J’ai mon voyage

Lorsque la famille s’agrandit, on devient souvent plus réticent à partir en voyage. On a peur de sortir notre progéniture de sa zone de confort et de casser sa routine. Certains oseront quand même s’offrir une semaine en tout inclus chaque année, car quel enfant n’aime pas la plage? Et puis, ces complexes hôteliers offrent un standard de confort qui rassure les parents, même les plus protecteurs.

Pour ma part, le fait de devenir maman n’a jamais étouffé ma soif de voyages et de dépaysements. Au contraire, en devenant maman, j’ai eu envie de montrer le monde tel que je le voyais et tel que je le concevais à mes enfants. J’ai eu envie de leur faire voir toutes ses beautés, son immensité et sa diversité. Dès leur plus jeune âge, je leur ai offert cette ouverture sur le monde afin de faire d’eux des êtres curieux de tout, débrouillards et aventureux. Car j’ai toujours pensé que développer leur capacité d’adaptation était plus important que de les plier à une routine dans le confort de notre foyer. Après tout, il est facile de rendre un enfant confiant dans le confort de son environnement… Mais n’est-il pas plus utile de le faire se sentir en sécurité dans un contexte dépaysant? La vraie vie n’est-elle pas faite d’aléas, de surprises et d’imprévus auxquels nous devons faire face perpétuellement? Je ne sais pas pour vous, mais la mienne est pleine de rebondissements et ne me laisse pas le temps de m’ennuyer. 😉

C’est pourquoi, à tout juste un an, ma fille cumulait déjà pas mal de kilomètres au compteur et aurait pu être la version rousse de Dora l’exploratrice tellement nos voyages étaient de véritables expéditions, riches en aventures et en découvertes.

Oui, je vous l’avoue, ces voyages ne sont pas des vacances pour les parents! Mais je vous assure que la logistique de prédépart est moins exigeante que vous pourriez le penser. Et la gestion sur le terrain n’est pas si périlleuse. Je vous dirais même que le plus pénible, c’est le retour! Pas facile de reprendre nos habitudes quand on a gouté aux plaisirs de l’improvisation…

Bref, j’ai fait de ce genre de voyages mon mode de vie et c’est ce mode de vie que je partageais avec mes enfants depuis qu’ils étaient bébés. Jusqu’à ce que le cancer entre dans l’équation…

J’ai alors perdu mes repères. Mon besoin de sécurité s’est accru. Et mon besoin d’évasion tout autant. Je me suis beaucoup questionnée sur ce que serait ma vie désormais. Pendant un temps, j’ai même pensé qu’il vaudrait mieux que je renonce définitivement à ma vie d’avant et que je me replie dans la zone de confort sécuritaire de ma routine quotidienne, à la maison, plutôt que de continuer à parcourir le monde. Pour mes enfants. Pour le mieux. Pour me rassurer qu’en me sédentarisant, j’aurais plus de contrôle sur les « choses » de la vie…

Je me suis donc posée pendant toute la durée des traitements. Et puis, au bout d’une année à vivre mon cancer, j’ai pris le temps de m’arrêter pour regarder en arrière et réaliser à quel point j’avais fait preuve d’adaptation et de créativité dans ma façon de vivre la maladie. J’ai pris conscience que j’avais fait de cette mésaventure, une expérience enrichissante et rassurante pour mes enfants. Que j’avais réussi à réinventer mon quotidien. Et qu’après tout, cette épreuve ne devait pas me faire renoncer à ce que je suis, à mes rêves, à mes valeurs, à mes principes, ni m’imposer des limites qui ne seraient pas celles que je me serais fixées.

Je me suis alors (sur) prise à imaginer ma vie d’après. Je me suis mise à nourrir des rêves avec mes enfants. Des rêves de projets qui, au fil des traitements, sont devenus des projets de rêves. Plus j’avançais dans mon combat contre le cancer, plus je me sentais pousser des ailes dans le dos. Moins mon corps était capable d’en prendre, plus mes ailes se déployaient, et plus je repoussais les limites de l’impossible. J’ai commencé à espérer de nouveau. À y croire encore. Et j’ai continué à me battre pour mes rêves et pour ceux de mes enfants.

C’est alors que pour Noël, j’ai reçu le plus beau des cadeaux de la part de la Fondation Air Canada : des billets d’avion vers un des rêves de ma fille. Celui d’aller au Mexique, le pays des papillons Monarques… Des billets d’avion vers de beaux moments en famille, loin des hôpitaux. Un aller simple pour laisser derrière nous cette année à lutter contre la maladie. Et surtout, une occasion de redéfinir mes limites et de mettre à l’épreuve mes rêves, mes valeurs, mes principes et mes espoirs à travers une exploration hors des sentiers battus au Mexique.

Avec l’aide de la Fondation Village Monde, nous sommes donc partis sur un road trip dans la Sierra Gorda à la découverte d’un tourisme villageois responsable. Un tourisme qui a montré à mes enfants comment on peut défendre ses valeurs, son environnement, sa culture, ses traditions, tout en s’ouvrant sur le monde; comment des petits gestes posés peuvent faire une grande différence; comment matérialiser les notions de recyclage de façon utile et esthétique (des bouteilles de verres ont été intégrées de façon ingénieuse dans la construction des cabanas); comment l’eau est une denrée précieuse et vitale, et qu’il est important de ne pas la gaspiller; comment l’absence d’électricité peut se transformer en une soirée féérique à observer les étoiles; comment allumer un volcan (mot pour désigner un feu de camp dans le lexique de mon fils) afin d’échanger des histoires avec les locaux; etc.

Je pourrais continuer, pendant encore des pages, à vous énumérer les avantages du tourisme durable en famille, mais vous l’aurez compris, ce voyage a surtout été l’occasion de nous retrouver ensemble, de nous réconcilier avec l’« ici et maintenant », et de nous créer des souvenirs indélébiles qui m’aident à ne plus avoir peur de l’avenir… Parce que, finalement, la vie, c’est ce qui se passe lorsqu’on est occupé à faire autre chose.

Et « Si vous pensez (encore) que l’aventure est dangereuse, essayez donc la routine, elle est mortelle! » (Paulo Coelho)

Pour en lire plus sur mon quotidien avec le cancer, visitez www.laviecontinuemalgretout.com

Vanessa Boisset



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