À toi le bébé que je n’ai pas eu
Je te sentais en moi, même si tu n’avais que cinq semaines de vie. Je savais que quelque chose en moi grandissait, s’accrochait. Lorsque j’ai aperçu la petite ligne sur le test de grossesse qui signifiait que tu étais bien réel, je te l’avoue, j’ai paniqué. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Pourquoi un petit être s’accrochait à moi, alors que ce n’était pas ce que je désirais ? Lorsque j’ai eu mon premier rendez-vous pour confirmer que tu étais bel et bien là et que j’ai entendu ton petit cœur battre, mon dieu que je t’aimais déjà !
Je ne pouvais m’empêcher de flatter mon ventre à tout moment de la journée.
J’avais tellement peur, pourquoi ça m’arrivait ? Qu’est-ce que les gens allaient penser ? Qu’est-ce que ton papa allait dire ? C’est drôle à dire, mais je sentais que la meilleure vie pour toi, c’était de ne pas venir au monde…
J’ai dû annoncer à mes parents que j’étais enceinte (encore aujourd’hui, cela me fait drôle de dire que j’ai déjà été enceinte). Ils m’ont appuyée dans ma décision, sans jamais me juger. Je savais par contre qu’au fond d’eux, ils auraient tellement voulu devenir grands-parents. Ça a été très difficile de leur briser leur rêve…
J’ai dû aller à plusieurs rendez-vous, pour savoir si c’était vraiment ce que je désirais, et puis le jour est venu où les médecins m’ont donné deux petites pilules pour te faire rejoindre les étoiles. Mon dieu que ç’a été douloureux, autant mentalement que physiquement ! Et puis tu es parti… Quel choc ç’a été de me dire que je devais mettre fin aux jours d’un être humain. Oui, j’ai mis fin à tes jours, parce que ton cœur battait, tu étais donc bel et bien en vie. Sur le coup, je ne l’ai pas réalisé, puisque j’étais tellement sous le choc de l’annonce de ta venue inattendue.
Les mois et les années qui ont suivi ont été parsemés de questions, de pleurs et de peine. Je devais assumer mon choix, qui n’était pas le mien à 100 %. Mais je devais continuer d’avancer dans la vie, en gardant toujours une place spéciale pour toi dans mon cœur et ma tête.
Je me suis trouvée égoïste quand j’ai mis un terme à cette grossesse, mais d’un autre côté, je sentais que c’était la meilleure chose à faire. Tu n’avais pas demandé à venir au monde, et encore moins dans un environnement qui ne te permettrait pas de t’épanouir à 100 %. Je sais que j’aurais été une bonne mère, mais je sais que la relation avec ton papa aurait été difficile. Il ne voulait pas de toi, et il n’était pas question pour lui que je te garde.
Mon enfant, mon amour,
Je n’aurai jamais la chance de savoir si tu étais un garçon ou une fille ;
Je n’aurai jamais la chance de savoir de quelle couleur auraient été tes yeux ;
Je n’aurai jamais la chance de savoir si tu m’aurais ressemblé ;
Je n’aurai jamais la chance de savoir si tu m’aurais aimée ;
Je n’aurai jamais la chance de voir tes premiers pas ;
Je n’aurai jamais la chance de voir ta première dent ;
Je n’aurai jamais la chance de voir ton premier sourire ;
Je n’aurai jamais la chance d’entendre tes premiers mots ;
Je n’aurai jamais la chance de savoir quel côté de moi tu aurais retenu ;
Je n’aurai jamais la chance de te couvrir de bisous ;
Je n’aurai jamais la chance de te voir courir vers moi avec ton petit sourire ;
Je n’aurai jamais la chance de ressentir tout l’amour que tu as pour moi ;
Aujourd’hui, je suis avec un homme merveilleux depuis sept ans, et nous parlons de fonder une famille. Je ne peux être sans penser à toi, qui aurais neuf ans aujourd’hui. C’est quand même bizarre de se dire que je veux avoir des enfants, alors qu’il y a neuf ans, je ne voulais pas de toi. En fait, ce n’est pas que je ne voulais pas de toi, c’est seulement que je n’étais pas en mesure de m’occuper de toi à ta juste valeur.
Tu auras à tout jamais une place spéciale dans mon cœur, ma tête et dans ma famille.
Je t’aime, toi l’enfant que j’ai décidé de ne pas mettre au monde.
Eva Staire