La misère humaine

De par mon parcours de vie et mon travail, la misère humaine, je sais qu’elle existe. Cette profonde détresse sociale qui masque le cœur des gens et les entraîne dans des patterns inimaginables. Comment est-ce qu’on peut vendre son enfant pour des services sexuels en échange de drogue ? Secouer son bébé ? Assassiner la chair de sa chair ? Violenter les gens qui devraient être les personnes les plus précieuses dans notre vie ? Il faut avoir côtoyé la misère humaine pour comprendre que le problème, il est profond, complexe et surtout très confrontant.

Il y a quelques jours, le pire est arrivé à la petite Rosalie. On ne sait pas tout, mais on connaît le résultat final et c’est bien suffisant. La mère en moi a fermé les articles, car c’était trop difficile à lire, à imaginer. Puis, j’ai fait l’erreur de lire quelques commentaires. J’ai été frustrée par en dedans quand on souhaitait haut et fort la mort de sa mère et de tous les parents qui n’arrivent pas à protéger leurs enfants. Tuer une personne parce qu’elle en aurait tué une autre, ça ne fait pas aussi de nous des tueurs ? Ça ne fait pas de nous des gens qui utilisent le même moyen que l’on dénonce ? En tout cas, ce n’est pas le but de mon texte. Puis on ne connaît même pas le fond de l’histoire, sa mère, elle est innocente jusqu’à preuve du contraire, ne l’oublions pas.

Ça m’a ramenée à il y a quelques semaines, j’étais triste aussi. Suite à l’annonce de la gratuité des services de garde en milieu défavorisé, j’ai encore une fois fait l’erreur de lire les commentaires sur Facebook. Une bonne partie des gens étaient frustrés : « Wow m’a y aller sur le BS c’est ben plus payant », « Maudit moi je travaille fort pis j’ai de la misère à arriver, le gouvernement ne peut pas m’aider moi aussi au lieu des criss de BS », ainsi de suite.

J’aurais besoin qu’on m’explique : elle est où, la cohérence collective ? Rosalie, vous auriez aimé que le système la protège, mais en même temps, il ne faudrait pas que le système investisse chez les plus pauvres, jamais, parce que ce sont juste des BS qui vont en profiter ?

Vous savez quoi ? J’aurais envie de proposer le contraire : « Qu’ils aillent donc sur le BS, ceux qui travaillent ! » On s’en reparlera dans quelques mois. J’offre même de l’aide pour le déménagement, parce que ça m’étonnerait que vous puissiez rester dans le même quartier, la même maison, le même voisinage. Même avec cet exercice, ce ne serait pas réaliste puisque vous n’auriez pas eu la même enfance, les mêmes traumatismes, la même personnalité que ceux que vous dénoncez. Vous n’auriez pas le poids de la transmission intergénérationnelle, de l’ostracisation de la société, de l’isolement, de la souffrance si grande qu’elle coupe toute forme d’empathie.

Peut-être, par contre, que cela permettrait de vivre le problème de l’intérieur. D’entendre le voisin battre sa femme ou la femme battre son conjoint et le faire accuser par la suite, de voir des enfants trop seuls, trop tard dans la rue, d’entendre des bébés hurler à longueur de journée et des parents hurler encore plus fort pour qu’ils cessent.

On fait quoi ? On les ramène tous les enfants chez soi ? On les place tous ?

Des fois, sortir un enfant d’un milieu toxique et le mettre dans une belle petite famille aimante, c’est traumatisant pour lui, il perd des repères qui, bien que malsains, lui permettait de survivre un minimum.

Comment est-ce qu’on traite les personnes les plus vulnérables de notre système ? Dans quoi choisit-on d’investir comme communauté ? Comment fait-on pour briser l’isolement qui crée de la détresse sociale ? Je n’ai pas de réponses, mais je sais que la haine n’est pas une option constructive.

Roxane Larocque

 



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