Lorsque je ne serai plus là
Jour après jour, je te chante une berceuse en te flattant tendrement la joue. Chaque jour. Chaque soir. À chaque coucher. Pourtant, l’une de ces fois ne fut pas comme les autres. Comme à l’habitude, je faisais glisser mon doigt le long de ta joue, tentant de te transmettre tout mon amour d’un seul mouvement beaucoup trop précis. Un geste si simple, mais rempli d’un amour inconditionnel. Mon regard plongé dans le noir de tes yeux, mon trop‑plein d’amour a débordé. D’une lucidité beaucoup trop agressante, je me suis dit : un jour, je ne serai plus là.
Ces mots sont apparus telle une bombe dans mon paisible petit bonheur et les vagues s’en font encore ressentir aujourd’hui. Un jour je ne serai plus là… pour toi. Pour vous, mes enfants. J’accepte le fait que je devrai mourir un jour, mais le fait que je ne pourrai plus être présente pour toi m’est littéralement insupportable. Et lorsque je dis ceci, je le pense non seulement pour toi, mais pour tes frères aussi.
Personne ne s’en sortira vivant, ainsi va la vie. C’est clair et précis. Et pourtant…
Tu es encore si petite. J’ai l’impression que je n’aurai jamais fini de vouloir te parler. Je n’aurai jamais fini d’être si fière de toi. Je n’aurai jamais fini de t’écouter. Je n’aurai jamais fini de vouloir de serrer dans mes bras. Je n’aurai jamais fini de simplement t’aimer. Je n’aurai jamais fini… et pourtant, je devrai un jour te quitter. T’abandonner à toi‑même.
Mais je t’aime tellement.
Comment faire pour te préparer à continuer sans moi? Comment, pendant que je suis encore à tes côtés, puis‑je te préparer à mon départ? Pourrais-je un jour me dire : Voilà, je crois qu’à partir d’aujourd’hui, tu sauras suivre ton chemin? Ou serais-je trop égoïste pour seulement m’en rendre compte? Parce qu’au final, c’est ça être parent : te guider afin que tu survives à ce bas monde et si la vie me le permet, m’assurer que tu aies tout ce dont tu as besoin pour en profiter pleinement.
Tu affronteras plusieurs défis au courant de ta vie. Parfois, tu auras même envie de tout abandonner, mais rappelle-toi une seule chose : demain est un jour nouveau. Qui sait ce que demain t’amènera? Sois curieuse et va voir ce que la vie te réserve. Et si jamais la vie n’est pas si belle ici pour toi, eh bien va voir si elle est plus belle ailleurs. Peut‑être ton bonheur se trouve‑t‑il dans un autre pays, dans une autre religion? Peu importe. Cherche ton bonheur, trouve‑le et cultive‑le. Le bonheur se présente sous différentes formes tout au long de ta vie, tu verras. Il est si précieux, si important.
Vois la beauté en chaque chose, en chaque personne. Ta vie n’en sera que plus belle.
Sache que de mon côté, mon bonheur, je l’ai trouvé. Je l’ai trouvé en vous trois, mes enfants, et bien sûr papa sans qui je serais encore à la poursuite de mon bonheur. Merci de m’avoir comblée de ta présence, de ton amour.
Je t’aime et je te souhaite de cultiver tellement de bonheur que tu en deviendras contagieuse. Simplement.
Maman.
Geneviève Dutrisac