L’allergie au « j’ai pas le choix »

« J’ai pas le choix, je dois travailler pour payer mes comptes, pour faire vivre ma famille. »

« J’ai pas le choix, je dois absolument laver le plancher aujourd’hui. »

« J’ai pas le choix, il faut que je me repose si je veux être en forme. »

Je suis allergique aux « j’ai pas le choix », aux « il faut que » et aux « je dois ». Je suis pour la liberté responsable. Pas pour la liberté paresseuse qui refuse de se lever le matin et qui se plaint ensuite de ne pas avoir tout cuit dans le bec.

Ma mère m’a élevée avec la notion de choix, de liberté. On a toujours le choix. On a le choix de porter du noir ou des couleurs dans des funérailles. On a le choix de se lever à l’heure ou de partir en retard. On a le choix de garder notre emploi ou de tout quitter. On a le devoir d’assumer nos choix, aussi.

Si tu portes une robe flyée multicolore aux funérailles, ça se peut que tu te fasses dévisager par matante Carmen. Ou que tu reçoives des félicitations parce que tu illumines une journée sombre. Si tu te lèves toujours à l’heure, il y a des bonnes chances pour que ton employeur, tes enfants, le coach de hockey, l’apprécient. Il se peut aussi qu’à la longue, tu sois perçue comme le réveille-matin familial ou que tu t’épuises à force de ne jamais te donner de lousse. Si tu es tout le temps en retard, le risque est grand pour que tu te fasses montrer la porte à l’école et au travail. Mais peut-être aussi que ça te fera comprendre qu’un emploi de 8 à 4, ce n’est pas pour toi. N’essayez pas de me faire croire que l’avenir appartient seulement à ceux qui se lèvent tôt! Il y a une méchante gang d’artistes à succès qui reviennent des salles de spectacles à l’heure où d’autres démarrent leur voiture pour se rendre au boulot.

Quand j’étais jeune, je n’ai jamais ressenti de pression pour aller à l’université ou au collège privé, pas plus que j’en ai eu pour aller au public ou pour rapporter un salaire pendant mes études. Le deal était clair : étudier, c’est un travail. Tant que tu le fais bien, ça s’équivaut; tu peux habiter sous le toit familial sans payer. Mes frères ont aussi entendu le même discours. Au bout du compte, on a autant fait des études supérieures que des stages en entreprise, des formations d’apprentis et des formations sur le tas. On est allés au privé et au public, selon nos désirs. Et maintenant, on travaille tous, dans des domaines bien différents, mais qui nous rendent heureux et autonomes.

À quoi ça aurait servi que notre mère nous mette de la pression pour faire ce qu’elle considérait comme une réussite? Têtus comme on était, on aurait sûrement eu le même cheminement, avec plus de conflits et de « t’as pas rapp! » Parce qu’avec la force d’assumer ses choix et de croire en sa liberté, vient aussi une propension à la tête de mule. Il faut être bâti solide par en dedans pour garder la tête haute quand on se fait demander pourquoi on travaille au gouvernement alors qu’on a un PhD en littérature. Ou pourquoi notre emploi de camionneur nous comble alors qu’on a une maîtrise en éducation spécialisée.

Des fois, la tête dure de mes enfants, j’en ai marre. L’ostinite aiguë dont ils souffrent tous, je la mettrais aux vidanges, le temps de les élever sans être sans cesse contestée. Mais bon. Ce n’est pas de même que ça marche. Depuis qu’ils sont mini, on a élevé nos cocos d’amour dans la notion de liberté et de respect des limites des autres. « Nos droits se terminent là où commencent ceux des autres »… C’est une grande responsabilité de faire des choix. Ça élimine la possibilité de croire que c’est la faute des autres. Ça t’empêche de dire après coup : « J’avais pas le choix ». Ça te force à te respecter et à respecter les autres qui ont aussi le droit d’avoir leur opinion.

La liberté, c’est dans le quotidien. C’est dans le choix des vêtements pour la journée. Cet hiver, mon garçon de six ans a adopté l’ancienne tuque en ours polaire rose poilu de sa sœur. Ben coudonc. La limite parentale était établie à « tu dois avoir la tête et les mains au chaud ». Ça tombe bien, les mitaines sont attachées à la tuque! Alors c’est ce qu’il porte pour l’école. La liberté, c’est dans le choix de l’activité pour l’anniversaire. La grande sœur voulait inviter ses amies pour une fin de semaine et souper au East Side Mario’s en famille. Il en fut ainsi. Les autres enfants ont dû accepter son choix de resto et tout le monde a eu beaucoup de plaisir. Ma deuxième cocotte, elle, trouvait embêtant de faire une fête d’amis parce que tous ses amis sont des garçons. « Me semble que ça ressemble trop à un rendez-vous galant! ». Elle a préféré aller au cinéma et au McDo. Elle a fait le choix, et le plus beau, c’est qu’au royaume du hamburger pas bon et de la croquette de caoutchouc, elle s’est fait une nouvelle amie… qui l’a invitée à sa fête!

On ne sait jamais où nos choix nous mèneront, mais on sait qu’ils nous mèneront à bon port si on sait se respecter. Si ma mère m’avait interdit de déménager à seize ans ou d’épouser mon mari à vingt-deux ans, tout aurait été différent. Il manquerait probablement quatre petites têtes de mule sur Terre puisque mes enfants n’auraient pas vu le jour!

 

Nathalie Courcy

 



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