Je lancerais bien mes médicaments par la fenêtre

Depuis plus d’un an, je suis médicamentée. Ça m’aide vraiment à gérer mon anxiété. Et aussi mes colères. Ça joue même un rôle bénéfique sur mes tendances dépressives. Efficace, pour une petite pilule blanche! La pilule miraculeuse, diraient certains! Mais des fois, je lancerais bien mes médicaments par la fenêtre. Et je brûlerais la boîte et la prescription pour être sûre.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été perçue comme une personne zen et tolérante. Intense émotivement, surtout à l’adolescence (qui ne l’est pas?), mais tout de même calme et patiente. Mes gènes sont entachés de maladies mentales. Dépression, bipolarité, schizophrénie, psychose, dépendances, name it. Je transporte en moi ces fragilités neurologiques et le risque était grand que je les transmette à mes enfants.

J’ai toujours su qu’un jour, je m’enfoncerais dans une dépression. Cette certitude a sûrement joué un rôle dans l’arrivée d’une dépression à la fin de ma vingtaine. Elle m’a aussi protégée, puisque je suis allée chercher de l’aide psychologique dès l’âge de douze ans. Je n’ai pas attendu de péter au frette pour m’informer sur les symptômes et sur les solutions. Pourtant, ça m’a pris deux ans pour allumer : j’étais en  dépression majeure et j’avais besoin d’une solide thérapie et d’une médication adaptée.

Après plus d’un an, j’ai pu arrêter la médication. Ça allait mieux, mais je ne peux pas dire que j’étais top shape, psychologiquement parlant. À vrai dire, ce n’est que depuis quelques mois que j’ai retrouvé presque toute mon énergie d’antan, donc dix ans plus tard dans les Maritimes. C’est long, dix ans, quand on pense à mourir au quotidien. On marche toujours sur la corde raide avec laquelle on pourrait se pendre.

Entre temps, ma fille aînée a reçu un diagnostic d’anxiété généralisée. Les intervenants qui la suivaient me trouvaient hyper stressée, trop contrôlante. Mon mari me trouvait trop colérique, avec raison. Moi qui étais auparavant si zen, si « Roger-bon-temps », je pétais une coche à rien. Un presto sous haute tension. Je ne m’aimais pas ainsi, mais il m’était plus qu’impossible de me contrôler.

Ma fille aînée reçoit une médication depuis qu’elle a sept ans. Et grâce à ma fille, j’ai compris que moi aussi, j’avais besoin d’une aide chimique en plus de toutes les ressources thérapeutiques que j’allais chercher. Mon médecin est très pro médecines alternatives. Elle valorise en priorité les approches naturelles comme la massothérapie, la méditation, les changements nutritionnels et l’amélioration du style de vie. Alors, quand elle m’a dit : « Nathalie, je ne veux pas te faire peur, mais ça se peut que toi, tu aies besoin d’une médication toute ta vie pour fonctionner normalement », je l’ai prise au sérieux.

Après tout, ce n’était pas une surprise. J’avais tout essayé pour avoir de l’énergie, pour gérer mon stress et mes sautes d’humeur, pour voir la lumière au lieu des ténèbres, bref, pour être heureuse. J’y arrivais parfois deux jours de suite, mais après, tout s’écroulait. Même pas besoin de raison concrète ni de SPM.

Ce soir, ma grande Peanut m’a traitée de tous les noms. Elle a réussi à se calmer rapidement et s’est excusée. Elle m’a avoué qu’elle n’avait pas pris ses médicaments les deux derniers matins. Elle voulait profiter des vacances pour « tester » ce qui arriverait si elle cessait sa médication. « Maman, je suis tannée de dépendre des médicaments pour me contrôler. J’aimerais ça, continuer à dire des choses gentilles et à bien agir même quand je ne prends pas mes pilules. »

« Ma peanut, moi aussi, ça m’arrive de vouloir lancer mes médicaments par la fenêtre. Parfois, je suis tellement écœurée de les prendre que j’ai le goût de les engueuler. Mais quand ça m’arrive, je repense à la façon dont je me comportais avec ma famille avant que la dose soit la bonne pour moi. Je me souviens que je me sentais tout le temps fâchée, inquiète, dépassée. Ça me convainc de continuer à les prendre. Tu as fait d’énormes progrès, tu te contrôles de mieux en mieux, tu te connais de plus en plus. On va continuer le travail avec la psychologue, ton cerveau et ton corps vont continuer à se développer. Peut-être qu’un jour, tu vas pouvoir diminuer ou même arrêter de prendre des médicaments. Quand ça arrivera, on va le faire progressivement, avec l’aide de ton médecin. Pour l’instant, tes médicaments t’aident, comme les miens m’aident aussi. N’oublie pas qu’on est là pour toi et avec toi. »

Autant de lourdeur dans une si petite pilule. Mais aussi, autant d’espoir au jour le jour. Un médicament qui supporte la santé mentale, c’est une béquille qui aide à faire des pas (parfois de bébé, parfois de géant) pour continuer d’avancer.

 



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