J’ai peur de me réveiller

Quand j’y repense, depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours eu les mêmes buts dans la vie. Être enseignante, avoir une grande famille, vivre avec l’homme de ma vie, et par-dessus tout, être heureuse… Et chaque matin, je me réveille dans cette vie. Je comprends maintenant, plus que jamais, l’expression « être sur son X ». Parce je me tiens justement sur le mien, à deux pieds joints.

Je n’ai jamais dit que c’était facile non plus. La vie est faite de montagnes russes… Parfois, j’ai l’impression de me lancer dans le vide pour descendre au plus bas. Et d’autres fois, j’ai l’impression d’être au sommet de l’Everest, le cœur léger et la fierté au ventre. Et ces temps‑ci, c’est comme ça que je me sens…

J’ai l’impression d’avoir coché les points les plus importants sur la liste de ma vie. Et tout à coup, j’ai peur. J’ai vraiment peur. J’ai peur de me réveiller. Mon plus grand cauchemar, c’est de me réveiller dans mon lit d’adolescente, avec la peur au ventre de ne pas y arriver. Je me souviens de ces années, où la jeune femme insécure et ternie tentait de suivre le troupeau, sans faire de vagues… Aujourd’hui, je sais que je ne suis plus cette femme‑là. J’ai confiance en moi, je suis fière de ce que j’accomplis chaque jour et je suis sincèrement heureuse. Mais parfois, au fond de mon lit, j’ai peur de m’endormir et de me réveiller en arrière. Peur que tout ceci ne soit qu’un rêve. Peur que je ne sois en fait que cette adolescente qui a le mal de vivre. Peur de ne jamais vivre ce que je suis déjà en train de vivre…

Je berce mon nouveau-né dans mes bras, mon tout dernier bébé… Et j’ai peur de me réveiller demain matin, avec le sentiment que tout cela n’existait pas en fait. Je m’imagine raconter à mon mari ce rêve, dans lequel nous avions fondé une magnifique et grande famille. Je nous imagine en rire au petit matin, de ce rêve.

Parce que c’est exactement ça en fait, je vis mon propre rêve. Et j’ai peur que tout s’écroule. Peur de tout perdre. Je ne dis pas que je passe ma vie à en avoir peur non plus. Je sais bien rationnellement que tout ceci est réel et je ne vais pas vivre dans la peur chaque jour. Mais aujourd’hui, juste un instant, je vous parle de cette peur. Cette petite voix au fond de moi qui me chuchote de profiter de chaque seconde, parce que personne ne sait quand tout cela va s’arrêter.

Puis, si par malchance, un jour tout doit s’effondrer, je veux me souvenir de cet instant de perfection. L’instant présent. Celui où je suis comblée par la vie. Parce que je sais que bien des gens n’auront même jamais la chance d’effleurer ce bonheur.

Alors, je profite de chaque câlin d’enfant, de chaque berceuse, de chaque éclat de rire, de chaque matin où nous sommes enlacés… Parce qu’un jour, on ne sait pas trop quand, la fragilité de la vie nous ramènera à la réalité. Et peut-être que quand on meurt, on ne s’endort pas. Au contraire, on se réveille. La mort, au fond, ce n’est que le réveil du rêve de sa vie… Alors, aussi bien faire en sorte que ce soit le plus beau des rêves…

Joanie Fournier




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