Les belles années
Les belles années de mon enfance sont celles passées chez mes grands-parents maternels. Ma grand-mère, elle qui avait eu neuf enfants, aurait sûrement fait la meilleure éducatrice du monde. Elle savait raconter les meilleures histoires. Elle était excellente en dessin. Elle était toujours à mon écoute même si elle avait plein de choses à faire. Toujours présente pour répondre à mes questions qui ne cessaient pas de se présenter. Elle était toujours là.
Je me rappelle aussi que dès que nous arrivions chez mes grands-parents, j’étais le premier à sauter hors de l’auto. Je me dirigeais vers l’étable parce que j’avais tellement hâte de voir tous les animaux. Avant d’entrer dans l’étable, j’admirais les coqs et les poules à l’extérieur. Une fois à l’intérieur, c’était la visite de fantaisie et de joie. Je me rappelle, il y avait une truie dans son enclos et je devais m’agripper très fort sur le bord pour m’élever afin de la voir. Et je la vois encore en train de nourrir ses petits cochonnets. Sans oublier le merveilleux cheval blanc que mon grand-père avait. C’était une jument et j’étais tellement en admiration que je disais que c’était mon cheval à moi. Oui, dans ma tête d’enfant, parce que je lui donnais du foin à manger, elle était à moi.
Aussi, les chats de l’étable qui rapportaient des trophées sur la galerie, c’est-à-dire des souris mortes. Puis les heures de plaisir que mon frère et moi avons eues à attraper des écrevisses ou des ménés dans le ruisseau près de la maison. Sans oublier les courses dans les champs en évitant les bouses de vaches.
Le dimanche de Pâques, ma grand-mère allait toujours puiser l’eau de Pâques pendant les dernières minutes avant le lever du soleil. Cette eau pouvait se garder longtemps et le goût pour moi était comme magique. C’était peut-être une belle histoire que ma grand-mère racontait… mais l’eau semblait goûter différent de l’eau normale et je préférais croire ce que grand-maman me disait. Après tout, elle était devenue mon idole!
Quoi dire du temps des sucres! Que de bons souvenirs! Aujourd’hui, j’essaie de faire goûter ce temps merveilleux à mes enfants. On entaille ensemble quelques érables sur notre terrain. Je leur montre comment faire le travail. On boit de l’eau d’érable et je fais bouillir de l’eau d’érable à l’extérieur pour obtenir du sirop. Je leur fais sentir les bonnes vapeurs sucrées au-dessus du chaudron afin qu’ils puissent eux aussi avoir certains souvenirs. Mais je sais que ce ne seront pas les souvenirs que moi, j’ai eus dans mon passé.
C’était magique quand nous allions à la cabane à sucre de mes grands-parents. Le cheval nous amenait à travers les champs jusqu’à la forêt sans aucun bruit de tracteur. Seulement le vent qui soufflait et le bruit du cheval qui trottait. On aurait pu se croire dans le traîneau du père Noël.
Une fois arrivés à la cabane, c’était la préparation pour la cueillette. Mes oncles et mes tantes ainsi que ma mère cueillaient l’eau des chaudières et la versaient dans une tonne tirée par le cheval. Pendant ce temps, moi, je m’amusais à courir dans la forêt, à boire de l’eau d’érable et à admirer la nature.
Une fois à la cabane, c’était le temps de faire bouillir l’eau d’érable. Mon grand-père savait quand le sirop était prêt. Pas besoin d’instruments comme aujourd’hui! Je le voyais verser le sirop avec sa cuillère, à l’œil. Je fais la même chose aujourd’hui devant mes enfants.
Pendant ce temps, grand-maman nous préparait un bon repas. Les bines, les oreilles de criss, les œufs dans le sirop d’érable, les petites patates, les cretons, etc. Tout était fait maison et provenait de l’étable ainsi que des terres de mes grands-parents. Mon grand-père, lui, s’occupait de la bouilleuse et des rôties. Il prenait la tranche de pain et la mettait sur la porte de la bouilleuse. C’était tellement chaud, qu’elle collait, puis il l’enlevait sans se brûler. Pour moi, ce grand-papa avait des doigts de magicien. La rôtie avait un côté noirci et un côté blanc et on y mettait du beurre ou du beurre d’érable.
Ah! Que c’était bon, la cabane à sucre! En plus de goûter bon dans la bouche, on avait les vapeurs de la bouilleuse qui nous envahissaient!
Et puis, après la saison, il fallait passer au nettoyage. Que de plaisir encore pour moi. Toutes les chaudières étaient lavées dans d’immenses cuves en bois remplies d’eau et de savon. Mes oncles, mes tantes et ma mère s’occupaient de faire ce travail. Les bulles de savon et la mousse s’envolaient dans le ciel à travers les rayons du soleil qui perçaient parmi les branches d’arbres. Pendant ce temps-là, je courrais à travers les bulles de savon qui flottaient dans l’air. Je m’amusais avec deux chiens noirs qu’une de mes tantes avait amenés.
Et puis chaque Noël, on demandait toujours à grand-papa pour qu’il sorte sa musique à bouche (son harmonica). Et lorsqu’il commençait à jouer, il réjouissait mon cœur.
Grand-maman et grand-papa, vous ne m’avez jamais acheté de gros cadeau ou quoi que ce soit de ce genre, et je vous en remercie aujourd’hui. Ce que je raconte s’est produit quand j’avais environ quatre à sept ans. J’ai 48 ans et je m’en souviens encore. Vous m’avez donné le plus beau cadeau dont je puisse me souvenir. Vous me manquez beaucoup et je vous aime.
Carl Audet