Carmen Campagne est décédée. Et alors?

Carmen (si je peux me permettre cette familiarité, l’ayant côtoyée durant des décennies à travers mon téléviseur et mon radiocassette) avait encore un long chemin devant elle que nous aurions aimé la voir emprunter. Elle nous a quittés, emportant avec elle des générations entières. Des générations à avoir entonné ses ballades, ses rythmes, son dynamisme, son humour et ses reprises de notre folklore et de nos traditions. Des générations à avoir eu les cassettes audio jusqu’à en casser le ruban. Des générations entières qui chantent encore ses chansons encore aujourd’hui. Ma génération entre autres.

J’étais éducatrice, en plein début de carrière lorsque j’ai entendu puis chantonné les airs animés de Carmen pour la première fois. Il n’y avait pas une seule chanson que nous n’entamions pas dans mes stages pour ramener nos petits groupes à l’ordre. Les enfants dansaient sous ses airs. C’était magique pour nous, les chansons amenaient au rassemblement. Nous pouvions passer d’une activité à une autre grâce à ses paroles invitantes. Nous avons gestuellement bougé sur ces hits. Tout était prétexte à chanter du Carmen Campagne. Tout était prétexte à se lever le popotin et bouger avec énergie. Encore aujourd’hui, ses chansons ont leur place au sein de mes groupes d’enfants. J’aime son accent qui amène à bien prononcer et articuler notre si belle langue française.

Puis, sont apparues les vidéocassettes. Les VHS… Le bonheur. Nous pouvions mimer sans cesse le siiiiiiiii « Bon chocolat chaud », « La moustache à papa », « La soupe à mon ami » et bien d’autres. Pas surprenant qu’elle ait remporté des prix honorifiques. On la louangeait dans les foyers! Bien des chaumières ont dû faire jouer en boucle ses vidéocassettes. Au même moment, dans les maisons, il y avait des générations d’enfants absorbées par le téléviseur et des générations de parents qui pouvaient vaquer plus librement à leurs tâches ménagères (tout en chantant, on ne se le cachera pas). Sachant que Carmen veillait sur les enfants dans le salon. Les parents n’étaient sollicités que pour rembobiner la vidéocassette.

Carmen Campagne est décédée. Et alors?

Et alors? À l’annonce de son décès, ce sont des souvenirs enfouis par le temps, par nos occupations d’adultes, qui sont ressurgis de nos cœurs, de nos mémoires. Je me suis revue, le temps que l’animateur termine de nommer cette bouleversante information à la télé, bercer mes filles lorsqu’elles étaient bébés, en chantant, murmurant même, tout doucement les ballades de « Rêves multicolores » avec sa « Poule aux œufs d’or ». J’ai d’ailleurs encore le CD dans des cartons. J’ai aussi, du même coup, revu mon mari sur la scène d’un spectacle offert par le CPE où je travaillais à l’époque. Il dansait avec d’autres papas fiers d’avoir « La moustache à papa ». Le spectacle était rempli de cris d’amusements de centaines d’enfants et de parents ébahis de voir leur progéniture si survoltée. Carmen avait sa place sur scène pour les enfants, comme celle qu’avaient les Beatles pour d’autres. Des salles de spectacles littéralement déchaînées.

Tout au long de la journée de l’annonce de son décès, j’ai lu les mille et un commentaires écrits sur les différents médias. Tous, unanimement, témoignaient de souvenirs positifs. Carmen a passé dans nos vies pour différentes raisons, à différents moments. Elle a passé pour calmer les petits corps excités. Pour animer jusqu’à l’effervescence les plus apaisés. On l’a vue, on l’a entendue et on se souviendra longtemps de cette femme remplie à la fois de calme, d’histoires animées, d’enseignement, de créativité et d’amour pour les enfants. Pour nos enfants. Elle a, en plus d’avoir fait swigner des gens du Québec jusqu’à la France, fait une carrière d’enseignante; je souris en pensant qu’il devait y avoir tant d’imagination dans ses enseignements.

De là-haut, toi cette amoureuse des comptines, des chansons et des tout-petits, laisse-toi bercer par l’écho de tes airs que nous ne cesserons d’entonner. Pour toi, pour moi, pour nous. Sois pleinement satisfaite de tout. Tu m’as marquée, pour toujours et à jamais.

Et vous? Quel souvenir vous aura laissé cette habile auteure-compositrice-interprète?

Mylène Groleau

 



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