Avancer malgré mes blessures d’enfance

Je suis devenue mère, mais il y a toujours une petite fille blessée qui existe en moi. Quand je réponds à mon fils de douze ans, c’est à lui que je parle, bien sûr, mais ma réponse s’adresse aussi au passé. Je parle à mes enfants comme j’aurais aimé qu’on me parle. Surtout, je les écoute, comme j’aurais aimé qu’on m’écoute. J’essaie de briser un cycle, j’essaie de faire mieux.

J’offre la bienveillance à ma famille. Je répète à mes deux garçons que les émotions sont leur boussole. Par exemple, que la colère est notre alliée puisqu’elle nous indique qu’on vient de dépasser nos limites.

Je les traite avec respect et j’exige le respect envers tous les membres de la famille. Ainsi, dès qu’on leur mentira, qu’on essaiera de les intimider ou de les manipuler… une petite voix alarmée retentira en eux : Hé! Personne n’a le droit de me faire sentir comme ça!

Et j’interdis les étiquettes. Chez nous, personne n’est « méchant » ou « maladroit » . Il y a une différence entre nos actions et ce qu’on est. Notre action était peut-être maladroite ou blessante, mais nous ne sommes pas définis par une action isolée. Nous avons tous appris à utiliser la communication non violente pour gérer nos conflits et protéger l’estime de soi.

J’ose espérer que mes enfants seront mieux outillés que je l’étais pour affronter l’adolescence. Ils auront sûrement leurs propres reproches à me faire puisque la perfection n’est pas de ce monde. Je serai alors prête à les entendre et j’essaierai de m’améliorer.

Encore aujourd’hui, mes parents viennent gratter mes vieilles blessures. Mais les larmes que je verse pour moi deviennent vite des larmes pour eux. Parce qu’ils sont encore pris dans la cage dont je suis libérée. Ils m’ont offert la clé lorsqu’ils m’ont trouvé une psychologue au secondaire parce que j’étais coincée dans une relation malsaine. Quand tu n’as jamais ressenti un amour inconditionnel et que c’est ton premier chum qui te le fait miroiter à quatorze ans, tu es officiellement dans le trouble.

Ma vie est un constant pied de nez à la manière dont j’ai été élevée. Ma relation avec mes parents est cahoteuse parce que je refuse de jouer le rôle de la fille parfaite dans lequel ils m’ont enfermée quand j’étais petite. Je préfère mille fois les contrarier et me faire reprocher d’être difficile que d’étouffer comme je l’ai fait toute mon enfance. Alors je les ébranle avec ma sensibilité, ma rébellion et ma franchise. Et moi, j’accumule les déceptions parce que je ne peux pas m’empêcher de chercher un autre dénouement à notre histoire, une forme de réparation. Je crois que je rêverai toujours que mes parents acceptent de me voir et de m’entendre pour vrai.

Mes parents m’aiment, c’est sûr. Ils m’aiment un peu tout croche et se plantent régulièrement, mais ils aiment comme ils peuvent aimer, avec ce qu’ils ont reçu eux aussi. Je comprends les peurs qui les poussent à briser mes élans. C’est presque noble dans le fond, leur fantasme de perfection. Ils ont l’amour maladroit mais heureusement, ils ne sont pas que  ça. Ce sont des humains, complexes et imparfaits, comme tous les autres humains.

Ils ne veulent que mon bien, même s’ils ne savent pas comment me l’offrir. Alors l’acte le plus salvateur que je puisse faire est de continuer à exister malgré eux. Avancer sur mon propre chemin et laisser ma vie parler d’elle-même. M’offrir moi-même ce dont j’ai besoin pour briller.

Eva Staire



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