était pas toi, ton visage n’était plus qu’un amas de traces déformées. Mon esprit le sait, mais mon cœur ne veut pas l’accepter. Ne PEUT pas.
J’ai les yeux qui brûlent. Tout mon être hurle. Du fin fond de moi, un cri de détresse se noie. Une peine sans mesure m’étouffe. On m’a dit combien tu étais bon, généreux, gentil. Mais, tu ES PARTI.
Au moins, j’aurai respecté cette volonté que tu m’avais partagée, dans une discussion où nous croyions que ce n’était pas près d’arriver. Te voilà dans le vent, rejoignant le ciel et la mer. Alors que je plonge en enfer, tu t’envoles, toi, ma poussière.
Je reviendrai sur la grève, te visiter chaque année. Je parlerai de toi à chaque instant à notre enfant. Il connaîtra son père, même s’il ignorera la douceur de tes bras. Je lui ferai écouter ces enregistrements où il pourra te voir chanter gaiement. Rire aux éclats et danser de cette façon qui me donnait des crampes tellement j’en riais. Tellement ça en était ridicule !
Mais le vrai ridicule, ce n’est pas tes faux pas.
Le vrai ridicule, ce n’est pas cette fois où pour me dérider tu t’étais lancé dans l’improvisation d’un poème sans queue ni tête, n’ayant d’importance que ton intention et le titre : « Je t’aime ».
Le ridicule, c’est de t’avoir perdu par les manœuvres d’un hurluberlu.
Mais je n’y peux rien. Je t’en prie, reste avec moi, même dans l’invisible ! Prends-moi dans tes bras une ultime fois ! Ne t’en va pas sans moi ! Ne me laisse pas ! Je t’en prie…
Je sais, je dois me relever. Mais comment y arriverai-je sans toi ?
RESTE !
J’ai gardé un peu de tes cendres dans un médaillon. J’espère que tu ne m’en voudras pas. Mais je ne peux pas me séparer complètement de toi. Si ce soir-là, tu m’as dit « À plus tard » sans revenir, aujourd’hui, je dois accepter de te dire adieu, de te laisser partir.
À DIEU… Toi qui me l’as ravi, prends bien soin de lui. Permets-nous de nous retrouver un jour, dans bien des années, lorsque notre enfant aura bien vécu et aura connu cette appartenance à un ultime amour.
Veille sur nous, où que tu sois. Je t’aimais tellement, je ne t’oublierai pas.
Je quitte la falaise d’où je t’ai laissé t’envoler. Je reviendrai, sois-en assuré. Te voir dans l’immensité, toi mon amour, l’homme que toujours j’aimerai.
Ce texte n’est pas « mon » histoire, mais celle d’une connaissance en deuil il y a quelques années. Depuis, elle a donné naissance à une jolie petite fille qui a bien grandi. Bientôt grand-mère, elle attend toujours et espère rejoindre bientôt son grand amour.
Simplement, Ghislaine.