Le retour qui fait mal

Ce fameux matin-là, nous mettions fin à une attente d’un an pour le suivi cardiaque de notre cocotte. Déjà deux ans depuis son opération à cœur ouvert! Le temps passe à une trop grande vitesse de croisière, je n’en reviens toujours pas. Du haut de ses quatre ans, elle a passé à travers cette tempête avec brio. Physiquement du moins…

Ce qui n’est pas mon cas.

Je ne suis pas encore remise de mes émotions. J’y réfléchis très, non trop, souvent. Dans ma tête, je retourne au moment de la quitter pour l’intervention chirurgicale et je revis ma détresse et mon impuissance. La boule dans mon ventre se reforme, ma respiration accélère et le sentiment de perdre le contrôle m’envahit. Je n’avais jamais pensé consulter de psychologue à ce sujet. Par contre, un jour, mon corps à tout simplement lâché. Il a décidé qu’il en pouvait plus. Il m’a tout bonnement dit : « Il est temps de te faire soigner, la grande! » Comment l’ai-je compris? J’ai fait une attaque de panique.

Je pensais mourir

À ce moment précis, je croyais sincèrement que j’allais mourir. Je n’avais jamais rien vécu de tel! Mais sérieux, quessé ça! Tu ne sens plus ton corps tellement il est engourdi et tu trembles au point d’en être étourdie. Bref, j’ai fini mon spectacle en ambulance, direction l’hôpital le plus proche (je ne peux pas faire ça comme tout le monde, chez nous… ben non! C’est bien mieux à la pharmacie entourée de plein de curieux!) C’est le médecin de l’urgence qui m’a annoncé que je venais de faire une solide crise de panique. Et qu’à m’écouter, cette crise était due à un choc post-traumatique. Ben voyons… J’ai pas fait la guerre en Afghanistan! T’sais, quand tu penses que ça arrive juste aux autres…

J’ai fait ce qu’il faut

J’ai dû trouver de l’aide pour passer à travers ce malaise qui me hantait régulièrement. J’ai dû aussi accepter de prendre des antidépresseurs. Que veux-tu? Si c’est pour le mieux. Lorsque tu dis à ton doc que tu n’as presque pas dormi depuis quatre ans, il ne s’étonne pas que tu en sois rendue là. Je commence à aller mieux depuis maintenant quatre mois…

Je suis plus réaliste que positive

En général, je suis plus négative et réaliste que positive. Je ne vis pas dans un village de licornes roses. J’appelle un chat un chat. Mais ce matin-là, j’étais beaucoup plus détendue que d’ordinaire. J’avais la conviction que les résultats seraient numéro 1. Que la cardiologue féliciterait ma fillette et lui dirait : « Beauté, on se voit l’année prochaine. » Ce matin-là, j’étais dans mon univers de poupées. Lorsque le médecin m’a détaillé le résultat des examens, j’ai senti le plancher se dérober sous mes pieds… Les oreilles me bourdonnaient… Tout ce que j’ai entendu clairement, c’est : « Malheureusement, le cœur de votre fille coule encore et une membrane s’est formée autour de l’aorte. Si dans quatre mois, il y a évolution, nous la remettrons sur la liste pour une nouvelle opération. »

Depuis ce jour, je revis mon cauchemar. Les nuits sont redevenues difficiles et ma fatigue me lasse. Je sais que je passerai au travers, car je le dois. Je le lui dois à elle. Je suis sa maman. Je suis son enclume. Elle pourra toujours compter sur moi. Mais honnêtement, je ne sais pas l’air que j’aurai lorsque je sortirai du bateau après la deuxième tempête. Je suis fière d’avoir fait les démarches d’aide pendant qu’il était encore temps. Cette fois-ci, j’ai décidé de le vivre autrement. Et en attendant la prochaine visite, je profite de chaque minute que la vie me donne pour dire à ma fille à quel point je l’aime.

Alexandra Loiselle-Goulet



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