Les papis et les mamies
Je veux vous raconter aujourd’hui une histoire pleine de compassion, d’amour et de générosité. J’ai eu une garderie en milieu familial pendant sept ans. J’ai eu la chance d’accompagner des familles fabuleuses et des enfants merveilleux dans leur enfance. Où nous vivions, il y avait une maison de personnes âgées au coin de la rue. C’était à quatre maisons exactement de chez nous. La première fois que l’idée m’est venue, j’ai appelé à la résidence pour leur demander si on pouvait venir visiter des personnes âgées, les enfants et moi. On m’a répondu que plusieurs d’entre elles n’avaient jamais de visite et que ce serait vraiment apprécié. Je ne savais pas encore dans quel contrat on s’engageait.
J’ai parlé avec les enfants de la garderie de la visite que nous allions faire. Je leur ai dit qu’il existait une maison où des papis et des mamies vivaient et où ils aimeraient vraiment recevoir notre visite. Les enfants étaient enchantés. En plus, ils adoraient leurs propres papis et mamies, donc ça en ferait plus à aimer! Ils ont fait des dessins colorés et des cartes remplies de cœurs. J’ai donc habillé les enfants, pris leurs dessins et nous sommes partis.
À notre arrivée, nous avons rencontré des femmes passionnées, douces et chaleureuses. Tout le monde était vraiment ravi qu’on soit là. Je ne savais pas encore dans quel contrat on s’engageait.
On s’est placés en petit train, les enfants en file indienne, et nous sommes entrés dans le premier corridor. Une dame est sortie de sa chambre en entendant le pas des enfants. Elle était souriante. Elle m’a dit : « Ho! Qu’il est mignon! », en pointant l’un des enfants. Je l’ai remerciée. Elle m’a demandé comment il s’appelait. Puis, elle m’a demandé si c’était un garçon ou une fille. Et elle l’a regardé, attendrie. Elle m’a redit : « Ho! Qu’il est mignon! », en pointant le même enfant que la première fois. Je l’ai remerciée à nouveau. Elle m’a redemandé comment il s’appelait. Puis, elle m’a redemandé si c’était un garçon ou une fille. Elle l’a regardé, attendrie à nouveau.
J’ai compris à cet instant que la dame souffrait de la maladie d’Alzheimer. La préposée qui nous accompagnait a vu ma surprise. Elle m’a alors expliqué que le centre dans lequel nous étions accueillait exclusivement cette clientèle… Ce détail m’avait échappé. On a alors continué, les enfants et moi, à saluer les mamies et les papis à tour de rôle. Les enfants ont donné leurs dessins. Les papis et les mamies ont donné des câlins. J’ai compris dans quel contrat on s’engageait alors.
Nous sommes arrivés devant une porte fermée. La préposée nous a dit qu’il s’agissait d’un monsieur aigri et agressif. Il ne recevait aucune visite, jamais. Elle nous a dit qu’on pouvait passer à une autre porte. Mais les enfants ont insisté pour offrir leurs dessins, à tout le monde, à ce papi-là aussi. Sinon, c’était pas juste. Quand la porte de sa chambre s’est ouverte, nous sommes tombés face à face avec le papi aigri. Puis, il a vu les enfants. Il s’est agenouillé et a pris le plus jeune dans ses bras. J’ai compris dans quel contrat on s’engageait alors.
Nous sommes retournés les visiter, dès que l’occasion se présentait. Les personnes âgées de ce centre ne se souviendront pas de nos visites. Mais les enfants, eux, s’en souviendront toujours. Ils se souviendront des papis et des mamies, des dessins et des câlins. Et moi, je me souviendrai toujours de cet amour dans l’air. Des regards perdus dans la brume, qui renaissent quelques secondes pour le câlin d’un enfant.
Chères mamans, prenez de votre temps et amenez vos enfants les visiter. Vos grands-parents, bien sûr, mais aussi ceux des autres. Ceux qui ont été oubliés ou qui ont oublié qui devait les visiter…
Joanie Fournier