Tag Panique

Un moment à la fois – Texte : Audrey Boissonneault

Le cœur qui bat à toute vitesse, la respiration qui semble difficile, les tremblements, les sueurs

Le cœur qui bat à toute vitesse, la respiration qui semble difficile, les tremblements, les sueurs froides, le corps crispé. Puis, les ruminations, les inquiétudes, les obsessions, les doutes et les craintes. C’est de cette façon que l’on décrit l’anxiété.

Trop souvent j’ai l’impression de chercher mon souffle. Je sens battre mon cœur à une telle vitesse. J’arrive à le ressentir dans chacun de mes membres. Je me tiens au meuble à côté, sachant que je n’arriverais pas à tenir debout. Les étourdissements me forcent à m’assoir et à m’allonger, par la suite. On dirait que mon cœur va lâcher. Tout comme ma respiration, je n’ai plus d’air. Je m’accroche au lit comme si ma vie en dépendait, je me demande pourquoi mon corps réagit ainsi, je fonds en larme. Je me sens seule, je suis perdue, je ne sais plus quoi faire.

Je finis par fermer les yeux, la vue embrouillée par mes larmes. J’ai mal à la poitrine. Je suis épuisée physiquement, mais mentalement encore plus. J’ai explosé, je n’ai pas réussi à contrôler la crise.

L’anxiété a gagné sur moi, encore une fois.

Chère anxiété, si, seulement, tu savais le mal que tu me fais. J’aimerais pouvoir me débarrasser de toi, me dire que je suis « guérie ». J’aimerais ne plus avoir honte de dire que je n’arrive pas à sortir à cause du stress qui me consomme. J’aimerais ne plus sembler comme une extraterrestre auprès des autres, j’aimerais qu’on m’accepte.

Alors j’ai décidé de m’accepter, moi.

Un jour, j’aurai tant d’amour pour ma personne que plus rien ne m’atteindra.
D’ici là, un moment à la fois, je réussirai.

Audrey Boissonneault

Seule, dans le noir – Texte : Audrey Boissonneault

L’écho de tes sanglots résonne dans la pièce, un peu comme ta respiration qui court après l’

L’écho de tes sanglots résonne dans la pièce, un peu comme ta respiration qui court après l’oxygène. L’hyperventilation se fait entendre dans la chambre. Seule, tu sais que c’est une des seules fois où tu peux te permettre de « tomber ». Le visage boursoufflé, les mains tremblotantes, le sifflement qui peine à passer au travers de tes bronches. Tu perds quelques secondes à décoller tes paupières ; dans le noir et seule, tu les refermes, aussi, fort.

Les palpitations qui se démènent à sortir de ton corps, les étourdissements qui s’en échappent, les mains accrochées aux couvertures, afin de pouvoir camoufler ta douleur. Tu te répètes à mainte reprise : respire, doucement, prends une grande respiration…

Les mots se chevauchent dans ta tête. Aucune phrase nette n’arrive à se former, les syllabes et les consonnes se mêlent les unes dans les autres. Tu sais qu’à nouveau, tu es prise dans cette attaque de panique, seule dans le noir. Personne ne te voit, personne n’a conscience du mal-être que tu vis. Parce que tu sais que c’est beaucoup plus facile de se faire aimer dans la lueur du jour qu’en pleurant à genoux, dans la salle de bain. Parce que c’est beaucoup plus facile de se faire aimer lorsque nous sommes tout ouïe que lorsque nous sommes au bord du gouffre.

Je me questionne, par moment, sur le pourquoi. Pourquoi j’ai aussi peur qu’on me voie de cette façon ? Pourquoi ai-je l’impression que je réagirais d’une différente façon en voyant un de mes proches ? Pourquoi suis-je plus inquiète pour eux que pour moi ? Pourquoi ai-je l’impression de manquer d’air ? Pourquoi ai-je aussi mal ? Pourquoi ai-je aussi peur ?

Je fais de mon mieux pour sortir ces pensées qui remplissent mon esprit. Chacune d’elles m’étourdit, ma respiration se fait si vite et pourtant, elle peine à me remplir. Mot pour mot, j’arriverais à décrire les détails des sensations qui me bouleversent, mais le serrement au niveau du cœur me rappelle ma solitude, dans la noirceur de la pièce.

Audrey Boissonneault

 

Maman a paniqué !

Partage du livre de Samuel

<!-- wp:paragraph --

Partage du livre de Samuel

Ouf ! J’ai eu la peur de ma vie aujourd’hui. Pour la première fois, mon champion, tu as perdu connaissance ou tu as fait une chute de pression, tout est encore mélangé dans ma tête.

Mon dieu, je ne sais pas comment tu as fait pour ne pas te blesser, mais tu es tombé sur le béton comme une feuille.

Pour la première fois de ma vie, j’ai paniqué… quand je t’ai pris par terre et que j’ai senti ton corps mou… j’ai crié à ton papa « ANDRÉ ! Viens vite… » Quand je dis « André », tu le sais que c’est d’une grande importance et cela t’a plutôt stressé et fait ressentir ma propre peur. Tu as pleuré à cause de moi, car je t’ai fait peur par ma réaction. Tu m’as ensuite demandé : « Pourquoi, maman, tu as eu peur ? ».

Tout s’est passé si vite quelques fractions de seconde pour toi et pour moi.

Je t’ai expliqué que ma réaction est venue de la peur provoquée par la sensation de ton corps mou dans mes bras. En fait, quand j’y repense, ces quelques secondes m’ont paru une éternité. La raison pour laquelle j’ai paniqué et que j’ai appelé ton papa… je crois que mon cerveau a pris le dessus et s’est mis à imaginer le plus « bad » des scénarios. C’est fou, et cela, en quelques secondes seulement.

Ouf ! Tu es resté collé dans mes bras en position fÅ“tale. J’ai pris une grande respiration et mon calme de maman forte est revenu. Je t’ai dit : « Tout est ok, je t’aime tout va bien… » Je t’ai sécurisé et par le fait même, je me suis sécurisé moi aussi.

J’ai réalisé que c’est ma réaction qui t’a fait plus peur qu’autre chose au début, car tu n’avais pas eu le temps de réaliser ce qui s’était passé.

Ton retour à la réalité, ç’a été de voir ta maman qui appelait ton papa en panique. J’ai continué de te coller, de te bercer un bon moment. J’ai vu dans ton regard la peur de l’inconnu, plusieurs questionnements se forgeaient dans ton esprit et tu m’as demandé :

« Maman, est-ce que cela peut m’arriver encore ? »

« Pourquoi cela m’est arrivé ? »

Tant de questions auxquelles je ne pouvais pas répondre avec certitude.

On a ensuite observé ton corps et on n’a vu aucune égratignure (rien). Tu étais tombé sur le béton et tu m’as dit que tes anges t’avaient protégé (hé oui, les anges font partie de nos vies. Honnêtement, je me demande comment tu as fait pour n’avoir aucune égratignure après une chute pareille. C’est comme si tu étais tombé sur un matelas).

Ensuite, tu as eu envie de m’expliquer.

Mon dieu, c’est incroyable à quel point tu te connais. Tu m’as décrit dans les moindres détails tout ce que tu venais de vivre dans ton corps. Ta vision a commencé à s’embrouiller avec des picots noirs devant tes yeux. Tu n’as pas eu le temps de me demander ce qui se passait. Ensuite, tu t’es senti faible et lorsque tu as ouvert les yeux, tu te demandais ce qui s’était passé puisque ton dernier souvenir était que tu étais debout.

Je me suis alors questionnée à savoir si tu avais bien mangé ou si tu étais bien hydraté. Tu venais tout juste de sortir dehors, donc tu n’avais pas été exposé longtemps au soleil. Vous savez, quand on remet tout en question pour essayer de comprendre, mais sans aucune réponse ni certitude. Maman fait de temps en temps des chutes de pression (est-ce que cela pourrait avoir un lien ?). Bien sûr, nous serons à l’affût dorénavant. Je t’ai expliqué ce que je faisais quand ça m’arrivait. À suivre…

Merci mon trésor, d’être dans ma VIE !

Je t’aime plus que tout au monde… je te le dis régulièrement, peut-être même trop, mais tu ne t’en plains pas. J’ai vu qu’en une seconde, tout peut complètement basculer.

Mon dieu que je suis heureuse d’avoir ton papa près de moi pour me sécuriser. Même en étant adulte, notre passé nous rattrape quand on vit des situations qui ramènent nos mémoires du passé.

Je trippe sur mon travail, mais pour être honnête, je suis le genre de femme qui aimerait être maman à 100 %. J’ai déjà beaucoup de chance de travailler de la maison et de te voir grandir. Je travaille très fort pour la compagnie et je suis loin de m’en plaindre, mais quelquefois, je suis moins présente et ce n’est pas toujours évident pour mon cÅ“ur de maman.

Avez-vous déjà vécu ce type de situation qui vous a mis tout à l’envers ?

Une situation qui peut paraître après coup pas aussi grave que vous vous l’étiez imaginée, mais qui vous a ramené à l’essentiel.

Partagez‑la avec nous si le cœur vous en dit.

Eugénie Miron

Tu as juste à te parler…

J’ouvre les yeux, je jette un regard au cadran : 3 h 36. L

J’ouvre les yeux, je jette un regard au cadran : 3 h 36. Le silence de la nuit est encore bien présent. Je referme les yeux, souhaitant me rendormir rapidement. Il est trop tard, mon cerveau s’est mis en marche.

Les idées se bousculent dans ma tête. Des scénarios épouvantables prennent vie. Je sens cette brûlure caractéristique dans mon ventre. Elle monte en moi graduellement. Ma respiration s’accélère de plus en plus.

J’ai envie de crier, de pleurer. Je tremble de tout mon corps. J’ai chaud, je transpire abondamment. La crise de panique m’envahit tranquillement.

Je choisis une lettre : C. Allez Mélanie, trouve tous les mots qui commencent par C. Concentre‑toi. Tu dois focaliser sur autre chose : cadran, cabane, cadeau, chien, chat. Je n’y arrive pas, je me projette au chevet de ma fille intubée qui lutte pour sa vie. Je me maudis de l’avoir envoyée à l’école. Elle a attrapé ce truc par ma faute.

Je ne contrôle plus ma respiration, je respire tellement vite. La poitrine me serre, j’ai peur de mourir. J’ai un déluge de larmes qui roulent sur mes joues. Je tremble tellement que mes dents claquent ensemble. Je veux que ça finisse. La crise de panique a gagné. J’ai perdu tout contrôle.

Respire ! La respiration, c’est la clé de tout. Je peux surmonter ça. J’y suis déjà arrivée. Je dois être plus forte que mon anxiété. Je ne suis pas cette anxiété.

Lentement, la crise s’en va. C’est plus facile pour moi de respirer. Je ne vais pas mourir. Lentement, ma respiration reprend un rythme plus normal. Cheval, cuillère, chaudière, crème, crème glacée. Ça va mieux, 3 h 59. Le sommeil me gagne enfin. Les larmes roulent encore sur mes joues.

Je vis avec mon anxiété depuis l’âge de neuf ans. Je me souviens parfaitement de ma première crise. Je me souviens de ma mère couchée avec moi et qui me dit : « Respire, ça va passer, tu peux y arriver. Allez, trouve des mots avec moi. »

J’allais bien depuis un bout de temps. Ma médication m’aidait énormément. Mais depuis que la COVID est apparue, mes crises d’anxiété sont revenues en force. J’ai repris mon suivi psychologique, ma médication a été augmentée. Je gère mal, très mal. Je vis une anxiété généralisée. C’est un problème de santé mentale, pas une anxiété normale que la population vit.

Alors à toi qui me dis « Tu as juste à te parler » : je sais que tu n’as jamais vécu ça, parce que tu saurais. Ne me dis surtout pas qu’on est tous dans le même bateau, parce que ce n’est pas le cas. Mon bateau à moi, il est plein de trous. J’essaie tant bien que mal de le patcher pour affronter la tempête et les vagues qui me frappent les unes après les autres sans répit. Mon bateau prend l’eau et j’ai vraiment peur de couler.

Mélanie Paradis

Quand l’anxiété vient s’installer dans ta vie

Quand tu penses que tu ne peux pas y arriver. Que tu n’as pas les

Quand tu penses que tu ne peux pas y arriver. Que tu n’as pas les capacités de surmonter les épreuves. Ça teinte ta vie de peur. Tu as peur de perdre tout ce que tu as. Non, pas le côté matériel, mais émotif. Tu as peur de voir tes parents partir, tu as peur que ton chum te quitte, tu imagines souvent le pire pour tes enfants. Tu as peur de mourir, donc tu as également peur de la maladie. L’anxiété qui est dans ta vie grimpe sans prévenir.

J’ai toujours pensé que j’étais une fille tout simplement peureuse. Peut-être un peu trop, mais je n’en ai jamais fait de cas. Je disais très souvent que j’étais moumoune. Un jour, après avoir consommé un mélange de hasch et de cannabis, j’ai fait un bad trip. Pourtant, ce n’était que la troisième fois de ma vie que je prenais de la drogue. J’avais 24 ans. Je ne considère pas que j’avais une dépendance, j’étais plus dans l’essai et l’expérimentation. Mais ces expériences ont déclenché quelque chose en moi.

À partir de ce jour‑là, les crises d’angoisse sont nées. Je dirais plutôt qu’un monstre est débarqué dans ma vie. Probablement que ce monstre était bien caché en moi, qu’il était prêt à surgir à tout moment. Il a attendu que je joue avec mes cellules pour exploser. Je n’aurai jamais la certitude que c’est la drogue qui a déclenché le tout, mais je la tiens tout de même responsable de cette explosion.

 

Si tu vis des crises toi aussi, tu vas comprendre le sentiment que l’on ressent. C’était épouvantable. J’avais l’impression de perdre mes repères quand une crise débarquait à la maison. J’avais l’impression qu’on m’étouffait. Qu’on venait prendre tout mon air et qu’on me le retirait, sans me le remettre. Mon cœur battait tellement fort! J’étais étourdie et engourdie. J’avais peur. Je croyais sincèrement mourir. Plus je croyais mourir, pires étaient les symptômes. Une nuit, j’ai réveillé mon chum en allumant la lumière à minuit et demi. Je lui disais que je faisais une crise de cœur. Heureusement, il m’a calmée et j’ai compris que c’était une crise d’angoisse.

Elle s’est présentée à ma porte plus d’une fois. Souvent, elle choisissait l’heure du dodo pour y cogner. J’ai commencé à reconnaitre les symptômes de sa présence : tête qui tourne, membres qui s’engourdissent, respiration accélérée. Grâce à mon détecteur de crise, je pouvais la colmater avant qu’elle produise un ravage.

Mes trucs étaient simples, mais ils fonctionnaient. J’ouvrais mon cellulaire, j’allais sur YouTube et je commençais à regarder des vidéos d’humour. Jérémy Demay n’est peut-être pas au courant, mais il a souvent assommé la crise d’angoisse. Je le remercie, sincèrement! Mais, ne croyez pas que c’était toujours aussi simple.

J’ai développé une peur d’avoir peur. La peur de la voir me regarder par la fenêtre. La peur d’être incapable de l’arrêter et qu’elle produise encore son effet dévastateur sur moi. J’ai pensé, pendant un long moment, que j’étais folle. Que ça empirerait et que je serais prise, en permanence, avec un cerveau qui délire. Que je serais celle qu’on fait interner. Si tu vis d’angoisse, tu comprends probablement tous les scénarios que je pouvais imaginer. J’aurais pu en écrire des films tellement il y avait des idées qui mijotaient dans ma tête.

Puis, petit à petit, j’ai compris que je faisais de l’angoisse. Que non, je ne suis pas folle. Que non, je ne suis pas juste une moumoune, mais que j’avais bel et bien une maladie mentale. Ok, ça fait big dit comme ça, mais l’angoisse fait partie de ce qu’on appelle un problème de santé mentale.

Récemment, j’ai commencé à consulter une psychothérapeute. Pas surprenant, elle m’a diagnostiqué un TAG. Qu’est-ce qu’un TAG? C’est un trouble d’anxiété généralisée. Pour le dire plus simplement, c’est avoir peur de tout ou presque. Heureusement, j’ai la chance d’avoir en moi ce besoin de foncer. C’est probablement ce qui me permet de vivre une vie plus « normale ».

Avec la psychothérapeute, je réalise que je ne me crois pas assez forte pour affronter tout ce qui pourrait arriver de grave. Donc, je mêle anxiété et manque de confiance en mes capacités. Un beau petit cocktail! C’est ce qui fait en sorte que j’ai toujours peur que mon chum me quitte pour toutes sortes de raisons, que le jour où mes enfants font de la fièvre je m’imagine automatiquement qu’ils ont une maladie grave. Qu’un matin où les enfants dorment plus longtemps, je ne relaxe pas, mais j’imagine qu’ils ne respirent plus. Je pourrais remplir des tonnes de pages avec des exemples.

Quand je fouille dans mes souvenirs, je comprends un peu mieux pourquoi j’avais si peur la nuit, pourquoi je pensais toujours qu’il y aurait des voleurs. Je comprends aussi pourquoi je voulais toujours dormir avec mes parents. Dison que j’ai compris bien des comportements. Je suis contente, aujourd’hui, de mieux comprendre le pourquoi du pourquoi. Ça me permet d’améliorer les situations. Ça m’aide à relativiser la situation. À savoir que c’est juste l’angoisse qui parle et que NON, ce n’est pas un mauvais pressentiment que j’ai. Je sais maintenant que je ne suis pas folle et que je ne le deviendrai probablement pas. Je fais seulement de l’anxiété. J’ai saisi pourquoi je commence beaucoup de projets, mais que je lâche tout, dès que mon niveau de stress augmente. Je pars quand je n’en peux plus, quand l’anxiété est trop forte. C’est un cercle vicieux, mais maintenant, la roue est brisée et je saurai la faire tourner autrement.

Je suis contente d’avoir fait le choix de soigner ma santé mentale. C’est la meilleure chose que j’ai pu faire. Ça m’a sauvé la vie. Pourquoi j’ai choisi de consulter? C’est parce qu’un jour, j’ai eu la certitude que mon cerveau allait venir à bout de moi, qu’il allait me tuer.

Je ne suis plus seule ; ma psychothérapeute m’apporte des outils, des points de vue différents. Elle m’aide à voir dans mes angles morts des choses que je n’aurais jamais vues sans elle. Je sais que je devrai probablement côtoyer l’anxiété toute ma vie, mais je ne serai pas obligée de lui laisser toute la place. Elle ne prendra plus le contrôle de ma vie. Maintenant, je pourrai l’accueillir plus légèrement quand elle frappera à ma porte.

On pense parfois que l’anxiété est banale, mais elle ne l’est pas du tout. C’est un problème présent chez beaucoup de gens. L’anxiété apporte son lot de pensées noires, elle nous fait croire qu’on est fou, elle nous empêche d’être bien avec soi-même. Parfois, elle nous confine à la maison, car on a peur de sortir, on a peur de ce que les gens penseront de nous, on a peur de déplaire, peur de ne pas faire la bonne chose, alors on s’isole.

Si tu côtoies une personne qui, selon toi, est juste trop peureuse. Que tu crois qu’elle exagère, que ses pensées n’ont pas d’allure, s.v.p. ne lui dit pas de se calmer. Offre-lui tout simplement ton écoute, sans jugement. Dis-lui que tu seras là pour elle. Car, crois-moi, cette personne qui doit vivre chaque jour avec l’anxiété échangerait volontiers son cerveau contre celui d’une personne qui n’est pas comme elle.

Ne restez pas seule avec l’anxiété, consultez quelqu’un qui saura t’aider, te donner des trucs pour mieux vivre conjointement elle et toi.

Karine Larouche

Mon point Z

Il y a plusieurs années, j’ai reçu un diagnostic auquel je ne mâ

Il y a plusieurs années, j’ai reçu un diagnostic auquel je ne m’attendais pas. TAG : trouble d’anxiété généralisée. Je ne m’étais jamais perçue comme stressée de nature. J’avais toujours navigué au milieu des sessions d’examens de fin d’année, des compétitions provinciales, des entrevues d’embauche. Une solide préparation a toujours été ma clé. Ça n’évitait pas les papillons dans le ventre, mais je vivais plus l’excitation enthousiasmante que la nervosité malsaine.

Puis comme adulte, j’ai subi des attaques de panique. Pas le fun du tout. Mais temporaire. Et gérable.

Ce qui m’a tuée (ben… pas littéralement, puisque je vous écris), c’est le stress continu. Le métro-boulot-pas-de-dodo auquel on ajoute plusieurs crises d’enfants par jour, des rendez-vous de suivi, des échecs relationnels, des inquiétudes parentales normales (les coliques, la molaire qui fait souffrir, la première rentrée scolaire…) et les hors normes (celles qui font consulter, qui poussent à l’insomnie chronique et à la remise en question systématique).

Le corps et le cerveau sont bien faits, ils peuvent surmonter beaucoup de stress avant de péter au frette (s’cusez l’expression). Mais quand l’élastique lâche, on a beau le rattacher, c’est juste plus tendu et plus fragile.

Jusqu’à ce que.

Ma tolérance ne sera plus jamais la même. J’aurai toujours une sensibilité, un drapeau rouge qui lève plus rapidement que si j’avais vécu sur une île paradisiaque sans obligations financières, parentales ou professionnelles (euh… ça existe, ça pour le commun des mortels?). Mais je crois bien que j’ai trouvé mon point Z (vous êtes déçus, hein? Vous pensiez que le point G était rendu avec un jumeau?!).

Mon point Z, c’est mon point Zen. Ma zone centrée. L’espace mental dans lequel je me sens en sécurité. Ma conviction que je peux redevenir sereine même au milieu d’un tsunami émotif.

Après avoir frappé mon mur (celui de béton armé) et atteint le fond (du gouffre, parce que le baril n’était pas assez profond), j’ai trouvé la force de retendre mon élastique de stress pour qu’il devienne tendre au lieu d’être tendu. Ma méthode n’est pas infaillible, je suis encore bourrée de failles qui font mon charme (ou mon humanité), mais je profite de chaque occasion pour m’exercer à la zénitude et pour reconnaître mes progrès.

La semaine passée, par exemple. J’embarque dans l’autobus pour me rendre au travail à Gatineau, donc du côté québécois de la rive. Je lis, parce que c’est mon moment à moi de moi avec tout plein d’amour. Quand je lève les yeux de mon livre, on est rendus sur la rive ontarienne, à Ottawa… Oups! L’ancienne moi aurait paniqué, se serait traitée de tous les noms (imbécile, tarte, méchante épaisse, y’a ben juste toi pour être perdue de même… vous voyez? Beaucoup d’amour dirigé vers mon moi-même). Mais pas cette fois-là.

J’ai posé mon livre, je me suis demandé ce qui se passait (j’ai pris le 58 au lieu du 59), j’ai examiné mes possibilités pendant cinq secondes et je suis allée voir le conducteur. Puis, j’ai profité du fait qu’il devait me ramener au Québec pour continuer à lire en souriant. Résultat? Je suis quand même arrivée en avance au travail, avec ma fierté d’avoir une preuve que mon TAG va se promener de plus en plus loin de moi, de plus en plus souvent. En réalité, c’est moi qui l’envoie (se) promener.

Aujourd’hui, un autre exemple. Appel du camp de jour juste avant un rendez-vous important. Ça dérape chez les fistons. Montée d’adrénaline soudaine, le mal de tête de tension qui s’installe automatiquement. Au lieu de me flageller ou de tomber dans mes questionnements existentiels, je suis allée quelques minutes dans une salle de sérénité qu’on a fait installer au bureau. J’ai respiré au son d’une musique pour équilibrer les chakras. Puis je suis sortie, j’ai trouvé un arbre et je lui ai demandé de me donner sa force pour faire le reste de ma journée. Apaisement immédiat.

L’ancienne stressée que j’étais aurait rapporté tout son stress et sa fatigue mentale à la maison, aurait coléré contre ses enfants, en aurait voulu à Pierre-Jean-Jacques et à la vie. Mais non, pas ce soir. Régénérée, j’ai vécu une soirée apaisante et apaisée avec mes cocos. On a ri, on a joué, on s’est collés. Ça sentait la complicité à plein nez!

Je ne suis pas à l’abri d’un pétage d’élastique. Par contre, je repère les signes d’usure plus facilement et je m’autosoigne. Et par le fait même, j’enseigne à mes enfants qu’ils sont capables de gérer leur propre anxiété. Qu’ils peuvent l’accepter parce qu’elle existe, mais qu’ils ont surtout le pouvoir de refuser qu’elle prenne toute la place.

 

Nathalie Courcy

La fièvre

D’un coup, sans prévenir, tu ne files pas, tu respires rapidement, tes yeux sont vitreux, tu devi

D’un coup, sans prévenir, tu ne files pas, tu respires rapidement, tes yeux sont vitreux, tu deviens mou, tu ne manges plus, tu es chialeux, ta peau est si chaude… Je n’ai même pas besoin de prendre ta température, car je sais qu’elle est de retour… la fièvre…

Chaque fois, ce même moment de panique dans mon cœur de maman : mon bébé chauffe ! Son petit corps lutte contre une infection ! Qu’est-ce qu’il a ? Va‑t‑il se déshydrater, convulser ou mourir ? Mes battements cardiaques accélèrent, j’ai la nausée, je me garroche sur un médicament qui va faire tomber sa température. Je cours vers le téléphone : vite, il faut appeler la clinique !

Je sais pertinemment que ça peut ne pas être grave ! Les dents, un rhume, un virus quelconque… MAIS MON BÉBÉ EST MALADE ET MOI J’AI PEUR !

Parce que t’sais, ça se peut que ce soit dramatique ! Sur Internet, je découvre avec angoisse plein de maladies terrifiantes que mon enfant pourrait avoir !

Quand il finit par s’endormir, le souffle court et les joues si rouges, je n’ose pas fermer l’œil… je veille… je tourne en rond et je suis alerte…

Est-ce ça, l’instinct maternel ? Paniquer complètement quand mon petit chauffe ? Si c’est le cas, ce sentiment n’est-il pas primordial pour la survie de l’espèce ? Ça nous oblige à être à l’écoute de chaque alerte !

Pour mon cÅ“ur de maman, la fièvre, c’est une alerte ! Alors toi, médecin, infirmière, amie, conjoint, grand-mère… je n’ai pas besoin que tu me dises que ce n’est pas grave, qu’il faut attendre 48 heures, que je ne dois pas m’en faire… J’ai seulement besoin de ta main sur mon épaule, de ton écoute, de ta présence bienveillante. J’ai besoin de tu me croies…

Car quand une maman dit que son bébé ne va pas bien : elle ne se trompe pas…

 

Gwendoline Duchaine

 

Mon anxiété, merci de m’avoir rendue au bout !

<span style="line-height: 115%; font-family: 'Times New Roman','seri

C’était un lundi, le 21 août 2017. Une autre journée à me lever avec le sentiment que l’on m’étrangle, le sentiment de manquer d’air, le cœur qui veut sortir de mon corps ! T’sais ce genre de matins que j’endure tant bien que mal depuis maintenant six ans. L’âge de ma fille !

 

Y a-t-il un lien entre cette anxiété qui s’est ancrée en moi et la naissance de l’amour de ma vie ?! Bien évidemment. J’étais une personne somme toute très calme avant sa naissance ! Je gérais mes émotions de façon autonome et je chassais les petites bibittes de mon esprit assez rapidement. Et BOOM, tu es arrivée dans ma vie après trente‑six heures de contractions, une césarienne d’urgence et plus de petit pouls. Non mais t’sais, t’as fait ça en grand !

 

Heureusement, tu es bien vivante, sans séquelles et magnifique.

 

Il y a donc six ans, j’ai expérimenté ma première crise de panique. La sensation que j’allais tout simplement mourir, que je perdais le contrôle, que je ne respirais plus, la sensation de perdre conscience ! Et depuis six ans, j’expérimente de façon plus ou moins intense, mais ce de façon quotidienne, l’anxiété généralisée. Le fameux TAG !

 

Pendant ces six dernières années, j’ai essayé de gérer cet état de mal-être et de sensation constante de ne pas avoir le contrôle de mon corps et esprit, comme une superwoman ! T’sais, celle que la société nous impose d’être, celle que les revues, les blogues et les pages Facebook de mamans extraordinaires, jamais brûlées et toujours souriantes nous montrent.

 

J’ai essayé, mais derrière tous ces efforts, une petite voix appelée « anxiété généralisée » nuisait à ma vie. Avez-vous déjà amené votre enfant à la garderie en pensant : « Est-ce que la gardienne va bien clôturer ses escaliers, est-ce qu’elle va couper ses raisins en quatre comme je le fais pour éviter les étouffements, est-ce qu’elle sait quoi fait si elle s’étouffe ?! » Non mais, est-ce épuisant d’avoir ce genre de pensées quotidiennes, et ce depuis six ans ?!

 

Alors voilà, le 21 août 2017, mon anxiété, celle que je pensais être en mesure de finalement affronter seule, m’a mise au sol. BANG ! K.O. !

 

Je me suis rendue par moi-même dans le centre hospitalier où je travaille, à l’urgence…

 

Je me suis assise devant une collègue au triage et je lui ai lancé en pleurs : « Je suis ici parce que je suis plus capable de me sentir comme je me sens présentement, en panique constante. Je suis malade et si je ne me présentais pas ici, j’ai aucune idée où j’allais me retrouver ! Je suis à bout, aide-moi ! »

 

J’ai été hospitalisée un mois en psychiatrie ! Ohhhhh la psychiatrie ! L’étage de mon hôpital que j’avais un vilain plaisir à regarder à travers ces portes barrées et en me demandant quel genre de fous il y avait là (quel jugement merdique au final !)

 

Eh bien moi, Isabelle, trente-quatre ans, maman infaillible d’une magnifique petite fille de six ans et travaillant dans le domaine de la santé… je me suis retrouvée derrière ces portes et vous savez quoi ?! C’est ce qu’il me fallait pour maintenant me sentir libre… libre de cette maladie mentale qui s’appelle « anxiété généralisée » !

 

On m’a écoutée, on m’a soignée, on m’a confrontée et voilà ! Ce mois d’hospitalisation m’a fait comprendre quelque chose d’important : personne n’est à l’abri ! Surtout pas toi, super maman forte et inépuisable, travaillant à temps plein et veillant à ce que la famille se porte bien !

 

Oui, la maladie mentale est encore taboue ; oui, nous sommes quelques-uns à avoir honte de nous sentir ainsi mais, vous savez quoi ? J’aime maintenant l’idée de savoir qu’il y a une sortie de secours, qu’il y a des gens pour nous aider et que même si on a honte de ne pas se sentir assez « fort », il n’y a pas plus grande force que de demander de l’aide !

 

Mon anxiété, mon mal-être m’a sauvé la vie ! On peut s’en sortir !

 

Merci à toi, mon anxiété, de m’avoir rendue au bout… Sans toi, je ne serais pas la maman pleine d’espoir et de vie que je suis aujourd’hui !

 

Isabelle Nadeau

 

 

Le retour qui fait mal

Ce fameux matin-là, nous mettions fin à une attente d’un an pour

Ce fameux matin-là, nous mettions fin à une attente d’un an pour le suivi cardiaque de notre cocotte. Déjà deux ans depuis son opération à cœur ouvert! Le temps passe à une trop grande vitesse de croisière, je n’en reviens toujours pas. Du haut de ses quatre ans, elle a passé à travers cette tempête avec brio. Physiquement du moins…

Ce qui n’est pas mon cas.

Je ne suis pas encore remise de mes émotions. J’y réfléchis très, non trop, souvent. Dans ma tête, je retourne au moment de la quitter pour l’intervention chirurgicale et je revis ma détresse et mon impuissance. La boule dans mon ventre se reforme, ma respiration accélère et le sentiment de perdre le contrôle m’envahit. Je n’avais jamais pensé consulter de psychologue à ce sujet. Par contre, un jour, mon corps à tout simplement lâché. Il a décidé qu’il en pouvait plus. Il m’a tout bonnement dit : « Il est temps de te faire soigner, la grande! » Comment l’ai-je compris? J’ai fait une attaque de panique.

Je pensais mourir

À ce moment précis, je croyais sincèrement que j’allais mourir. Je n’avais jamais rien vécu de tel! Mais sérieux, quessé ça! Tu ne sens plus ton corps tellement il est engourdi et tu trembles au point d’en être étourdie. Bref, j’ai fini mon spectacle en ambulance, direction l’hôpital le plus proche (je ne peux pas faire ça comme tout le monde, chez nous… ben non! C’est bien mieux à la pharmacie entourée de plein de curieux!) C’est le médecin de l’urgence qui m’a annoncé que je venais de faire une solide crise de panique. Et qu’à m’écouter, cette crise était due à un choc post-traumatique. Ben voyons… J’ai pas fait la guerre en Afghanistan! T’sais, quand tu penses que ça arrive juste aux autres…

J’ai fait ce qu’il faut

J’ai dû trouver de l’aide pour passer à travers ce malaise qui me hantait régulièrement. J’ai dû aussi accepter de prendre des antidépresseurs. Que veux-tu? Si c’est pour le mieux. Lorsque tu dis à ton doc que tu n’as presque pas dormi depuis quatre ans, il ne s’étonne pas que tu en sois rendue là. Je commence à aller mieux depuis maintenant quatre mois…

Je suis plus réaliste que positive

En général, je suis plus négative et réaliste que positive. Je ne vis pas dans un village de licornes roses. J’appelle un chat un chat. Mais ce matin-là, j’étais beaucoup plus détendue que d’ordinaire. J’avais la conviction que les résultats seraient numéro 1. Que la cardiologue féliciterait ma fillette et lui dirait : « Beauté, on se voit l’année prochaine. » Ce matin-là, j’étais dans mon univers de poupées. Lorsque le médecin m’a détaillé le résultat des examens, j’ai senti le plancher se dérober sous mes pieds… Les oreilles me bourdonnaient… Tout ce que j’ai entendu clairement, c’est : « Malheureusement, le cœur de votre fille coule encore et une membrane s’est formée autour de l’aorte. Si dans quatre mois, il y a évolution, nous la remettrons sur la liste pour une nouvelle opération. »

Depuis ce jour, je revis mon cauchemar. Les nuits sont redevenues difficiles et ma fatigue me lasse. Je sais que je passerai au travers, car je le dois. Je le lui dois à elle. Je suis sa maman. Je suis son enclume. Elle pourra toujours compter sur moi. Mais honnêtement, je ne sais pas l’air que j’aurai lorsque je sortirai du bateau après la deuxième tempête. Je suis fière d’avoir fait les démarches d’aide pendant qu’il était encore temps. Cette fois-ci, j’ai décidé de le vivre autrement. Et en attendant la prochaine visite, je profite de chaque minute que la vie me donne pour dire à ma fille à quel point je l’aime.

Alexandra Loiselle-Goulet

Phobie, nous te vaincrons !

Pour ma grande Peanut de 13 ans, une seringue, c’est l’équivale

Pour ma grande Peanut de 13 ans, une seringue, c’est l’équivalent d’un missile-laser-longue-portée-nucléaire. L’idée de recevoir un vaccin ou de devoir faire une prise de sang l’angoisse profondément, la fait hyperventiler, la plonge dans l’insomnie, lui donne des maux de ventre et de tête, lui fait faire des cauchemars. Même si elle essaie de se calmer le pompon. Mais aujourd’hui, elle a vaincu.

Retour en arrière.

Petite, grande Peanut accumulait les phobies comme une fillette collectionne les autocollants. C’était devenu impossible de sortir, de voir du monde, d’exister. Mais on le faisait quand même. À petites doses, progressivement. Je ne voulais pas qu’on reste prises dans le duo « fuir ou combattre ».

On en a fait, des mini pas de bébé pour que les choses s’améliorent. Au début, ça s’améliorait parfois et ça dégénérait souvent. Mais à la longue, on a fini par apercevoir un semblant de lueur entre deux séries d’orages.

Quand le temps est venu de recevoir les vaccins de quatrième année du primaire, on a établi un plan de match avec l’infirmière du CLSC. Elle avait bien vu, à l’école, que le cas était sérieux. On ne parlait pas ici d’une peur normale, même pas d’une peur anormale. On parlait d’une vraie phobie. Une peur démesurée, incontrôlable, créée par un sentiment que sa vie est menacée et que la souffrance sera immense et éternelle. Doudou, toutou, musique, Au clair de la lune, bouteille d’eau, visualisation, faire des jokes pour changer les idées : tout y a passé. Ça a pris trente minutes, elle a hurlé, pleuré, essayé de se sauver. Mais on a réussi. Ensemble. Et elle était fière d’elle. Elle avait survécu (littéralement, puisque telle était sa peur), et elle pouvait construire là-dessus pour la fois suivante.

On a célébré ce progrès. Il faut dire que la fois précédente, il avait fallu se mettre à quatre infirmières, une maman et une couverture de contention pour faire une prise de sang. Et ben, ben de la volonté. J’avais perdu cinq livres juste en transpiration. Alors là, trente minutes et juste mes muscles pour la tenir, c’était un grand pas.

Revenons au présent.

Ma fille devait faire une prise de sang ce matin. À treize ans, elle comprend que c’est nécessaire. Elle comprend que ça pique une seconde et qu’elle n’en mourra pas (d’ailleurs, c’est elle qui fait la préparation mentale pour ses frères pour diminuer leurs peurs avant la vaccination). Elle comprend tout ça. Sa tête comprend tout ça. Sa tête connaît aussi tous les trucs pour se calmer, pour éviter d’avoir la patate qui veut sortir de la poitrine, pour dormir malgré l’angoisse. Elle sait qu’il n’y a pas moyen de fuir et que combattre rendra la prise de sang plus difficile, voire douloureuse.

Sa tête sait tout ça. Son cœur veut sincèrement que ça se passe bien.

Ce matin, donc, on arrive au CLSC pour la prise de sang. On s’y rend avant 7 heures pour lui éviter d’angoisser toute la journée. Elle a bu, elle a mangé. Elle respire. Elle a apporté sa musique et ses écouteurs, son livre, mais elle n’a pas la tête à ça. Dès qu’elle voit la porte de la clinique, son corps se raidit, prêt à fuir ou à combattre.

– Maman, je sens le stress monter. J’ai encore plus mal au ventre que la nuit dernière.

Dans la salle d’attente, elle est agitée, elle bâille. Elle se colle sur moi, apprécie que je lui caresse le dos. Elle redevient cette fillette qui collectionnait les autocollants. Elle parle peu, chose inhabituelle mais compréhensible.

– Numéro 515 ? Salle E8.

C’est le temps. Dans quelques minutes, ce sera chose du passé. J’ai même osé porter une jupe, tellement j’ai la certitude que je n’aurai pas besoin de la maintenir de force.

– Maman, j’ai pas envie. Ça va faire mal, je le sais. Pas aujourd’hui, un autre jour. Je suis pas prête. Je peux pas. Ça fait plus ou moins mal qu’un vaccin ? Peux-tu chanter pour moi ? Non, chante pas. Ça me stresse encore plus. Tiens-moi dans tes bras. Faut pas que je voie l’aiguille. Est-ce qu’elle est longue ?

Son cerveau vire dans le vide. Je peux imaginer les influx nerveux se bousculer et s’entrechoquer. Une collision d’heure de pointe. Elle lutte entre sa volonté de rester calme et de faire ce qu’il faut pour être en santé, son désir instinctif de s’enfuir de la clinique (au moins pour une minute, ou pour une journée… mais le lendemain, le stress serait encore plus présent) et son besoin de combattre ceux qui essaient de la piquer.

Un deuxième infirmier arrive. Il l’a entendue pleurer doucement.

– Salut, je m’appelle Jonathan ! Toi, c’est comment ?

Ma fille n’est même pas en état de se rendre compte que quelqu’un lui parle.

La bonne nouvelle, c’est que l’histoire se termine très bien, presque sans larmes. Sans cris.

Une infirmière a tenu sa main pour garder son bras droit, tout en douceur. L’infirmier Jonathan, pas intimidé du tout par sa phobie (« T’sais quoi ? Quand j’avais ton âge, moi aussi ça me faisait paniquer, les aiguilles. Pis r’garde maintenant, je suis infirmier. On peut tout le temps dépasser nos peurs. Heille, c’est super ! C’est déjà terminé ! En plus, tu as du beau sang rouge, même pas vert ! Bonne nouvelle, tu n’es pas une extraterrestre ! »), a piqué et fait les prélèvements tout en lui changeant les idées. Et moi, maman toujours prête, je l’ai prise dans mes bras en détournant sa tête (et la mienne !) de l’aiguille.

Et maintenant, si on se déplace dans quelques mois ou dans quelques années, je peux vous dire que la prochaine fois qu’elle devra se faire piquer pour un vaccin ou pour un prélèvement, elle fera ça comme une championne. Encore plus qu’aujourd’hui ! Parce qu’elle a appris. Parce que son corps apprend à gérer la menace et à la relativiser. Parce que l’empreinte d’une expérience positive (bien qu’inquiétante pour elle) se grave dans son cerveau. Parce que d’ici là, elle continuera de faire des baby steps et des pas de géants. Et elle vaincra sa phobie.

Pour lire d’autres textes qui parlent de l’anxiété de ma grande Peanut et de ses stratégies pour la vaincre :

http://www.mafamillemonchaos.ca/on-jase/non-ne-te-sauverai/

http://www.mafamillemonchaos.ca/on-jase/monsieur-zen-rencontre-miss-peur/

Nathalie Courcy

 

Pas de panique !

Ça faisait sept ans. Sept années sans être attaquée par la paniq

Ça faisait sept ans. Sept années sans être attaquée par la panique. B’ah ! Du stress, de la nervosité, de la misère à me concentrer, l’impression d’être une poule pas de tête et d’en perdre la tête, ça, oui ! Malgré les afuuu afuuu et les anxiolytiques. Mais pas de véritable crise de panique. Et là, la semaine dernière, c’est arrivé.

Milieu d’une journée où les choses ne vont pas tout à fait comme prévu, mais où tout est réchappé malgré tout. Milieu d’une semaine où les heures supplémentaires et les réveils tôt se multiplient. Milieu d’un mois où les défis et les questionnements sont monnaie courante et me font courir partout. Bref, je suis au milieu d’une tornade que je pense assez bien contrôler.

Puis, ce midi-là, je commence à avoir de la difficulté à focaliser mon attention sur mon travail. Je me sens plus agitée par en dedans et en dehors. Je ne tiens pas plus en place qu’un enfant de quatre ans qui attend l’arrivée du Père Noël après avoir ingurgité trois chocolats chauds aux guimauves. Je me mets à genoux sur ma chaise, puis en indien. Je me lève, je fais quelques pas, je reviens. Qu’est-ce que je fais là ? J’ai du travail à faire, moi !

Je m’assois. J’observe mon ordinateur comme s’il allait me dire quoi faire.

– Allez ! Mets tes doigts sur les touches du clavier et pitonne !

– Hein ? Quelles touches ? Quel clavier ? Pourquoi faire ?

– Déguédine ! Tu perds ton temps ! Tu le sais que tu n’as pas de temps à perdre.

– Inquiète-toi pas, je le sais ! Tout le monde va attendre après moi si je ne me réveille pas. Mais je ne suis pas capable.

– Pas capable de quoi ? Tu as les deux yeux grands ouverts !

– Oui, mais je ne me souviens même pas de ce qu’il faut que je regarde… Tu as vu ? Mes yeux bougent tout seuls !

Pas d’inquiétude, je ne parle pas vraiment à mon ordinateur. Bon, parfois, mais lui, il ne me répond jamais. Quand même, ça donne une idée de l’état dans lequel je me trouve à ce moment. Incapable de me déposer.

Ma collègue arrive. S’assoit près de moi.

– Je ne sais pas ce que j’ai, ça fait une heure que je tourne en rond, pas capable de me calmer le pompon.

Elle sait que quand je suis dans cet état-là, le mieux, c’est que je parte me promener quelques minutes. Mais je m’obstine (avec moi-même). Non, j’ai du travail à faire. Tout de suite. Et plus je m’obstine, et moins je suis capable de le faire. J’ai une rubber ball dans la cervelle et une pile branchée sur le 400 volts à la place du cœur.

Cinq minutes plus tard :

– Ok, ça n’a pas de sens mon affaire, remplace-moi s’il te plaît. Je ne suis bonne à rien anyway quand je suis dans cet état-là. Je ne me souviens même plus comment je m’appelle (oui, j’ai une légère tendance à l’exagération… l’autodérision me permet de réduire l’impact de la panique que je commence à identifier).

Et je sors de l’édifice. J’ai la présence d’esprit d’apporter ma bouteille d’eau (essentielle pour que les connexions de mon cerveau parti en vrille se refassent), mon cellulaire (bien pratique pour appeler une collègue si je me perds dans les dédales de ma panique ou de la ville) et mes lunettes de soleil (que j’ai beaucoup appréciées quand je me suis mise à brailler comme un âne pris dans une clôture barbelée. Électrifiée.)

Je marche, je marche. En ligne droite, parce que j’ai trop peur de me perdre. Déjà que je n’ai pas de GPS intégré (ça ne venait pas avec le modèle de base quand on naissait en 1977), je ne vois rien à travers mes larmes et je ne peux mémoriser aucun repère pour m’aider à me situer. Je m’enfonce dans la ville alors que mon instinct aurait dû me mener vers un parc ou une rivière, où je me serais sentie plus en sécurité. Mais ça, j’y ai pensé après seulement. Je marche, et je braille, et j’essuie mes larmes en me sentant jugée par les inconnus qui marchent aussi. Dans le fond, ils ne me remarquent même pas. Tant que je marche. Si je m’effondre, si je me roule en boule sur le trottoir, ils s’enfargeront dans mon corps et appelleront le 911. Je ne veux pas. Alors je marche.

Mais plus je marche, plus je panique de ne pas être capable de mettre un stop à ma panique. J’essaie de visualiser du beau et du bon, je ne vois que du laid et du mauvais. J’essaie de ralentir mon souffle, d’approfondir ma respiration ; j’hyperventile. J’imagine tout ce CO2 qui est fait prisonnier dans mes poumons et je panique encore plus. J’empoisonne mon corps à force de paniquer.

Mon esprit est encore juste assez présent pour former un plan de secours.

1- Continuer à essayer de me calmer par moi-même jusqu’au prochain coin de rue.

2 a- Si ça fonctionne, continuer à marcher jusqu’à ce que je sois calmée à 50 %, puis revenir vers le bureau pour continuer mon travail (ah ! Non ! J’ai dit « travail »… afuuu afuuu !)

2 b- Si ça ne fonctionne pas, virer de bord, appeler ma collègue ou ma superviseure et leur demander de venir me chercher. Au bureau, on pourra trouver une salle fermée où je pourrai reprendre mes sens, méditer et mettre de la musique. J’ai besoin de ne penser à rien.

3- Si je m’effondre sous la pression ou le manque d’oxygène, il y a toujours l’ambulance. Mais vraiment ? Je partirais en ambulance juste pour une attaque de panique ? Juste parce que je ne suis pas capable de gérer mon stress ? Non mais… on se calme ! (Ben non, justement. Je ne suis pas capable de me calmer !)

Le coin de rue arrive et j’hyperventile toujours autant, je me déshydrate à force de pleurer. C’est le méchant qui sort, faut croire. Et là, au coin de la rue, j’aperçois une table avec des livres. Je tourne à droite et je passe une porte. S’il y a des livres, c’est qu’il y a des gens qui aiment les livres. Je me retrouve dans une librairie (ça aurait pu être l’antre d’un dragon lecteur, je serais entrée quand même. Comme un enfant poursuivi par un kidnappeur qui s’engouffre dans la première maison qu’il croise). Et là, pour la première fois depuis près de deux heures, je me sens un peu en sécurité. Une mini brise d’apaisement m’effleure. Je me dis que je peux rester ici en silence, sans me justifier, le temps de me calmer. Le temps de retrouver assez de morceaux de casse-tête de ma personne pour me reconstruire suffisamment. Le travail attendra.

Quand je suis retournée au bureau, j’ai rassuré ma collègue, j’ai mis mes écouteurs et je suis restée dans ma bulle jusqu’à ce que je me sente moi-même. Le travail m’avait attendue, sagement, mais le surplus de stress s’était évaporé. J’ai parlé de mon moment de souffrance intérieure et physique (oui, une crise de panique, c’est souffrant pour le corps) à mes collègues, à mes superviseurs. Je n’ai pas été jugée. Je veux qu’ils comprennent ce qui m’arrive même si ça peut prendre sept autres années avant que la panique s’invite une autre fois. Je veux qu’ils comprennent que ça peut arriver à n’importe qui. Et je veux surtout qu’ils sachent agir quand ça arrive, à eux ou à d’autres.

Note à moi-même : Tu as de quoi être fière d’avoir su identifier l’attaque de panique même en pleine souffrance. Sois fière de l’avoir gérée et d’avoir trouvé tes moyens pour te calmer. Mais la prochaine fois, demande plus d’aide, plus vite. Ça pourrait t’éviter de te sentir aussi mal.

 

Nathalie Courcy