La maladie mentale

Je ne peux pas croire que c’est encore tabou, en 2018.

On en parle un peu, sur le bout des lèvres sans trop vouloir en parler, car on ne veut pas se faire traiter de fou.

J’ai trente ans.

À quinze ans, après une première rupture, j’ai pris un cocktail de médicaments et un peu de vodka. Je ne voulais plus avoir mal.

Aujourd’hui, je me questionne à savoir si cet épisode était vraiment causé par cette rupture ou simplement le premier signal que j’étais atteinte d’une maladie mentale.

Plusieurs années plus tard, avec bon nombre de chutes en chemin, cette maladie est devenue silencieuse. Je me disais vraiment que j’en étais sortie.

En fait je ne pensais pas que j’en étais atteinte, je n’étais pas cette fille qui devait être internée à Philippe Pinel, là ou les gens sont emmenés lorsqu’ils sortent du lot.

C’est vraiment là qu’on voit la mentalité des gens. Selon moi, les pires là-dedans, ce sont les gens qui jugent les autres.

Puis les crises de panique sont revenues. Quand le médecin m’a proposé de prendre des antidépresseurs, je suis partie à rire. Je n’étais pas folle ni dépressive, je n’avais que des vertiges, des sentiments de perte de contrôle lorsque j’étais trop stressée.

Encore plusieurs épreuves plus tard, ça « allait mieux »…

Quand je me suis coupé le dessous du nombril, des années plus tard avec mon petit rasoir, je n’avais pas mal. Mon mal sortait avec le sang.

Mais la culpabilité est ressortie lorsqu’on me demandait ce que je m’étais fait. Un coin de table m’avait fait saigner.

Soit mes proches étaient vraiment niais, soit ils savaient mais ne voulaient pas voir.

Encore quelques années plus tard, mon exécutoire recommençait. Pour moi, je vois ceci comme un petit démon en dessous de mon lit qui fait surface parfois. Il vient me réveiller, il m’épuise, mentalement et physiquement.

Et ce que les gens ne comprennent pas là-dedans, c’est qu’on peut avoir une belle vie, un bon travail, un bon amoureux, mais simplement, c’est dans notre tête que ça cloche.

Mais ayant des enfants, on ne peut pas dire que ça ne va pas. Sinon en moins de temps qu’il le faut, les services sociaux arrivent, te mettent dans une catégorie et telle une tache de vin rouge, ils ne partent plus de ta vie.

C’est désolant qu’en 2018, ce soit le texte d’une comédienne qui me fait réaliser que non seulement personne n’est parfait, mais que personne n’est à l’abri de ce petit démon, qui n’avertit pas avant d’arriver dans notre vie.

Il ne se nomme pas, il nous fait deviner son nom, le gros terme qu’on catégorise.

Bonjour, je m’appelle Eva Staire, et je suis atteinte de maladies mentales.

Eva Staire



Commentaires