Archives janvier 2018

Le poids de la souffrance

L’industrie de l’amaigrissement a le vent dans les voiles et tout le monde veut sa part du gâte

L’industrie de l’amaigrissement a le vent dans les voiles et tout le monde veut sa part du gâteau. Traiteurs convertis en experts en nutrition, amateurs de musculation transformés en coachs/naturopathes/experts de l’entraînement : l’appât du gain transforme qui le veut en magicien. Tous les jours, je reçois des invitations à aimer la page d’un nouvel expert en nutrition ou en remise en forme. Tous me promettent une nouvelle vie remplie d’énergie. Par le biais de LEUR programme, je retrouverai LA femme que j’étais ou celle que j’ai TOUJOURS voulu être. Ils offrent de beaux forfaits, ils font de belles promesses. Grâce à eux, je vais devenir LA meilleure version de moi-même. Je vais sur leur page. Je regarde leur fil d’actualité. Je vois des photos « avant-après ». En furetant, je vois la photo d’une femme (magnifique) en sous‑vêtements. Sous cette image, le texte suivant : « Cette maman de trois enfants, qui travaille à temps plein tout en effectuant un retour aux études, a décidé de reprendre sa vie en main. Elle a enfin gagné sa lutte contre elle-même, contre SA plus grande ennemie. Voilà ce qu’on peut faire avec de la volonté! »

Lutter contre soi, c’est de la violence. Ce n’est pas de la volonté.

J’admire cette femme. Je la respecte. Perdre 110 livres, c’est un exploit. Je connais ces matins où l’on se lève le corps brûlé et où on décide malgré tout de dépasser ses limites. Je connais aussi le chemin qu’elle a traversé et la souffrance qui l’a habitée à toutes les livres qu’elle a gagnées.

Ce n’est pas le manque de volonté qui fait prendre 110 livres.

Pour prendre 110 livres, ça prend beaucoup de tristesse. Ça prend du désarroi, de la colère, de l’épuisement, de l’impuissance et du vide à l’intérieur de soi. Les gens mangent compulsivement parce qu’ils souffrent. Pas par lâcheté ou par manque de volonté.

Avant de s’entraîner six jours sur sept, de mettre les « efforts nécessaires », d’ajouter des graines de chia dans son yogourt sans gras et de « faire preuve de focus et de détermination », il faut comprendre pourquoi on porte notre poids. Il faut panser ses blessures. Il faut guérir. Il faut apprendre l’indulgence envers soi-même et l’honnêteté. Il faut réapprendre à manger par plaisir et recommencer à dessiner des cœurs sur son calendrier. Le bien-être n’est pas généré par des squats et de la sueur, mais par la capacité qu’on a de s’aimer.

Moi, j’ai mangé jusqu’à ce que mon corps n’arrive plus à se tenir droit. J’ai mangé pour combler tout le vide et les deuils qui m’habitaient. J’ai mangé pour étouffer ma souffrance, j’ai mangé pour m’apaiser. J’ai mangé pour arrêter d’avoir mal. J’ai mangé parce qu’on ne m’a pas appris à pleurer. Dégoutée par ma faiblesse et par ce que je devenais, j’ai recommencé le lendemain et le surlendemain. Avec plus de colère, plus de peine, plus de honte, plus de culpabilité, plus de dédain, plus de découragement. Pendant presque trente ans, j’ai tenté de combler mes vides et ma douleur avec la nourriture. Je me suis punie; je me suis détruite. J’ai mangé comme on boit, comme on fume, comme on consomme : pour oublier tout ce qui faisait trop mal à gérer.

Rien à voir avec la négligence et la volonté.

Au lieu d’apprendre à m’aimer, à ressentir ma peine, à l’exprimer, à comprendre ce que je vivais, j’ai lutté contre moi, contre mon humanité, ma fragilité, ma féminité. Depuis l’enfance, chaque livre perdue et chaque livre gagnée est le reflet de ce que j’ai traversé. La première chose que je me dis quand je regarde une femme en surpoids, c’est « Par où est-elle passée? » et pas « Mais qu’est-ce qu’elle a bien pu manger? » La souffrance ne se mesure pas en calories. La valeur et la volonté d’une femme ne devraient pas l’être non plus.

Janvier, c’est une page blanche, un mois de résolutions. C’est le moment dans l’année où on veut tout changer, où on espère se réinventer, mais pour y arriver pour vrai, il faut d’abord se réparer. Pour une toute petite fois, essayons de mettre toute l’énergie qu’on dépense sur une perte de soi, en véritable amour et en acceptation de soi. Voyons comment notre corps réagira.

Liza Harkiolakis

http://www.equilibre.ca

ANEB : Aide et soutien aux personnes touchées par les troubles alimentaires ainsi qu’à leurs proches.

Tristesse de fin du monde

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C’est arrivé tout doucement. Je ne l’ai pas vu venir. Tout doucement, la vie a pris l’éclat de tes yeux et le bleu s’en est allé. Tout doucement, tes yeux ne sont devenus que tristesse. Elle a aussi pris la couleur de ta peau. Tu es devenue blanche. Le rose aux joues s’en est allé lui aussi. Peu à peu, ton corps et ses couleurs te quittaient.

 

Et les rires. Et les rêves. Les petits comme les grands. Les projets pour la fin de semaine ou ceux d’hier, inachevés. La vie était devenue grise, morne et sans intérêt. Aujourd’hui devenait trop difficile à vivre. Il n’y avait plus de demain. Il n’y avait plus d’espoir. La lumière s’était éteinte.

 

Je ne la connaissais pas. Celle qui te prenait à moi. À nous. On en parlait partout, mais on m’avait épargnée jusqu’à maintenant. À tout le moins dans ma vie personnelle. Je la voyais tous les jours dans mon bureau, mais je ne l’avais pas reconnue chez toi. Ou je ne voulais pas la voir. Pas chez ma fille. Ma belle, ma grande, ma rebelle. Tu étais plus forte que ça. Tu en avais vu d’autres. Ton cœur était brisé. Cassé en petits morceaux. Des petits morceaux, ça se recolle, que je me disais. Mais encore une fois, je m’étais trompée. Ce n’était pas que ton petit cœur de quinze ans qui était brisé. C’était toi. Toute cassée par en dedans.

 

La dépression t’a presque tout pris. Ta chambre est devenue ton refuge, ton lit devenait le bateau de ta dérive. Il n’y avait plus d’île où accoster, plus de pays à visiter. Tu ne voyais ni ne sentais plus le soleil. Tout t’indifférait ou te rebutait. Même tes amis ne te faisaient plus rire. Même moi, je ne te dérangeais plus. Tu pleurais. Tu criais. Les mots, les tiens, avaient aussi déserté. Tu ne mangeais plus. Tu ne dormais plus. Tu me regardais sans me regarder.

 

Cette douleur qui t’enveloppait telle une doudou, je l’ai mise sur ta peine d’amour. La première, la vraie, la terrible. Celle qui fait mal et dont on se souvient longtemps. Des fois, dont on se souvient toujours. Seulement, la peine d’amour a duré. Et a duré encore. Et les événements, les coups durs de la vie se sont ajoutés. Ça en fut trop. La digue s’est rompue.

 

Tu criais trop. Tu pleurais trop. Tu te terrais dans ton trou tel un animal blessé. Tu ne parlais plus. Je me suis mise à lire. Tout. En anglais et en français. Je devais comprendre. La dépression se vit différemment chez les adolescents. L’agressivité est souvent le premier symptôme, suivie de la tristesse, de la démotivation, des idées noires, etc. Je t’ai emmenée voir le médecin. Je t’ai presque menacée. Je n’allais pas laisser ma fille de quinze ans se noyer dans ses larmes.

 

Le diagnostic est tombé. C’était bien elle. Cette maudite dépression. Tu as essayé une médication. Que quelques semaines. Car en bonne adolescente, tu voulais les choses pour hier. La médication ne fonctionnait pas suffisamment vite pour toi. Tu as arrêté. Après le médecin, je t’ai trouvé une travailleuse sociale. Je t’ai organisée. J’étais inquiète. Je t’aimais. Je t’aime toujours. Je me sentais impuissante. On allait se battre à deux. J’ai pris ta main et tu l’as laissée dans la mienne.

 

Aujourd’hui, tes journées sont inégales tout comme ton humeur. Pour le moment, le pire semble derrière toi, mais rien n’est gagné. Il faut parfois beaucoup de temps pour rejoindre le port duquel on s’est éloigné. On le prendra le temps, ma fille. Garde ta main dans la mienne. Ça ira. Tout doucement.

Des ressources où trouver de l’aide :

Jeunesse j’écoute : 1-800-668-6868

Centre de prévention du suicide : 1 866 — appelle (1 866-277-3553)

Ordre des psychologues du Québec : 1 800-561-1223

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec : 1 888-731-9420

 

 Isabelle Bessette

 

 

La poupée torturée

D’humaine, je suis passée à

D’humaine, je suis passée à poupée
On n’arrête pas de me crier dessus, me taper, m’insulter
Depuis que je déprime
Je suis une victime
Avec moi, tout le monde veut jouer
À la poupée qu’on aime torturer

Ma fille de onze ans est revenue de l’école en me récitant ce poème qu’elle a écrit pour un cours de français. En l’entendant, je me suis sentie inconfortable. L’estomac serré, le hérisson piquant dans la gorge. La puissance des images sombres : bang ! Que ma cocotte hop-la-vie écrive de tels mots m’a bouleversée : ouf…

-Qu’est-ce qui t’a inspirée ?
-L’intimidation.
Heureusement, je sais qu’elle n’en est pas victime. La dernière fois que quelqu’un a essayé de la niaiser, elle a éclaté de rire et l’histoire a été close. Même le grand jack de 6e année qui terrorisait toute l’école n’avait aucune emprise sur elle quand elle était en 2e année. Elle est la reine du « vivre et laisser vivre » (sauf avec son frère…), donc elle met facilement un mur pare-feu blindé entre ce que les autres lui projettent d’elle et ce qu’elle est.

Comme elle a une admiration sans bornes pour son enseignante, elle suit à la lettre ses conseils concernant l’intimidation : ignorer les gestes et les paroles pour éviter d’accorder de l’attention à l’intimidateur, lui montrer que ses agissements ne nous atteignent pas, utiliser l’humour, changer de sujet, s’entourer de personnes de confiance, et bien sûr s’il y a un risque ou que les agissements se poursuivent dans le temps ou empirent, dénoncer.

Mais quand même, son poème m’a fait réfléchir. Pour nos enfants, pour nos adolescents, l’intimidation fait partie de la vie. Il faut investir du temps en famille et en classe pour la prévenir, l’expliquer, la contrer, la réparer.

Dans mon temps (oui oui… dans les années 80-90…), les intimidateurs existaient. On les appelait « les petits bums » du village. Ou d’autres termes moins polis. Ils volaient ta boîte à lunch, tiraient tes couettes, te menaçaient à la sortie de l’autobus. C’est pas mal le pire que j’aie vu. Souvent, ça se réglait rapidement : une réplique qui revolait, un parent ou un surveillant qui intervenait au bon moment, parfois un coup de poing dans le ventre. On s’excusait et on repartait dans le bon sens. Final bâton. Des fois, il fallait monter le ton, faire les gros yeux, mais ça allait rarement plus loin.

Dans mon temps, les intimidés existaient aussi. Ils n’étaient pas outillés pour réagir à l’intimidation, ils ne savaient même pas ce que c’était. Et pourtant, le mot existe depuis le 16e siècle. Mais on s’entend que Rabelais ne connaissait rien aux subtilités de l’intimidation moderne qui implique souvent l’Internet et les photos douteuses. Les parents, les profs, les travailleurs sociaux : quand on se rendait compte qu’un enfant se faisait taper sur la tomate ou écœurer, tout le monde improvisait. Et il faut le dire, quand venait le temps de soigner l’estime personnelle de cet enfant et de guider l’intimidateur vers de meilleures pratiques, on nageait dans le brouillard. Et l’inaction.

Maintenant dans les écoles, même à la garderie, on parle d’intimidation. On fait signer des contrats aux élèves pour leur faire promettre de ne pas intimider et de dénoncer s’ils sont victimes ou témoins d’intimidation. Les enseignants proposent des jeux de rôle pour que les réflexes des jeunes soient plus aiguisés lorsque vient le temps de montrer de l’assurance, de se défendre, d’aller chercher de l’aide. Des conférenciers sont invités, les directions d’école investissent dans la prévention. Des plans d’action sont prévus dans les cas où une réparation est nécessaire après des comportements inadéquats. Les parents savent de plus en plus qu’ils peuvent dénoncer la violence et les menaces verbales et physiques à la police et à la DPJ dans des cas extrêmes (lire : quand la sécurité d’une personne est compromise ou que les voies prévues pour régler le problème ne donnent pas de résultats).

Tout ça n’est pas toujours suffisant. Les « petits bums » modernes font parfois un ravage qui dépasse l’entendement. Parfois, l’intimidation s’avère mortelle. Elle tue le bien-être, la motivation, le sentiment de sécurité, l’estime personnelle de la victime, et aussi de son entourage. Et si elle n’est pas résolue, elle peut tuer l’être. Point.

Si le Littré définit le fait d’intimider par « Donner de la timidité, de la crainte à quelqu’un », on comprend que de nos jours, l’intimidation est plus vaste et dangereuse qu’avant. Elle a un réel impact sur les petits humains que nous avons mis au monde, mais aussi sur les familles et les écoles, et même dans les milieux de travail. Continuons d’en parler et d’agir, pour que nos petites poupées et nos petits oursons ne se sentent plus torturés.

Nathalie Courcy

 

La première meilleure amie

Depuis septembre, ma fille fréquente une nouvelle garderie en milie

Depuis septembre, ma fille fréquente une nouvelle garderie en milieu familial près de chez nous. Le rêve! L’éducatrice est excellente et les ami(e)s sont adorables. Elle s’est intégrée sans aucun problème et elle a même développé une belle amitié avec une petite fille. Elle ne parle que d’elle, sa première vraie meilleure amie. Mon conjoint et moi étions émus de constater que notre fille devenait de plus en plus sociable et amicale avec les autres.

Nous ne pensions pas qu’elle aurait eu une aussi belle relation avec un autre enfant à deux ans. Elles se complètent sur tous les points, sauf les mensonges. Ma fille ment, elle est dans cette phase. Mais la petite fille, elle, est une menteuse de second niveau. C’est celle qui amène un ami où il n’a pas le droit pour ensuite crier à l’éducatrice qu’il est allé dans l’interdit par lui-même. C’est celle qui manipule les enfants à coups de mensonges pour avoir ce qu’elle veut et qui rejette ses fautes sur ses amis imaginaires ou sur l’objet le plus près d’elle. Celle qui te fait rouler des yeux chaque fois qu’elle te raconte une « vraie » histoire. Vous voyez le genre?

Mon enfant trouvait sûrement son amie ingénieuse et commence de plus en plus à mentir pour absolument rien. C’est à ce moment que j’ai compris que sa première meilleure amie était aussi pour moi la première amie qui ne me plaisait pas. Pour une fois, je comprenais mes parents qui n’appréciaient pas toujours mes choix d’amis et qui se croisaient les doigts pour que ce soit seulement une passe. Je suis rendue à ce moment : celui de comprendre mes parents et leur désaccord avec certains de mes choix. J’espère que ce sera juste une passe…

Valérie Legault

 

Autopsie du parent parfait

Dans votre entourage, vous en avez certainement : des parents parfa

Dans votre entourage, vous en avez certainement : des parents parfaits. Des noms vont certainement vous venir en tête en lisant ce texte et ça vous fera sourire. Vous savez, ces parents parfaits qui ne lèvent jamais le ton après leurs enfants, qui ont une progéniture qui écoute les consignes sans trouver à redire, qui n’ont jamais d’accrochages avec leur conjoint, bref, ces familles formées d’un couple modèle et d’enfants parfaits! Avouez-le, nous sommes entre nous : ils nous énervent!

Le parent parfait ne dévoile jamais rien de sa vie de couple ou familiale et se contente de juger celle d’autrui et d’émettre son opinion ou des recommandations non désirées. On dirait presque les parents de Caillou tellement on a l’impression, à les entendre, que tout se passe sans jamais lever le ton, avec diplomatie et en appliquant tous les modèles proposés dans les ouvrages de psychologies de l’enfant. Ça y est, vous avez des noms en tête?

À toi, parent parfait, je dirai ceci : arrête, tu nous pompes l’air! Tes enfants, tout comme les miens, ne sont pas parfaits. Oui, avec tes yeux de parents, tu trouves tes enfants parfaits, je trouve les miens parfaits aussi, mais avoue-le : des fois, tes enfants te tapent sur les nerfs à toi aussi. Tu ne seras pas un mauvais parent si tu avoues parfois que tu es dépassé (e) par les événements et que tu aurais besoin d’une pause juste pour passer du temps de qualité pour toi. Que toi aussi tu aimerais, l’espace de 24-48 heures, être autre chose qu’une maman ou un papa. Ça ne changera pas l’amour sans bornes que tu portes à tes enfants, tout comme ça ne change pas celui que je porte aux miens, de chialer un peu sur leur cas de temps en temps.

Tu sais, cher parent parfait, le fait que mes enfants ne sont pas inscrits à des cours de sports et d’arts en plus du parascolaire à l’école me convient parfaitement. Je les laisse s’ennuyer un peu, ça développe leur imagination, notion qui se perd de nos jours. Non, je ne suis pas toujours en mode G.O. avec mes enfants, je ne passe pas mes weekends à faire le taxi pour eux entre leurs activités et je ne cherche pas à être leur meilleure amie; je suis leur mère.

Ce n’est pas parce que je laisse mes enfants jouer avec des iPad et des consoles de jeux vidéo que je suis une mauvaise mère non plus. Quand ils sont occupés avec cela, je suis en mesure de faire le ménage sans que tout se déplace au fur et à mesure que je range. Ne t’en fais pas, cher parent parfait : je surveille et limite leur utilisation de l’électronique, mais au lieu de faire la guerre à la technologie, je m’en suis fait une alliée.

Cher parent parfait, ton parcours de vie est probablement très différent du mien. Nous ne sommes pas passés par les mêmes épreuves dans la vie. Garde cela en tête, je le ferai aussi à ton endroit. Non, je n’élève pas mes enfants comme tu le fais, tu as ta façon de faire et j’ai la mienne. Oui, je lève parfois le ton avec eux et je ne suis pas souriante systématiquement du matin au soir. En revenant d’une dure journée de travail, parfois, j’ai la mèche plus courte. Tu sais quoi? Mes enfants ont eux aussi des journées difficiles et ont aussi la mèche courte, et c’est normal. Ce ne sont pas des monstres pour autant. Ils sont humains tout comme moi. Ça n’arrive pas chez toi? Sois honnête quelques secondes, s’il te plaît. Nous ne pouvons pas tous raconter une mauvaise journée en grignotant des légumes bio pour que le sourire revienne. Nous avons parfois besoin de notre bulle et d’être en retrait des autres quelques minutes pour que ça passe et pour être sociable de nouveau.

Chez moi, ça boude, ça claque parfois des portes, ça renverse des verres de lait, ça fait des miettes sur le sofa, et quand ils se brossent les dents, il y a immanquablement de la pâte à dents dans le lavabo. Tu sais quoi, parent parfait? C’est bien correct comme ça. Je redis les consignes une fois, deux fois, trois fois et après, j’ai parfois besoin de ventiler parce que ça n’entre pas dans leur tête malgré la répétition des consignes. Oui, parfois j’ai besoin de ventiler parce que ça devient lassant de répéter les mêmes consignes, mais crois-tu réellement que je laisse les miettes s’accumuler sur le sofa et que je ne leur fais pas ramasser le tout? Donne-moi un peu de crédit, quand même!

Je suis une mère imparfaite avec un parcours de vie imparfait aussi. Je ne fais pas semblant du contraire et ça a fait de moi la personne que je suis et j’aime mes enfants… parfaitement!

Annie St-Onge

 

Maîtriser l’allergie…

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Moments privilégiés hier avec mon adolescente…

Quand je le lui avais annoncé, elle était super contente. Elle manquerait l’école. Je passe la chercher. La vie moderne : « Texte-moi quand tu seras là! » Je suis souvent las. Comme la majorité de mes blagues, elle roulerait des yeux. Je suis souvent perdu aussi. Je comptais trop sur une compagne pour élever ma progéniture. Je sais, un peu vieux jeu. J’ai beaucoup mûri depuis. Au moins sur le plan du partage de toutes les tâches.

Sa mère est morte, je ne les partage plus.

Nous allons à la clinique pédiatrique. Pour des tests d’allergie. La deuxième plaie d’Égypte moderne (tout juste après le TDAH). Celle des aliments Transformer. Les siennes sont plus faciles à gérer. Les fraises, kiwis et… bananes. Bananes, sérieux! Je n’avais jamais entendu ça avant. Que certains y étaient allergiques. Au moins, ça ne limite pas trop les repas familiaux. Ni les sorties. Quoi que, certains restaurateurs aiment mettre de la couleur dans tous les plats. Fleurs, fruits. Le rouge, c’est coloré. Ça fait concept passion. Étouffe-toi avec!

Premiers contacts seuls à seuls avec le tigre. Elle roule encore des yeux. « Tacos ». C’est son nouveau patois pour ce genre de choses inutiles que je dis. Tout. Je crois que je vais beaucoup l’entendre aujourd’hui. « À quelle heure le rendez-vous? » Le tout formulé sur le ton du PDG qui a un agenda chargé. Nous sommes appelés, presque à l’heure. Je donne mon contenant. Eh oui, il faut apporter les aliments à tester. Encore chanceux que des fraises se trouvent désormais à l’année. Jadis, elles n’étaient disponibles qu’au temps de leur récolte. Elles n’étaient pas Transformer. Mûries dans le transport.

Il y avait moins d’allergies…

Le Dr Tremblay a plein de questions. Avec son fort accent du Lac. Genre : « Elle a été allaitée? Jusqu’à quel âge? » Tout homme amoureux peut répondre à la première. L’autre… je réponds avec assurance, l’âge normal, deux ou trois ans! Il me regarde, dubitatif. Je comprends que ce n’est pas l’âge normal. Il notera autre chose au dossier. Je ne suis pas ce genre de père. Qui peut donner par cœur toutes les étapes. Les premiers mots, les premiers pas, etc. Je me souviens seulement que j’ai perdu pendant un temps la disponibilité de mes jouets (utilisés avec le consentement de leur propriétaire, toujours).

Bonnes nouvelles, les réactions sont minimes. Ma fille pourra réintroduire tous les aliments proscrits. Par étapes, du plus Transformer (c’est-à-dire des fruits cuits) au plus naturel. Elle est surtout contente pour les fraises.

Je devrais aller la reconduire à l’école. Elle y serait à temps pour terminer un cours.

Mais je vais plutôt faire ce que j’aurais aimé faire, à son âge. Foxer, loafer (sécher l’école). Avec elle. « Tu n’as pas des trucs à acheter? » La clinique est dans un des centres commerciaux principaux de la région. Elle adore magasiner.

« J’aimerais bien avoir un coton ouaté… » Elle les emprunte habituellement à des garçons. Et, en ce moment, elle a « cassé » avec son chum. Encore. Je le pense, sans rouler des yeux.

− Il veut ravoir les siens?

− Non, juste ne plus les porter…

Nous faisons quelques boutiques. Je pousse pour des matériaux techniques. Polyester. Avec des commentaires de parent. « Ça reste chaud même quand c’est mouillé. » Elle roule des yeux. Nous en trouvons deux. Elle les essaye. Elle hésite. Le noir, le gris…

– Prends les deux!

Elle ne roule pas des yeux, ils brillent…

michel

 

Dénonceriez-vous votre enfant?

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Ce jour-là, je suis au travail et je reçois une notification sur un réseau social… Je réalise avec colère que mon fils de quinze ans a publié une photo de son prof, pendant son cours… Je ne comprends pas. Il n’a pourtant pas le droit d’amener son cellulaire à l’école…

Pourquoi et comment a-t-il pris une photographie d’un professeur en train d’enseigner? Pourquoi a-t-il pris la peine d’écrire un commentaire idiot accompagné du nom et du prénom de son enseignant, et l’a ensuite partagé sur TOUS ses réseaux sociaux? Est-il conscient de la portée de son geste et du préjudice que cela peut entraîner? Sait-il que n’importe qui peut faire une capture d’écran et partager cette image?

J’ai hâte de rentrer à la maison et de confronter mon enfant sur le sujet. Depuis cinq ans, la loi sur le droit à l’image est affichée dans notre cuisine et nous en parlons souvent. J’ai de la misère à comprendre…

Le soir venu, mon ado nie tout en bloc.
– Ce n’est pas moi, c’est mon ami! Il a pris mon téléphone et a publié ça!
– Il a ton mot de passe? Donc cette photo est bien dans ton téléphone? Pourquoi il l’a publiée sur tes réseaux sociaux à toi?
– Pour me niaiser! C’était drôle!
Je continue les questions et je réalise que mon enfant se contredit, se débat (encore…) dans son mensonge…
– C’est toi qui as pris cette photo?
– Non! Je te jure que non! Pis anyway, tu étais pas là! Tu sais pas! Tu as rien à dire sur ce qui se passe à l’école! C’est pas si grave! Tu dramatises toujours tout! Tu sais pas, alors juste : tais-toi!

À ce moment précis, j’ai en effet arrêté de parler avec lui. Je lui ai demandé de lire la loi affichée sur le mur.

Et devant la mauvaise foi de mon enfant, j’ai décidé d’écrire à son école et à son professeur, pour leur expliquer son geste. Une partie de moi cherchait de l’aide. C’était important pour moi qu’il s’excuse auprès de son professeur, qu’il assume et répare! Sauf qu’il n’avait pas conscience de la gravité de son geste.

Ses frères et sœurs le confortaient :
– Maman! Tu capotes pour rien! Tout le monde fait ça! Y’a rien là!

– Je vais te poser une question : aimes-tu que je te prenne en photo?
– Non!

– Pourquoi?
– Parce que tu vas la mettre sur Internet et ça m’énerve!
– C’est la même chose. Penses-tu que ce prof a envie de se retrouver sur la toile?
– Maman! C’est juste drôle!

Très franchement, je me suis demandé si j’étais dans le champ, mais j’ai quand même envoyé le courriel à l’école…

Mon garçon a finalement paniqué et a avoué avoir pris cette photographie pendant son cours et l’avoir mise en ligne « pour rigoler»…

– Eh bien, mon grand, tu vas devoir répondre de tes actes à l’école demain…

– Tu es une balance!
– Tu es pire que la Gestapo!
– Tu n’as pas fait ça! Je risque d’être renvoyé!
– Maman, sérieux là?!

J’ai reçu des insultes et des commentaires négatifs de mes enfants pendant deux jours…

– J’ai fait ma job de maman… Un jour, tu comprendras…

Le lendemain, le directeur de l’école nous a contactés. Il a rencontré notre fils et a parlé avec lui des répercussions de son geste. Son discours allait dans le même sens que le nôtre, sauf qu’il a eu beaucoup plus de poids. Un enfant porte bien plus attention aux paroles d’un intervenant extérieur plutôt qu’à celles de ses parents «fatigants».


Le téléphone a été confisqué. Notre ado a dû rédiger une lettre d’excuse au professeur et faire des travaux d’intérêt général.

Le professeur et la direction de l’école ont travaillé en étroite collaboration avec nous. Je suis persuadée que mon enfant sait maintenant que cette histoire aurait pu être bien pire, cette image aurait pu ressortir plus tard avec encore plus de dommages collatéraux. Il est conscient du tort qu’il a causé à ce professeur et en est sincèrement désolé.

Cette collaboration parents/enseignants a permis à mon enfant de cheminer. Je suis sûre qu’elle fera de lui un meilleur citoyen.

Je suis très reconnaissante envers ces professionnels qui chaque jour, donnent leur temps et leur énergie pour faire de nos enfants de bons humains.

Je finirai avec cette phrase de son professeur : «Je pense que cette situation, désagréable pour tous nous rappelle l’importance de travailler ensemble pour servir l’éducation… car ne faut-il pas tout un village pour éduquer un enfant?»

 

Gwendoline Duchaine

 

Wo! Les préjugés!

Vous savez, la vieille blag

Vous savez, la vieille blague sur les fonctionnaires qui dorment au bureau? Ou celle sur les policiers mangeurs de beignes? Que vous soyez coiffeur, infirmier, enseignant, fleuriste, chiro… il y a des préjugés qui circulent par la bouche de gens mal informés. Et ces préjugés ont la couenne dure!

Quand j’étais étudiante en littérature, on me voyait comme une pelleteuse de nuages. J’étais boursière, donc je me faisais vivre par le gouvernement pour… rien. Parce que la littérature, c’est rien, voyons! Aucune utilité!

Quand je suis devenue enseignante à l’université, je suis devenue la snob, la péteuse de broue. Autour de moi, les gens s’étonnaient que je ne parle pas en trou de cul de poule. Des personnes m’ont déjà dit : « J’ai failli refuser de te rencontrer parce que j’étais certain que tu te prendrais pour une autre. » Ces personnes étaient surprises que je sois « normale », que je parle normalement, que je m’intéresse à des sujets normaux, que je ne sois pas hautaine, et même que j’aie le sens de l’humour. Comme si en signant un contrat dans une université, on signait un pacte avec le diable des chiants.

Pendant quelques mois, j’étais sans emploi. J’avais passé l’année à courir entre deux emplois à temps plein et simultanés, le cerveau à ON vingt-deux heures par jour, les cernes en dessous du bras, le salaire qui entrait en double. Je recevais des prestations de chômage qui me semblaient nécessaires à la préservation de ma santé et qui, je le savais, étaient temporaires. Malgré mon retour déjà prévu sur le marché du travail, on me faisait sentir comme une moins que rien, une « pas intéressante ». Dans une soirée, les autres invités tournaient les talons dès que je répondais à leur question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie? »

– Pour l’instant, je suis sans emploi.

Je n’avais même pas le temps de parler d’un projet à venir ou de la façon dont j’occupais mes journées. J’avais la lèpre. On était en plein « faire », bien loin de l’être…

Puis, je suis devenue fonctionnaire. Au fédéral, en plus. Ça, dans l’opinion populaire, c’est une coche pire que « juste » fonctionnaire. C’est connu, pour faire avancer le pays, ça prend juste des paresseux, des incompétents, des personnes qui passent leur journée à regarder YouTube ou à boire du café. Des commentaires, j’en ai reçu, j’en reçois encore, malgré mes protestations. Un fonctionnaire, quand ça prend un congé, c’est payé à ne rien faire. Un fonctionnaire, quand ça prend deux heures pour célébrer Noël, c’est gras dur. Même si ledit fonctionnaire paie son propre repas, son propre taxi pour se rendre à l’activité pour laquelle il a payé sa propre inscription. Et un fonctionnaire, quand ça travaille, ça fait juste semblant. À la limite, ça tape sur un clavier pour se donner bonne conscience. Des pousseux de crayon. Invisible, tant qu’à y être.

Vous voulez connaître mon opinion là-dessus? La voici.

Qu’on soit fonctionnaire, électricien, médecin, camionneur, ingénieur, parent au foyer ou étudiant, on peut être paresseux, ou dynamique, ou motivé, ou travaillant, ou profiteur, ou honnête, ou workoholique. On peut être désagréable avec nos collègues ou sympathique. On peut faire des heures supplémentaires ou prendre des pauses exagérément longues. On peut changer le monde ou s’asseoir sur son steak. On peut être un atout pour la société grâce à notre bon travail ou un poids à cause de notre mauvais travail.

Ce qui définit une profession, ce ne sont pas les préjugés qui circulent et qui font de la peine aux travailleurs fiers de leur métier. Ce qui définit une profession, ce sont les personnes qui exercent ce métier. Au lieu d’être aveuglé par l’image que vous avez des éducatrices en garderie ou des plombiers, regardez le travail qu’ils font vraiment, regardez leurs yeux qui brillent, écoutez leur fierté. Regardez à quel point leur travail améliore et parfois même change la vie de plusieurs.

Si on attend longtemps à l’urgence, ce n’est pas à cause d’un médecin ou d’une infirmière qui dort sur la switch. Si le format du bulletin de nos enfants a des lettres au lieu des pourcentages et que ça ne fait pas notre affaire, ça ne sert à rien de s’attaquer aux profs. Si les constructeurs de maisons tapent du marteau trop tôt dans notre quartier, ce n’est pas parce qu’ils veulent nous faire suer.

J’ai la chance de travailler avec des gens d’une cinquantaine de métiers différents et qui proviennent de partout au Canada. Je peux vous dire qu’il y a des bons travailleurs dans tous les domaines, comme il y en a des mauvais. Faque… est-ce qu’on peut s’entendre pour dire un gros « À bas le racisme de profession »? Au lieu de juger votre beau-frère parce qu’il travaille chez Postes Canada ou votre sœur parce qu’elle est comptable, ou plutôt que de juger votre cousine qui accumule les congés de maternité ou votre mère qui a pris une retraite méritée, vous pourriez peut-être vous intéresser à ce qu’ils font réellement de leurs journées. Et surtout, à ce qu’ils sont.

Nathalie Courcy

 

Le sport dans ton emploi du temps – Texte: Gwendoline Duchaine

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Les enfants, la job, l’épicerie, le lavage, la maison, les chiens, les activités, les devoirs, les trajets… je ne sais pas pour vous, mais personnellement, mes journées sont très remplies! Dans ce rythme infernal, j’ai décidé, depuis plusieurs années maintenant, de me garder du temps pour MOI.

J’ai un besoin vital de faire du sport quotidiennement. Marcher le soir avec de la musique dans les oreilles, patiner, courir, m’entraîner, jouer dans la neige, faire du vélo… tous les moyens sont bons pour faire sortir le méchant au moins une heure par jour! J’ai besoin de cette heure-là! Après ma journée de travail, après le souper, entre deux trajets : je me dégage du temps dans notre planning pour faire du sport.

Plein de gens me disent : «Comment tu fais? Je n’ai pas le courage! Je n’ai pas le temps!» Chaque année, je regarde mon entourage prendre des résolutions, payer un abonnement au gym, se donner des objectifs épeurants, pour finalement s’essouffler après deux mois et demi.

Ma solution : faire du sport chez moi!
Une séance d’abdos dans mon sous-sol pendant que le souper mijote, un cours de fitness (vivent les vidéos en ligne!) pendant les devoirs des enfants. Chaque soir, je me pose et je m’organise pour savoir quand et comment je vais faire du sport le lendemain.

Et je le note dans l’emploi du temps!
– Maman, peux-tu m’amener à 14 h samedi chez mon amie?
– Non, regarde mon cœur, samedi je patine de 13 à 15 h. J’irai te mener après.

Et je me tiens à ce que j’ai décidé de faire même si la progéniture insiste! Pour moi, c’est aussi important qu’une réunion ou un rendez-vous chez le médecin. C’est ma santé, mon équilibre et de fait, celui de ma famille. Mon conjoint et mes enfants respectent ça; anyway, je ne leur donne pas le choix!

Et vous? Comment faites-vous pour vous organiser et avoir du temps pour vous? Si, en 2018, on choisissait de prendre soin de soi toute l’année?

 

Gwendoline Duchaine

 

La fois où, plus capable de te sentir, je t’ai collé au frigo

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Il fut un temps où je me sentais à court de tout face à ton opposition. Face à toi. Tu t’opposais à TOUT. Tu étais la meilleure en TOUT. Nos idées étaient de la m**de. Tu roulais des yeux plus rapidement que les roues d’une voiture sport sur une piste d’essai. J’en suis venue à détester cette attitude. Toi, je t’aimais. Mais honnêtement, je frôlais parfois la déraison et je mélangeais mon dégoût de ton opposition et de ton toi tout entier.

J’étais l’adulte. Toi, tu n’étais que l’adulte en devenir. Je savais que tu étais en apprentissage. Il existe toutefois une zone entre le réel et l’émotionnel qui fait que l’on balance rapidement vers l’envie de haïr le TOI en devenir. Une zone grise qui est décrite, mais tant et aussi longtemps qu’elle n’a pas été vécue, elle ne peut être comprise.

J’en ai passé des nuits à te bercer. À te consoler. À t’aimer en tout point. Mais là, plus rien n’allait. Nous étions aux antipodes. Je redoutais le moment où je te lancerais que j’en avais marre de cette attitude qui te rendait si méprisable. Que je ne pouvais imaginer avoir enfanté un être aussi peu respectueux à notre égard. J’en ai ravalé des paroles. Essuyé des larmes. J’ai prié comme jamais pour que tu redeviennes ce petit être si chéri dans mon cœur. J’ai lu et relu des articles et bouquins qui parlaient de ton état : L’ADOLESCENCE.

J’avais besoin de renouer avec le beau en toi. Celui vers lequel je courais pour m’y retrouver tellement notre complicité était belle et bonne pour nous deux. Jadis.

J’ai mis en place des plans d’action. Renforcements positifs. Puis des retraits, des conséquences. De la DISCIPLINE. Plus tu t’éloignais, plus je te voulais près de moi. Puis… le plus loin possible de moi. Juste de me replonger dans cet état me donne la nausée. M’imaginer te rejeter loin de moi qui t’avais tant désiré allait à l’encontre de tout.

Et puis… la nostalgie des beaux jours m’est revenue. J’étais à deux doigts de tout. Je le sentais. Notre proximité m’était plus qu’importante.

J’ai écrit sur une feuille les moments où tout allait bien entre nous deux. Les moments où tu étais disponible au NOUS que nous étions auparavant. J’ai pris soin de placer ces moments à la vue, à ma vue. Directement sur le frigo. Tu ne lis pas ce qui s’y trouve. Tu n’ouvres la porte que pour la collation ou le déjeuner. Moi, je les lisais souvent. Chaque fois que je passais devant.

J’ai pris soin de mettre de côté tous les mauvais moments que nous passions ensemble pour ne me consacrer qu’à l’essentiel. Ne me consacrer que sur le positif. Nous refaire. Lire et relire les moments que nous aimions tant passer ensemble et où j’avais ton entière collaboration m’ont projetée vers l’envie de les recréer. Tu étais disponible à mettre la table, je me garrochais là-dessus. J’accordais toute mon énergie à ces trop rares moments qui passaient. Petit à petit, nous avons réappris à rire. À passer du bon temps ensemble. Nous avons recréé des moments importants à vivre.

Petit à petit, j’étais moins la mère qui te confrontait, mais de plus en plus la mère qui collaborait. Nous n’étions plus dans une atmosphère de contrôle, mais de plus en plus dans une atmosphère d’épanouissement.

Les moments positifs ont finalement pris le dessus sur le négatif que nous avions créé.

Cette liste, je l’ai maintenant dans mon cœur et j’y rajoute des moments inoubliables tous les jours. Je tente de faire en sorte que l’on puisse toujours rester connectés. J’ai vu que toi aussi, tu fais des efforts et ils sont si salutaires.

Jamais je n’aurais cru que notre frigo aurait fait en sorte que nous allions nous rejoindre à nouveau. Comme quoi la cuisine est et restera vraiment un lieu rassembleur.

 

Mylène Groleau

Quand ta crainte de dormir chez une amie vire au cauchemar

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J’ai une fille avec un tempérament un peu anxieux. Un tempérament qui, au début de son apparition, ne causait pas trop de tort. Mais qui, une fois bien installé, nous a projetés dans les dédales de l’incertitude. Nous a fait frôler le cauchemardesque.

Tes craintes se sont manifestées à priori par de petits signes physiques. Puis, petit à petit, en grandissant, tu as mis des mots dessus. Mais rien à voir avec le rationnel. Non. Tu fabulais, tu racontais des tas de trucs afin de nous faire comprendre que telle ou telle situation te rendait inconfortable.

Nous t’avons tout d’abord soignée. Ton anxiété se manifestait souvent par des « bobos au ventre ». Puis au cœur. Maux de tête. Tu as même déjà souligné que tu croyais avoir les symptômes d’une gastro. L’attention fut renouvelée lorsqu’à travers tes mots et tes histoires, nous avons tenté de comprendre l’entièreté de ton cafouillis. Tu avais compris que plus tu beurrais épais, moins l’aide ne tarderait pas à arriver. L’attention offerte fut ainsi acquise pour les fois suivantes. Nous venions d’entrer dans une roue qui pourrait tourner indéfiniment.

Aller coucher chez une amie était souvent difficile. Tu nous appelais lorsque venait le temps d’aller te mettre au lit, prétextant un mal de ventre. Puis parce que tu n’étais pas à l’aise. À l’aise de quoi? Ça devait faire deux ou trois fois que tu allais passer de longues journées chez cette amie. Le plaisir que tu y trouvais! On ne pouvait imaginer qu’une nuit hors de la maison serait catastrophique pour toi. Et puis oui.

Dans ton imaginaire, il s’en passait des trucs. Plus tu y pensais et appréhendais ce qui s’en venait, plus tu craignais de ne pas nous savoir près de toi. Le temps a filé. Ton petit corps en a pris un coup. L’angoisse et l’anxiété se sont emparées de toi. Elles étaient de connivence. Elles se sont ralliées contre nous. Trop petite pour comprendre ce qui se passait, tu t’es alors jetée dans des histoires afin que nous mettions fin à tes supplices.

Les années ont passé, mais toujours la crainte de la nouveauté te cause des préjudices. Et par ricochet, à nous aussi.

J’avais tout fait en mon pouvoir pour instaurer ce lien d’attachement qui allait t’offrir le cadre nécessaire pour bien te sentir. J’avais toujours droit à une « crisette » lorsque venait le temps de sortir de la maison pour un moment à moi, entre filles ou pour aller faire des courses. Aller à l’école loin de moi t’était parfois impensable.

T’avais-je trop couvée? Avais-je instauré en toi un processus de crainte de la séparation? Avais-je, à un moment ou l’autre, accordé trop d’importance à tout cela, créant du coup du tort à ton développement?

Jamais tu n’avais été confrontée à une séparation angoissante, voire traumatisante au point de créer de l’anxiété.

Nos avertissements et nos menaces n’ont pas le dessus sur ce qui te ronge, t’effraie. On discute avec toi, t’explique ce qui va se passer. Cherche avec toi des solutions lorsque viendra le moment de reconnaître cet état que tu n’apprécies guère. Oui, il y a eu des menaces de perdre tel ou tel privilège si tu allais nous appeler au beau milieu de la nuit. Tu as préféré les retraits plutôt que de rester chez l’amie.

Le temps passera. Ton plaisir prendra le dessus sur l’inconnu. Tu choisiras de te faire confiance et tout ira pour le mieux. C’est bien d’écouter ton instinct, mais faut apprendre aussi à le contrôler. L’apprentissage de ce contrôle te servira pour le reste de ta vie. Fais‑toi confiance!

Je me questionne sur le lien de ce que tu as vécu toute petite et maintenant. Quitter l’enfance pour entrer dans le monde adulte te fera-t-il aussi peur que d’aller passer une nuit chez une amie? Si tu doutes de tes capacités intérieures, qu’en sera-t-il alors des questions existentielles sur ta vie? Moi, je crois en toi, mais je ne veux pas te pousser à croire en toi si tu n’as pas les bons outils pour y parvenir. Tu es ce que tu es. Ni faible ni pas bonne. Tu es toi et je veux que tu croies en toi aussi fort que nous croyons en toi. À un moment de ta vie, tu t’es fragilisée. Nous tâcherons de t’aider à comprendre que le passé n’est un présage ni de ton présent et ni de ton avenir. De t’offrir de nouvelles balises et ensemble de reconstruire ce que tu avais mis en place un peu maladroitement.

Il nous importe de te sentir bien, peu importe où tu te trouves. Là où tu seras, nous y serons.

 

Mylène Groleau