Mon cœur de patate ramollie

Le temps des fêtes, ce n’est pas tout le temps jojo sur le moral. Le manque de lumière, le frette mordant, la surcharge de sucre et de gras dans notre système, le sentiment de solitude même quand on est entouré, l’absence des personnes qui nous ont quitté, la présence forcée de personnes qu’on préférerait éloignées…

C’est bien beau, les festivités, le temps en famille et entre amis, les cadeaux qu’on déballe et les repas qu’on partage. Mais la vraie de vraie réalité, c’est que le temps des fêtes est propice à la petite (ou grosse) déprime. Et ça peut être bien gênant de l’avouer aux autres. Et à soi-même.

Après la folie de décembre où il fallait tout préparer à temps pour recevoir ou paqueter les bagages et emballer les cadeaux pour être reçu, le calme de janvier s’installe. Le choc ! Les congés ont fait du bien, ça c’est certain. Il était temps qu’elles arrivent, ces journées de vacances sans alarme qui sonne trop tôt, sans routine matinale trop essoufflante, sans liste de devoirs et de leçons, sans échéancier à respecter pour « il y a deux jours ». Mais qui dit vacances, dit aussi temps pour penser. Temps pour se faire des scénarios, s’imaginer des conflits, ressasser nos vieilles histoires et gratter un peu plus nos anciennes blessures. Poche, hein ? Mais je suis convaincue à 3000 % qu’on est plusieurs à le faire.

Personnellement, j’ai bien profité de mon congé. J’ai joué avec les enfants. J’ai bien mangé. J’ai joué dehors quand il ne faisait pas plus froid qu’au Pôle Nord. J’ai regardé des films drôles. J’ai sorti le jeu de mimes pour être certaine qu’on aurait tous l’air fou égal. On a ri sans bon sens. Les décibels étaient au rendez-vous.

Puis, les enfants sont partis. Le silence est arrivé, comme un immense voile qui cache tout. Le vide a envahi la place. L’insomnie a frappé un grand coup. J’avais une belle liste de tâches à accomplir et d’activités plaisantes à faire. J’avais prévu le coup de cafard, quand même ! Mais voilà, le cafard a rampé trop fort et m’a écrapouti le moral. Bang. À bas la motivation et les belles résolutions (dormir, écrire, dessiner, commencer à écrire mes gratitudes quotidiennes, m’entraîner, me faire des bonnes bouffes…)

Je me suis sentie tellement déprimée et non aimée que je me faisais peur moi-même. J’avais beau essayer de me raisonner (j’ai reçu plein de beaux messages d’amour et d’amitié pendant les fêtes ; j’avais enfin du temps à moi ; demain est un autre jour…), me répéter toutes les phrases toutes faites sensées redonner du pep dans ces cas-là, mon côté hop-la-vie faisait patate. Petite patate, tant pis pour toi ! J’ai dû accepter que 2017 se terminerait dans les larmes et que 2018 commencerait avec le vague à l’âme.

Ben coudonc, c’est ce qui est arrivé. Je me le suis permis. Sans faux-semblant, sans alcool pour oublier, sans somnifères pour dormir jusqu’à la fête des Rois. C’était des émotions pas le fun à vivre, mais elles étaient là. Aussi bien les regarder en pleine face au lieu de les repousser sous le tapis en sachant bien qu’elles réapparaîtraient.

Aujourd’hui, je suis retournée au travail. J’avais hâte de m’occuper l’esprit, de revoir du monde. Mais chaque fois que quelqu’un me demande : « Pis, ton temps des fêtes ? », j’ai juste le goût de me rouler en boule. Ma tête sait que la moitié des vacances s’est déroulée dans la joie et les fous rires. Mais mon cœur, lui, est encore pris dans la moitié des vacances marquée par l’absence. L’absence de mes enfants, l’absence de rires, l’absence d’amour exprimé et absorbé.

Aujourd’hui, j’ai pris rendez-vous avec mon médecin, avec mon psy, avec ma naturopathe, avec des amis. Le gros kit. Ils vont m’aider à me désembourber le cœur et le remettre à sa place, du côté de la joie et de l’acceptation zen. Ils vont m’aider à cheminer. Ils vont empêcher mon cœur de devenir une patate toute molle, toute pourrie.

En attendant les rendez-vous, je suis patiente. Je sais que la douleur est là, mais qu’elle n’y est pas pour rester. Parfois, faut juste attendre que ça passe et se préparer le cœur et l’esprit pour les moments plus heureux qui attendent de l’autre côté du mur de béton, tout près.

Nathalie Courcy



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