J’aurais voulu que tu voies ça, maman — Texte : Kim Boisvert
Je suis dans le bain, bien heureuse que ma journée soit finie. J’aurais voulu que tu voies ça. En fait, y’a rien à voir tellement que c’est mini. Le cœur m’a serré tellement fort quand j’ai vu le leur clignoter. Ouais, ça clignote. Comme une lumière de Noël mal installée qui ne sait pas trop si elle a envie de faire l’effort de rester. C’est à peine perceptible. J’ai même dit à la dame que c’était peut-être parce que j’avais moi-même bougé. Je me suis rendu compte que c’était l’inverse et que j’étais complètement immobile. Le souffle coupé devant l’écran au plafond qui montrait que ma vie était sur le point de changer. Elle n’est déjà plus pareille. À partir de maintenant, j’ai vraiment deux petits cœurs qui battent en moi, c’est irréel. Deux petits grains de riz qui n’ont rien demandé, mais qui ont été catapultés dans mon ventre, disons-le, omniprésent.
29 mm chacun. C’est vraiment deux petits rien du tout qui chamboulent tout.
J’aurais aimé ça que tu voies ça. Ça doit être ça, l’effet papillon. Je pense que ce qui me fait le plus peur de ces deux petits cœurs qui clignotent, c’est de me rendre compte que le mien ne sera peut-être pas assez fort pour leur donner tout ce dont ils ont besoin. Comme si les voir scintiller avait arraché une partie du mien. Deux mini moi qui s’entêtent à rester.
Au début ils étaient trois ; au moins maintenant, tu ne pourrais plus faire de blagues de triplés. Y’en a un qui a bien compris que c’était pas son heure. Quand on m’a dit que c’était une bonne nouvelle, j’aurais aimé ça être 100 % satisfaite d’entendre ça, mais étrangement, je ne l’étais pas tant. Ça vient peut-être du fait que je ne mange déjà rien de vivant, alors d’avoir perdu un petit bout d’étoile, ça m’a pincé le cœur quand même.
J’aurais voulu que tu voies ça. Mais t’sais, tu les verras jamais.
Kim Boisvert