Enfin l’été!
Après un long et dur hiver, finalement la chaleur de l’été s’installe tranquillement. Le soleil se lève plus tôt et se couche plus tard.
Les enfants ont plus de plaisir à jouer dehors, ce qui a un effet bénéfique pour moi. Je peux cuisiner en toute tranquillité. Ou bien je peux faire d’autres tâches en attendant que ma femme arrive de travailler. Moins de bruits pour mes oreilles et c’est mieux pour ma blessure. Pas de chicanes dans la maison. Je suis seul avec Théra, ma chienne d’assistance.
Oui, je vous jure que cet hiver a été très difficile pour moi. J’ai eu beau mettre dehors le mauvais chum dans le salon. Vous savez celui dont je vous ai parlé dans mon premier article… je devais me battre souvent, car j’avais plusieurs problèmes à gérer en même temps.
Les militaires effectuent beaucoup d’entraînement physique au cours d’une carrière, ce qui contribue à l’usure prématurée des articulations de leur corps. On m’avait déjà expliqué à la base de Valcartier qu’au lieu d’avoir mon problème de genoux à 65 ans, je l’avais développé à 30 ans. Donc on parle d’une usure prématurée de 30 à 35 ans dans mon cas et pour plusieurs comme moi qui ont connu l’ère de la course avec des bottes de combat avec semelle dure et équipement lourd à porter. Aujourd’hui, nos soldats ont un meilleur équipement, mais il reste encore place à l’amélioration.
Je me rappelle, quand je courais avec mon équipement à la base de Petawawa. J’avais presque l’impression d’avoir des sabots de bois sous les pieds. Tout l’équipement sur mon corps était lourd et non ajusté à la forme de mon dos. Mon casque d’acier voulait se promener même ajusté. Nous avions de l’équipement de très mauvaise qualité. Sans parler des 13 et 16 km de marche forcée qu’on devait effectuer à l’intérieur de 24 heures. Deux paires de bas et de la vaseline pour diminuer les ampoules et le tour était joué chaque année. Ce n’était pas de la marche, c’était de la course, car c’était une compétition entre unités! Et pour bien représenter l’unité, on avait des pratiques afin de bien performer.
Voilà une des raisons parmi tant d’autres pour lesquelles nous, les militaires, sommes blessés et que notre corps s’est usé prématurément. On s’est donné à fond pour être toujours en forme afin d’être prêt pour défendre et servir notre pays. Aujourd’hui, j’en paie le prix grandement comme beaucoup d’autres.
Chez moi, je n’ai pas de baromètre car je n’en ai aucun besoin. Je le sais quand il va pleuvoir le lendemain. J’ai mal, j’ai de la misère à fonctionner et parfois même à monter les escaliers. Les baromètres, j’en ai deux qui sont installés dans mes genoux depuis le début de ma trentaine.
Dernièrement, je suis allé à un rendez-vous à l’hôpital des vétérans. J’étais dans l’auto et ça se passait bien. Quand est venu le moment de sortir de l’auto, c’était plus difficile. J’ai commencé à marcher et puis, après quelques pas dans le stationnement, je me suis mis à boiter. Dehors, il faisait froid et il pleuvait. C’était humide et dur pour mes genoux et mes pieds. Dès que je suis entré dans l’hôpital, c’était beaucoup mieux. La chaleur me faisait du bien. Je pouvais mieux marcher avec Théra.
Le froid et l’humidité m’affectent beaucoup. Cela me cause beaucoup de douleur, ce qui affecte mon moral. Donc je dois gérer des douleurs physiques dans plusieurs parties de mon corps en plus de mon trouble de stress post-traumatique. Je vous l’avoue, ce n’est pas évident. Le mauvais chum dans le salon a tendance à revenir et je dois le laisser en dehors de ma maison.
Cela va aussi beaucoup jouer sur mon humeur et je dois me contrôler. Ce n’est pas à ma famille d’endurer mes sautes d’humeur. Ils en ont assez payé le prix. Je dois faire de gros efforts.
Beaucoup de militaires ont à composer tous les jours avec des douleurs physiques. Ces douleurs physiques jouent grandement sur leur tempérament. Parfois, c’est difficile pour la famille, car l’humeur en mange une claque. Imaginez, quand le TSPT vient s’ajouter à tout cela…
Je tenais à vous parler de la problématique des douleurs physiques que les militaires peuvent vivre afin que les conjoints, conjointes, amis et amies puissent mieux comprendre les sautes d’humeur et d’autres problèmes que cela peut engendrer. Beaucoup d’entre nous sont jeunes, mais nous avons un corps usé à l’intérieur. Une autre blessure invisible, mais qui a beaucoup de conséquences sur notre quotidien. Ainsi vous pourrez mieux nous comprendre et peut‑être même nous aider.
Carl Audet