À toi, mon ami malade
Tu es mon premier ami garçon.
Le seul avec qui j’ai tout, tout partagé sans jamais te perdre pour autant.
Tu as vu le pire de moi, mais moi, je n’ai vraiment jamais vu le pire de toi.
Tu es depuis notre enfance ma personne préférée… celui qui reste à côté de moi et qui jamais ne me dérange ou ne me demande d’efforts.
Tu as toujours pris ma défense et tu t’es montré plus protecteur que ma propre famille dans des situations où j’avais peut-être même tort, tu ne m’as jamais rien demandé.
Je me rappelle encore m’être rendue chez toi sur mon petit vélo, toute contente… et être arrivée au bout de ta rue pour voir la police devant chez toi. Tu avais fait une colère, encore.
Ta mère devait m’annoncer que tu ne jouerais pas finalement, que ça avait mal tourné. Elle s’excusait (et moi aussi).
Le lendemain, tu arrivais chez moi en t’excusant… Tu ne comprenais pas ce qui était arrivé, mais ce n’était jamais ta faute et je te croyais.
Tu as commencé à tomber quand on était encore jeunes; tu tombais déjà au primaire, et tu te relevais déjà trop difficilement.
Quand on est rentrés au secondaire, tu devais déjà te déplacer avec trop de béquilles. Tu étais malade et je le savais.
Ça n’a pas été long que tu as commencé à voir tout en noir… Tous ceux qui voulaient ton bien, tu les voyais comme tes ennemis.
Sauf moi : je te reprenais, te comprenais et surtout, je t’aimais.
Tu as été transféré dans l’aile des « TC ». Tu faisais tes colères là bas régulièrement et c’était comme « normal ». Tu avais des amis comme toi qui faisaient eux aussi des colères et tu te sentais compris.
Tu te sentais respecté.
Tes parents t’ont mis à la porte, tu étais malade, ils le savaient, mais ne savaient plus comment t’aider si tu ne te soignais pas.
Les miens t’ont ouvert la nôtre.
Tu étais malade, ils s’en doutaient, mais ne comprenaient pas.
Tu habitais sous notre toit et tes colères, elles, elles grandissaient tout autant que tes excuses qui suivaient. On voulait te guérir, mais on a compris que c’était hors de notre contrôle.
Ils ont dû, à leur tour, te laisser aller.
Tu es parti.
Tu étais malade.
On le savait, tout le monde le savait.
Mais on t’aimait encore et pour toujours.
L’école a passé, mais tes colères elles, non.
Tu consommais, tu te faisais de plus en plus mal et te sentais incompris de tous.
Tu as commencé à t’isoler.
À fréquenter des gens pour habiller ton temps que tu avais toujours de plus en plus de mal à affronter seul.
Parfois, on ne se voyait pas pendant de longs mois. Mais chaque fois que tu revenais, c’était le grand retour, plein d’amour et d’émotions.
Rien ne se fait à moitié avec toi.
Autant tes colères sont grandes, autant tes bonheurs sont magiques.
Tu es mon ami, mon plus vieil ami, mais surtout mon meilleur ami.
Tu es souffrant en dedans et ça me blesse. Tu es l’oncle de mes enfants et le fils de ma mère, le frère de ma sœur et l’ami de mon chum. Grâce à toi, j’ai marié l’homme que j’aime. Jamais je ne te laisserai tomber parce que toi, jamais tu ne l’as fait non plus.
Tu as un enfant aujourd’hui.
Tu n’as pas de contact avec elle et j’ose croire que c’est temporaire. Je suis sûre que ce n’est pas définitif. Je sais comme tu l’aimes et comme tu es un bon papa pour elle.
Mais en ce moment, tu te guéris. Soigne-toi mon ami; elle t’attendra et tu seras tellement reconnaissant plus tard de l’avoir privée de son papa pour qu’il guérisse.
Tes démons dorment en ce moment.
Berce-les, chante-leur des chansons s’il le faut, mais garde-les endormis. Jamais ils ne te quitteront, mais j’espère tellement que tu les berceras pour toujours.
Je t’aime mon ami.
Tu es malade dans tous les sens, mais ta folie est aussi ta plus grande qualité.
Tu es mon ami fou et c’est parfait ainsi après tout. Je serai là si tu tombes.
Lisa-Marie Saint-Pierre