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En attendant…

À toi mon enfant qui est tanné d'attendre de recevoir des soins ou

À toi mon enfant qui est tanné d’attendre de recevoir des soins ou des services dont tu as tant besoin…

En attendant que ça réponde au bout du fil, du 811 ou de ta clinique, je te tiens dans mes bras. Dis-moi, tu le sens, hein, que je ne te lâcherai pas?

En attendant que ton nom arrive au haut de la liste d’attente, je te tiens par la main ; j’attends (im)patiemment avec toi.

En attendant des réponses à mes questions, je cherche des bouts d’informations partout, tout le temps : sur Internet, dans les paroles des autres parents, dans l’expérience des enseignants, dans mon instinct.

En attendant un diagnostic, un avis médical ou un traitement, je t’observe, je note, j’interviens comme je peux, maladroitement peut-être, mais parentalement et avec amour.

En attendant de voir la lumière au bout du tunnel, je suis là pour toi, jour et nuit, nuit et jour.

En attendant de pouvoir crier « Victoire », je m’assure de remarquer tous les efforts déployés, toutes les réussites même à moitié, tous les « plus petits pas possible » et même les pas de recul. Ils sont parfois ceux qui nous donnent le plus d’élan.

En attendant de recevoir de l’aide pour t’aider, je t’aide de mon mieux et je t’aime de tout mon cœur.

Nathalie Courcy

Les fourmis reviennent chercher leurs morts

Saviez-vous que les fourmis reviennent chercher leurs morts? Si j’

Saviez-vous que les fourmis reviennent chercher leurs morts? Si j’en écrase une dizaine et que je ne les ramasse pas tout de suite, je peux observer le reste de la colonie venir chercher les carcasses sans vie. Mais bon, ça, c’est déprimant en tabarouette… C’est pas trop mon genre de rester là à regarder les fourmis toute la journée.

Nous sommes arrivés en Italie à la fin du mois de juin. Dès notre arrivée, nous avons reçu les clés de notre maison, mais il fallait attendre nos meubles pour pouvoir emménager (la traversée de l’océan, c’est définitivement plus long par bateau que par avion!) Nous avons donc établi nos quartiers temporaires dans un très beau complexe touristique. Les enfants ont baptisé l’endroit : le chalet. C’est là que j’ai amélioré mes connaissances sur les fourmis. Je dirais qu’elles étaient les propriétaires du chalet et nous, les locataires. Et elles étaient plutôt ENVAHISSANTES comme propriétaires…

Quand mon chum m’avait expliqué qu’on passerait probablement un mois à l’hôtel, j’avais presque classé cette information du côté positif dans la balance des pour et des contre d’un déménagement outre-mer. Hé boy que j’avais rien compris! Maintenant, je réalise ce qui vient gâcher la sauce et nous empêche de nous sentir en vacances à l’hôtel. Cet ingrédient s’appelle : déménagement. Déménagement et vacances, ça ne rime pas. Même que ça sonne incroyablement faux. Quand tu commences un déménagement, t’as juste hâte que ça finisse. Que ce soit dans ton premier 4 ½ avec ta coloc ou dans une villa italienne avec ta famille, ça ne change pas grand-chose.

Après deux semaines en Italie, il a fallu annoncer aux enfants que nos meubles étaient retardés. Découragement général. Nous nous sommes donc assis en famille pour faire une liste de ce qui pourrait faciliter l’attente pour tout le monde. Évidemment, il était impossible de réaliser toutes les idées jetées dans la tempête. Il n’y a pas eu de deuxième chat adopté ni de trampoline installé à l’hôtel! Mais l’exercice lui-même de se réunir et d’exprimer ce qui nous plairait nous a redonné le sourire. Nous avons définitivement passé une meilleure semaine juste parce que nous l’avons fait.

Suite au brainstorming, papa a pris une journée de congé et nous nous sommes inscrits à une excursion guidée de la fabuleuse île de Capri. J’ai débuté une série de douze cours d’italien avec un excellent professeur qui est devenu notre guide en Italie. Les enfants ont passé du temps au Centre de la famille et se sont fait leurs premiers copains à Naples. Trois désirs qu’on avait identifiés ensemble et qui ont été comblés : explorer en famille, apprendre l’italien et créer de nouveaux liens.

Et, parce qu’on a pris le temps d’écouter nos enfants, on a découvert plein de petites choses qui avaient une grande valeur pour eux : essayer une nouvelle sorte de céréales, du papier pour dessiner, choisir un jeu de société italien à essayer en famille… Quelques ajouts à notre routine qui ont fait une grande différence pour le moral de tout le monde. La troisième semaine a finalement filé comme un éclair et nous avons survécu à notre mois d’attente. Sans s’arracher les cheveux et sans trop regarder les fourmis.

Elizabeth Gobeil Tremblay

Naufragés du système de santé

 

Ça s’est passé un vend

 

Ça s’est passé un vendredi soir. On est rentrés du cinéma et ma fille de seize ans a commencé à se sentir mal. Vraiment mal. Elle se tordait de douleur. Elle s’est mise à vomir. La douleur devenait de plus en plus forte. Elle avait le souffle coupé, la cage thoracique comprimée, des nausées, une barre dans le dos et des vomissements. Puis cette douleur aigüe dans le ventre…
– Je t’en prie, fais quelque chose, je vais mourir…

Alors, on a appelé le 9-1-1…
Les quinze minutes les plus longues de notre vie…
L’ambulance est enfin arrivée et avec elle, le soulagement d’être pris en charge. Les ambulanciers sont comme des anges apaisants, rassurants dans cette angoisse pesante…

Que se passe-t-il? Ma fille va-t-elle mourir? On a besoin d’un chirurgien? Pourquoi souffre-t-elle tant? Pouvez-vous nous aider? Est-ce son cœur? Son ventre? Son appendice? Son utérus?

Je vous assure que tous les scénarios sont passés dans nos têtes de parents apeurés…

L’ambulance arrive à l’hôpital…
On va nous aider maintenant…
L’infirmière… le triage…
Son cœur est ok, ouf...

P4-Civière… douleur 5/10…
Ça, c’est ce qui était écrit dans son dossier…

Dans les faits, notre adolescente pleurait de douleur, elle était si pâle, les nausées étaient si fortes. Elle n’allait vraiment pas bien et nous l’avons signalé plusieurs fois.

Mais t’sais, notre système de santé…
Des professionnels débordés et sollicités par tous, pour tout et rien…
Dans la salle d’attente, pleine de « bobologie », certains patients simulaient des malaises afin d’être réévalués… d’autres perdaient patience et haussaient la voix devant l’infirmière… un gardien de sécurité les forçait à revenir au calme…

Pendant ce temps, ma fille me suppliait…

P4-Civière
Dans les faits, elle n’a jamais eu de civière, car il n’y en avait plus de disponibles. Dans les faits, elle a seulement eu du Paracétamol pour sa douleur…

Savez-vous comment elle s’est sentie?
– Maman, l’infirmière ne me croit pas. J’ai mal. J’ai si mal.
Alors, on a insisté…

Notre fille a fini par recevoir un anti-inflammatoire et un anti-nausée.
Notre fille a attendu 12 heures et 34 minutes sur un fauteuil roulant en salle d’attente avant de voir un médecin…
Il a prescrit un bilan sanguin et une échographie.

Pendant que nous allions à l’écho, j’ai lu le dossier médical de mon enfant. L’infirmière a écrit plusieurs fois que ma fille dormait « paisiblement », avec son papa, en salle d’attente… sauf que son papa dormait à la maison avec nos deux autres enfants. C’est moi qui avais pris le relai. Son visage crispé de douleur n’avait rien de paisible. L’infirmière n’est jamais venue réévaluer notre fille… pendant douze longues heures…

Dans les faits, nous avons passé la nuit toutes les deux, sur des chaises, dans la salle d’attente. Par chance, j’ai toujours des sacs de couchage dans mon auto, ils nous ont permis de fermer un peu les yeux… Entre les allers-retours des patients, les appels des soignants dans l’interphone… je me suis sentie si seule… démunie face à la souffrance de mon enfant… sans filet dans ce système de santé… je me suis sentie oubliée… incomprise…

C’est quand les résultats de la prise de sang ont été connus que tout s’est accéléré…

Et quand le médecin est entré dans la salle d’auscultation… il a posé son regard sur ma fille, il a regardé le sol, a pris une grande respiration et m’a annoncé la nouvelle sans jamais me regarder dans les yeux. Les murs se sont mis à tanguer. Mon souffle s’est arrêté. J’ai senti le sang dans mes veines cesser de couler. Mon ciel bleu s’est couvert. Je me suis accrochée au visage blême de mon enfant…

J’ai posé toutes les questions qui me venaient là… sur le coup… sans me douter que j’allais en avoir des centaines d’autres quand nous serions parties…

D’autres prises de sang… quatorze tubes de sang… dans sa jaquette bleue, ma fille était malade… L’infirmière m’a disputée, car ce n’était pas la bonne carte d’assurance maladie sur les documents. Elle m’a renvoyée à l’accueil… J’étais une automate… les secrétaires me faisaient encore des reproches… Je ne comprenais rien. J’étais sous le choc et je me foutais pas mal de la paperasse…

Je n’ai ressenti aucune compassion. Je me suis sentie seule. Triste, paniquée et seule.

– Son foie est malade.
– Pourquoi?
– Ils ont fait plein d’analyses, il faut attendre…
– C’est grave?
– Oui.

Le médecin nous a alors relâchées, nous donnant rendez-vous dans trois semaines pour interpréter les résultats.

Trois semaines! C’est le bout du monde!
Trois semaines sans savoir… sans filet… naufragés de ce système de santé… nous sommes rentrées à la maison…

Les questions ont commencé à fuser dans nos têtes… et depuis, l’angoisse, chaque jour qui passe… l’angoisse de retourner dans cette ambulance et dans ce système de santé qui laisse un enfant souffrir pendant plus de douze heures sans soins… ce système qui nous laisse sans aucune réponse…

Naufragés… c’est ainsi que nous nous sentons… comme ces centaines de personnes qui traversent les portes des urgences des hôpitaux du Québec…

 

Gwendoline Duchaine

Le retour qui fait mal

Ce fameux matin-là, nous mettions fin à une attente d’un an pour

Ce fameux matin-là, nous mettions fin à une attente d’un an pour le suivi cardiaque de notre cocotte. Déjà deux ans depuis son opération à cœur ouvert! Le temps passe à une trop grande vitesse de croisière, je n’en reviens toujours pas. Du haut de ses quatre ans, elle a passé à travers cette tempête avec brio. Physiquement du moins…

Ce qui n’est pas mon cas.

Je ne suis pas encore remise de mes émotions. J’y réfléchis très, non trop, souvent. Dans ma tête, je retourne au moment de la quitter pour l’intervention chirurgicale et je revis ma détresse et mon impuissance. La boule dans mon ventre se reforme, ma respiration accélère et le sentiment de perdre le contrôle m’envahit. Je n’avais jamais pensé consulter de psychologue à ce sujet. Par contre, un jour, mon corps à tout simplement lâché. Il a décidé qu’il en pouvait plus. Il m’a tout bonnement dit : « Il est temps de te faire soigner, la grande! » Comment l’ai-je compris? J’ai fait une attaque de panique.

Je pensais mourir

À ce moment précis, je croyais sincèrement que j’allais mourir. Je n’avais jamais rien vécu de tel! Mais sérieux, quessé ça! Tu ne sens plus ton corps tellement il est engourdi et tu trembles au point d’en être étourdie. Bref, j’ai fini mon spectacle en ambulance, direction l’hôpital le plus proche (je ne peux pas faire ça comme tout le monde, chez nous… ben non! C’est bien mieux à la pharmacie entourée de plein de curieux!) C’est le médecin de l’urgence qui m’a annoncé que je venais de faire une solide crise de panique. Et qu’à m’écouter, cette crise était due à un choc post-traumatique. Ben voyons… J’ai pas fait la guerre en Afghanistan! T’sais, quand tu penses que ça arrive juste aux autres…

J’ai fait ce qu’il faut

J’ai dû trouver de l’aide pour passer à travers ce malaise qui me hantait régulièrement. J’ai dû aussi accepter de prendre des antidépresseurs. Que veux-tu? Si c’est pour le mieux. Lorsque tu dis à ton doc que tu n’as presque pas dormi depuis quatre ans, il ne s’étonne pas que tu en sois rendue là. Je commence à aller mieux depuis maintenant quatre mois…

Je suis plus réaliste que positive

En général, je suis plus négative et réaliste que positive. Je ne vis pas dans un village de licornes roses. J’appelle un chat un chat. Mais ce matin-là, j’étais beaucoup plus détendue que d’ordinaire. J’avais la conviction que les résultats seraient numéro 1. Que la cardiologue féliciterait ma fillette et lui dirait : « Beauté, on se voit l’année prochaine. » Ce matin-là, j’étais dans mon univers de poupées. Lorsque le médecin m’a détaillé le résultat des examens, j’ai senti le plancher se dérober sous mes pieds… Les oreilles me bourdonnaient… Tout ce que j’ai entendu clairement, c’est : « Malheureusement, le cœur de votre fille coule encore et une membrane s’est formée autour de l’aorte. Si dans quatre mois, il y a évolution, nous la remettrons sur la liste pour une nouvelle opération. »

Depuis ce jour, je revis mon cauchemar. Les nuits sont redevenues difficiles et ma fatigue me lasse. Je sais que je passerai au travers, car je le dois. Je le lui dois à elle. Je suis sa maman. Je suis son enclume. Elle pourra toujours compter sur moi. Mais honnêtement, je ne sais pas l’air que j’aurai lorsque je sortirai du bateau après la deuxième tempête. Je suis fière d’avoir fait les démarches d’aide pendant qu’il était encore temps. Cette fois-ci, j’ai décidé de le vivre autrement. Et en attendant la prochaine visite, je profite de chaque minute que la vie me donne pour dire à ma fille à quel point je l’aime.

Alexandra Loiselle-Goulet

L’attente, ou quand bébé se fait attendre

Je vivais dans un monde de licornes et de fées quand je pensais qu’il suffisait de glisser sur un

Je vivais dans un monde de licornes et de fées quand je pensais qu’il suffisait de glisser sur une peau de banane afin de tomber enceinte. Dans ma tête, quelques galipettes avec monsieur auraient suffi à implanter une petite crevette dans mon ventre.

Le premier mois où cela n’a pas fonctionné, je n’étais pas surprise. C’était la shot d’essai après tout. Le deuxième mois d’échec, j’ai été déçue mais sans plus. Puis, chaque mois supplémentaire où je voyais mes règles arriver a été de plus en plus difficile. Bien sûr, il y a eu quelques retards, mais la maudite ligne solitaire sur le bâton de test me disait « Sorry fille, ce mois-ci, tu participeras au profit de Tampax. »

On espère tellement un bébé, qu’on devient submergé par cette pensée. On est tellement à l’écoute de notre corps qu’on s’invente des symptômes de femme enceinte. Cela fait un an que j’ai mal au cœur et que j’ai les seins tendus. On devient vite accro aux forums de discussions. On tape sur Google « test de grossesse négatif, mais règles quand même, est‑ce possible d’être enceinte? » T’sais, les sites où on mentionne un mal de tête et que nous apprenons que nous avons le cancer des cheveux….

Puis un jour, la réalité nous rattrape. Assis dans le bureau d’un médecin, on apprend que nous aurons de la difficulté à concevoir de façon naturelle. Y’aura pas de bing bang pouf dans la pantoufle. Il y aura des médicaments, des échographies, des injections et plusieurs prises de rendez-vous. Mais surtout, un sentiment de culpabilité de la part du partenaire pour qui c’est plus difficile de concevoir.

Puisque l’infertilité est un sujet encore tabou, on ne s’empresse pas de le crier sur les toits. On ne se tag pas sur Facebook à la clinique de fertilité comme à un concert ou au dernier restaurant en vogue. Et puisque les gens ne savent pas ce que ton conjoint et toi vivez, il y aura bien sûr les remarques telles que « Arrête d’y penser et ça viendra naturellement. » Je le sais, ça fait mal à entendre. Ça fait mal, aussi, quand tes amies t’annoncent leur grossesse, surtout si elle est imprévue. Tu dis à ta face d’être contente, mais en dedans de toi, il y a une pointe de jalousie.

Heureusement, il y a l’entourage. Des personnes qui ne peuvent comprendre exactement par quoi tu passes, mais qui savent écouter et trouver à leur façon des mots pour te réconforter et t’encourager à continuer dans la mesure du possible. Il y a aussi le soutien des conjoints l’un envers l’autre. Et tu te dis que ton bébé, tu ne l’auras pas fabriqué sous la couette, mais bien en passant à travers toute une épreuve avec ton chéri. Et pour moi, c’est une chouette façon de faire un bébé : rester debout ensemble malgré les obstacles de la vie!

Aryane Gauthier

WonderWoman est vulnérable

En tant que parent, vous le savez, nous avons souvent le rôle de su

En tant que parent, vous le savez, nous avons souvent le rôle de superhéros auprès de nos enfants. Depuis quelques mois, je joue cartes sur table avec mes enfants : WonderMôman est fatiguée et elle a peur. Je vis avec deux maladies chroniques depuis neuf ans et je suis en attente de résultats de biopsies.

Ma résolution pour 2017 était d’être heureuse. Pour le moment, je dirais que j’avais plutôt bien réussi, mais il y a eu une ombre au tableau. À la fin janvier, j’ai dû passer un examen routinier pour ma condition de santé et, pour la première fois, le test m’a fait peur. Mes enfants ont bien vu que maman était nerveuse. Je me suis donc assise avec eux et je leur ai expliqué mes maladies (maladie de Crohn et colite ulcéreuse, le jackpot intestinal) et les tests que j’allais passer sous peu. Je trouvais important de les mettre au courant parce que j’avais un mauvais feeling.

Mon plus vieux est autiste et n’a aucun filtre, donc le lendemain à l’école, sa classe et le service de garde ont eu une conférence de presse sur le fait que sa maman allait se faire entrer une caméra dans les fesses, mais qu’avant, elle devrait prendre des médicaments qui lui donnerait la diarrhée! Allo le malaise! Mon ego en a pris pour son rhume! Ma fille, quant à elle, s’est considérée comme informée et a pris soin de moi, alors que j’étais dans ma journée « d’intimité » avec le bol de toilette.

Le matin de l’examen, j’étais littéralement terrorisée. Pourtant, j’ai passé ce même examen au moins une vingtaine de fois sinon plus depuis mon diagnostic. Cette fois-ci, j’avais un mauvais feeling. Cette fois-ci, je réalisais qu’il ne restait plus beaucoup de traitements possibles avant une chirurgie qui me laisserait avec une stomie. Je réalisais que le traitement qu’il me restait à essayer avant la chirurgie impliquait des traitements par injections ou intraveineuses. Habituellement, lors de l’examen, je dors dès qu’on m’injecte l’anesthésiant, mais pas cette fois-ci; je suis restée éveillée durant tout l’examen. J’ai vu un bout de mon corps que je n’avais jamais vu avant! Entre vous et moi, je me serais passé de faire la rencontre de l’intérieur de mon intestin : ça ne faisait pas partie du bucket list des choses à voir dans ma vie!

Je suis ressortie de l’examen, rapport médical en main, mais en attente des résultats des huit biopsies faites. Pas juste une, mais huit! Pourquoi autant cette fois-ci? Rien pour rassurer l’anxiété qui sommeille en moi depuis cet examen. Si vous trouvez que les délais pour passer un examen en milieu hospitalier sont longs, les délais pour l’obtention des résultats le sont tout autant. Je suis toujours à ce jour en attente des fichus résultats!

Depuis l’examen, je lis sur les traitements possibles et sur la chirurgie. J’essaie de mesurer les impacts sur mon quotidien, sur ma vie de famille, sur ma vie de couple et sur ma vie sexuelle. Est-ce que les traitements me mettront à terre et me videront de mon énergie, comme c’est le cas actuellement avec ma médication? Quels seront les impacts sur ma santé? Si j’opte pour la chirurgie plutôt que pour les traitements et que j’ai un sac, de manière temporaire ou permanente, est-ce que je serai à l’aise de me déshabiller avec les lumières allumées? Est-ce que je me sentirai encore désirable avec ce nouvel accessoire obligatoire? Le serai-je toujours aux yeux de mon amoureux? Est-ce que la gestion d’un sac au quotidien sera compliquée lorsque je serai au travail? Est-ce que je vais encore monopoliser la salle de bain de la maison à gérer ledit sac? Vais-je être mentalement capable de gérer ça tout court?

J’ai toujours voulu me montrer forte, ne pas montrer ce qui m’affecte et être capable de tout gérer de front, mais je dois avouer que cette fois-ci, j’ai frappé un mur! La WonderWoman que je peux être parfois semble avoir foutu le camp et me laisse avec beaucoup trop d’incertitudes et de questions pour que je puisse faire comme si de rien était. Mes enfants me voient nerveuse, me voient pleurer et me voient m’inquiéter. Ça me rend mal à l’aise de ne plus être invincible à leurs yeux, mais je me dis qu’au moins, ils savent que tous les êtres humains ont leurs limites et que maman est humaine.

Annie St-Onge

Le no man’s land des listes d’attente

Entre Israël et l’Égypte, il existe un no man’s land

Entre Israël et l’Égypte, il existe un no man’s land d’un kilomètre : un endroit situé entre deux pays, où l’on doit marcher pour obtenir notre étampe de bienvenue en Égypte une fois qu’on a quitté Israël. Un kilomètre, cinq minutes, à ne pas savoir où on est, à ne pas savoir combien de temps on y sera, à ne pas savoir si notre « candidature » sera acceptée ou si on devra retourner bredouille d’où on vient… ou pire : rester piégé entre deux pays, dans un endroit dans lequel on n’existe pas vraiment puisqu’on n’a pas d’étampe, pas de droits, pas de destination. J’y étais il y a vingt ans, et ce sentiment de vide m’habite encore. Alors imaginez ceux qui passent des années dans un no man’s land !

Plusieurs d’entre vous savent que ces no man’s lands existent ici aussi. Tous ceux qui aiment des enfants atteints de maladies physiques ou mentales qui sortent des sentiers battus. Tous ceux qui prennent soin d’enfants (petits et grands) qui ne cadrent pas dans le moule (social, scolaire, médical…), qui ont des difficultés à suivre le rythme du groupe et à apprendre comme ceux qui répondent bien au programme du ministère de l’Éducation. Tous ceux-là savent jusqu’à quel point les listes d’attente, véritables no man’s land de nos territoires nord-américains, sont inquiétantes. Et interminables parce quon na jamais la certitude quelles auront une fin. Et toujours à recommencer.

Nous avons dû recourir à une aide médicale pour que je puisse devenir enceinte. Naïfs, nous avons opté pour le circuit public. Une année à laisser la nature, une autre à attendre que la requête de notre médecin de famille se rende jusqu’au spécialiste, deux autres années à ATTENDRE, encore. Le temps qui s’étend entre chaque nouveau rendez-vous, entre chaque nouveau résultat, est un calvaire du combattant sans garantie de fil d’arrivée. Heureusement, une fois que notre nom atteint le haut de la liste, on est traités aux petits soins. Gratuitement (ben… avec les impôts qu’on paie, tout de même !), par-dessus le marché.

Quand nos enfants ont eu besoin d’une évaluation de leur douance, nous sommes d’abord passés par le système public. La demande avait été faite au jour 1 de la maternelle. Elle a été entendue au dernier mois de la deuxième année du primaire. Et ça, c’est parce qu’on vivait en Alberta, parce qu’au Québec, on n’aurait même pas eu le droit de compléter la demande auprès de la commission scolaire. Il aurait fallu aller au privé, comme nous l’avons fait avec nos autres enfants. Mais même là, les mois d’attente s’égrainent malgré les centaines (milliers !) de dollars déboursés. Bien sûr, la douance n’est pas une question de vie ou de mort, mais ça peut changer toute, je dis bien toute, la vie d’une personne. Plus c’est compris tôt, plus vite on applique des stratégies gagnantes, et plus ces stratégies sont efficaces. Et plus elles peuvent empêcher l’anxiété de performance de s’installer, le décrochage d’arriver, le mal-être de s’imprégner. Même principe avec tous les troubles d’apprentissage et les difficultés psychologiques.

Même quand on se présente à l’urgence avec un enfant en crise d’asthme ou en crise existentielle, on ne peut pas s’attendre à obtenir un service rapide. Je ne pense pas seulement aux trop nombreuses heures d’attente dans une salle bondée de microbes et de patients impatients. Je pense aux mamans enceintes jusqu’au cuir chevelu qui se font retourner à la maison parce qu’on ne voit pas encore la tête du bébé. Aux individus suicidaires qui se font montrer la porte tournante dès qu’ils ont promis-juré-craché qu’ils ne recommenceront plus. Aux parents à bout d’enfants ou d’adolescents à bout qui doivent attendre d’être en hémorragie émotive pour avoir leur place dans le système. Qu’est-ce qu’un parent est censé faire quand il apprend que son enfant violent et malheureux n’aura pas de rendez-vous avant trois ans ? Ou que son bébé qui maigrit sans arrêt, qui devient plus pâle qu’un fantôme ou qui se plaint de maux de ventre atroces devra attendre, lui aussi, qu’un spécialiste ait une place sur sa liste ? Dans son horaire ?

Ne vous méprenez pas : je ne proteste pas ici contre les humains qui travaillent au bien-être de nos enfants. J’ai perçu une tristesse infinie dans la voix de la réceptionniste qui me disait : « Malheureusement, je n’y peux rien, votre enfant n’aura probablement jamais accès aux services spécialisés parce que son problème n’est pas assez grave » (lire ici : il ne mettait la vie de personne en danger dans l’immédiat). Le spécialiste en fertilité comprend trop bien le désespoir du couple qui arrive à la limite de l’âge « acceptable » pour procréer et qui doit malgré tout attendre un cycle, deux cycles, trois…

Je ne peux pas protester contre ces humains. Quand on finit par recevoir l’appel tellement espéré, par rencontrer le spécialiste qui nous aidera à comprendre ce qui torture le bedon de notre mignon ou ce qui entortille le cerveau de notre jeune, on est placé devant une grande compétence. Une humanité sensible, aussi. Des êtres pris dans un système qui prend son temps et qui teste les réserves de patience. Et qui cause des torts à force de repousser les urgences.

Bien sûr, le secteur privé peut parfois accélérer le processus. Voilà entre autres pourquoi je me tourne souvent vers les approches alternatives au lieu d’engorger les listes d’attente. Mais parfois, on a besoin de plus.

D’ailleurs, les cliniques privées, bien souvent, ne fournissent pas l’intervention combinée de plusieurs spécialistes qui jumellent leurs expertises pour apporter la meilleure solution. Je crois au secteur public de la santé. Une fois qu’on y est, on reçoit ce pour quoi on paie des impôts. Mais les payeurs d’impôts ne sont pas seulement ceux qui ont les veines ouvertes ou qui sont en un arrêt cardiaque. Il y a aussi tous ceux qui sont déprimés et qui cherchent des solutions. Et ceux qui ressentent les premiers malaises liés à une santé défaillante et qui voudraient bien guérir. Guérir avant que la liste d’attente vienne à bout d’eux.

Il y a aussi tous ces parents, tous ces grands-parents, ces familles et ces amis qui s’inquiètent pour un des leurs et qui se sentent impuissants à devoir le regarder marcher au milieu d’un no man’s land qui semble ne mener nulle part.

Nathalie Courcy