Nous élevons nos enfants pour les autres.

Un ami à moi m’a sorti cette phrase-là il y a quelques jours :

« Nous élevons nos enfants pour les autres. »

Il m’a texté ça parce que la fin de semaine dernière, j’ai eu un gros breakdown émotionnel de parent complètement à boutte, comme on dit. T’sais, le genre de haine envers son enfant qui fait en sorte qu’on voudrait juste lui mettre une muselière dans une chambre insonorisée loin, loin de nous.

Le déclencheur principal de ma crise de bacon d’adulte (on a le droit nous aussi), c’est probablement lorsque certaines personnes proches de mon entourage, très proches même, ont verbalement énoncé ce que je considère être l’une des pires phrases à dire à un parent d’un enfant de trois ans :

« Ouiiiin, va falloir briser son caractère à ta fille… »

Ouch. Une claque dans face. Un poignard dans le cœur. Un tsunami de frustrations prêt à monter. MAIS NON! J’ai ravalé le vomi d’émotions et défendu ma fille en mettant la faute de son irritabilité et de son insolence sur sa fatigue. Elle était due pour sa sieste, que j’ai menti.

Mais moi là, ses cris et ses pleurs, je suis capable de les tolérer. Je suis patiente et je la connais un peu beaucoup. Je sais que c’est une passe. Je sais aussi que je dois continuer à sortir en société pour être en mesure de lui montrer comment se comporter convenablement en public. Faque quand quelqu’un soupire en la regardant pleurer, roule les yeux, ça me rajoute juste une honte dont je n’ai pas besoin. Parce que ce n’est pas la première crise qu’elle me fait aujourd’hui. Parce que ce n’est pas la dernière qu’elle me fera non plus. Parce que je suis épuisée et que je préférerais cent fois plus être en train de l’entendre rire ou me faire des bruits de pets avec sa bouche que de vivre ce moment.

« Nous élevons nos enfants pour les autres. »

J’ai compris. Ces petits mots-là m’ont permis de relativiser l’énergie que je mets sur ma fille. Je me suis rappelé pourquoi, des fois, je faisais semblant de me fâcher contre elle quand elle fait un mauvais coup que je trouve drôle dans le fond (comme mettre du Windex sur les chaises, les murs et les portes sans essuyer). Pourquoi je ne l’amène plus au cinéma voir un film d’animation (courir après elle à travers les bancs, c’est lourd). Pourquoi elle a encore sa suce à presque trois ans (elle a brisé la sienne hier, mon chum est sorti en racheter au Jean Coutu dix minutes avant que ça ferme).

Je le fais pour ne pas déranger les autres. Je le fais parce que moi aussi, je soupire et je roule les yeux face aux autres enfants-bacon autour de moi. Je le fais parce que comme tout le monde, je suis fatiguée de mes journées et que je veux la sainte paix quand je sors prendre un café.

Depuis que ma fille est née, je dis qu’il faut un village pour élever un enfant. Je réalise seulement à travers l’épopée de la parentalité que le village est juste plus gros que je pensais. Alors si on met tous un peu d’eau dans son vin, qu’on se respecte et qu’on fait preuve d’empathie quand on voit un autre parent avoir honte devant son enfant en crise, il y aura moins d’adultes-bacon dans ce monde.

Là, je vais essayer d’aller à l’épicerie avec la p’tite. Mais je vous avertis, ça se peut que vous voyiez ma puce courir dans les allées et une couple de cannes de soupe revoler. C’est normal, ça va passer.

 

 

Kathleen Allard



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