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La force de l'amitié

Famille portes ouvertes — Texte : Nathalie Courcy

Quand j’étais jeune, j’étais une fille de gang. J’avais bien sûr ma garde rapprochée et je

Quand j’étais jeune, j’étais une fille de gang. J’avais bien sûr ma garde rapprochée et je me réservais plein de moments seule. Mais le sentiment d’appartenance si important dans le développement des ados, je l’ai vécu à fond.

J’ai passé quatre années dans les cadets de l’air, avant de passer quatre autres années comme instructeur de cadets. Aussi bien dire que mes fins de semaine, mes soirées, mes vacances, ça se passait en groupe. Les camps d’été, la fanfare, les cours, les activités. Quand je n’étais pas avec une gang de cadets, j’étais avec une gang du collège… qui était surtout composée… de cadets.

Gars, filles, filles, gars, pas de différence. On avait du fun, on apprenait, c’est ce qui comptait. On jouait de la musique encore plus qu’on en écoutait. On dansait des slows à 120 autour du plancher de danse.

Je ne me souviens pas d’une seule fois où ma mère a refusé que j’invite mes amis ou que j’aille à une activité avec eux. La confiance régnait. Il y avait parfois de l’alcool, mais rarement de façon décadente. Et dans ce temps-là, c’est moi qui ramassais les autres (et qui leur lavais les cheveux avant d’appeler leurs parents…)

Et quand j’ai commencé à travailler pour payer mes études, c’était encore une job de gang. Une quinzaine de guides dans une salle beaucoup trop minuscule, mais si chaleureuse ! On passait 10 heures par jour ensemble dans le jour. On quittait le travail pour sortir en ville et fêter dans les festivals. C’était rarement silencieux.

J’avais hâte que mes enfants invitent plein d’amis à la maison. Les entendre rire, raconter plein d’histoires, parler trop fort, se coucher trop tard. En toute sécurité.

Mes enfants se sentent moins interpelés par la gang. J’étais aussi réservée qu’eux dans le temps, mais différemment. C’est vrai que si on voulait se parler, il y avait trois options : le téléphone à fil boudiné (et ma foi, on en a abusé !), une visite en personne (toc toc toc, viens-tu jouer ?) et les signaux de fumée.

Donc, on en a passé du temps ensemble à délirer, à refaire le monde, à se créer des insides et des souvenirs.

Mes enfants parlent probablement autant à leurs amis, mais différemment. Un éclat de rire par texto interposé, c’est moins libérateur. Mais j’imagine que ça fait la job ?…

Ce soir, c’est fête. Ma fille a invité des amies. Ça papote, ça popotte, ça jase, ça rit. Je me suis éclipsée pour leur laisser l’espace, mais de mon bureau, j’entends leurs voix heureuses. Et ça me fait sourire. Profitez-en, les girls ! Les liens humains, c’est ce qu’il y a de plus beau.

Nathalie Courcy

Dans le silence de ta mémoire ; prisonnière de la maladie — Texte : Maude Pilon-Gauthier

La vérité c’est que j’ai peur. J’ai peur parce que tu t’éloignes de plus en plus. Tu es a

La vérité c’est que j’ai peur. J’ai peur parce que tu t’éloignes de plus en plus. Tu es aspirée dans ce tourbillon sans le vouloir qui crée des trous dans ta mémoire. Personne n’est préparé à ça : la maladie. Ici, dans ton cas, c’est l’Alzheimer.

Je te regarde, avec tes yeux tristes et se vidant de plus en plus de souvenirs. Plusieurs sentiments s’entremêlent en moi : tristesse, colère et incompréhension. Pourquoi toi ? Pourquoi cette maladie ? Terriblement impuissante, parce qu’à mon grand désarroi, rien ne peut changer.

Je te regarde te raconter des histoires, sûrement des bouts de souvenirs en tourbillonnés que tu t’efforces à rapiécer ensemble. Je te regarde impuissante supplier ta mère de venir te chercher dans tes moments de mélancolie. Tu es si triste, si triste et en colère ! Tu te répètes en boucle que tu en as eu de la marde dans ta vie. Tu te souviens sans doute des moments moins glorieux, mais sache que je t’en fais la promesse, tu as eu une « belle vie ». Si seulement tu pouvais te souvenir de tous les moments que nous avons partagés, de nos petites réussites, des étapes importantes de notre vie, de tous nos fous rires échangés et de nos petits sourires complices, de nos soirées pyjama chez toi.

Il t’arrive encore de rire, dans des moments de lucidité où, pour un court moment, nous avons l’impression de te retrouver doucement au travers de ces yeux tristes. Avant, ton regard n’était jamais triste. D’aussi loin que je me souvienne, tu ne te laissais pas abattre facilement et c’est une des choses qui me brise le plus.

Grand-maman, toute ta vie durant, tu t’es occupée de ton mari qui souffrait de cette même maladie. Tu te faisais une mission d’aller le voir quotidiennement. Même quand tu étais fatiguée, même quand il ne se souvenait plus vraiment de toi, tu étais là. Le plus triste dans tout ça, c’est que, lorsque tu étais enfin délivrée de cette charge, c’est toi qui as sombré dans cette triste maladie qui, selon moi, ne devrait pas exister.

La vérité c’est que je ne suis pas prête. Je sais qu’inévitablement, ce moment va arriver : tu ne te souviendras plus de moi, de tes autres petits-enfants, de tes propres enfants. Ce qui me brise le plus le cœur, c’est que sans doute, tu oublieras tes arrière-petits-enfants que tu surnommes « tes petits bébés ». Je ne sais pas comment je ferai pour l’affronter, mais je te promets d’y arriver. Je te promets d’être présente autant que toi tu l’as été pour nous. Je continuerai à te raconter tous nos souvenirs même si tu ne t’en souviendras plus (au fond de moi, j’espère qu’à force de te les raconter, ils reviendront dans ta mémoire). Je me fais la promesse de continuer à te faire rire, à te faire chanter, danser autant que la vie me le permettra. Je te fais la promesse de te tenir la main quand tu en auras besoin et de te soutenir quand tes pauvres jambes prises de ce fardeau auront peine à avancer.

Je t’aime de tout mon cœur,

Ta petite fille

Maude Pilon-Gauthier

Et puis un jour, nous sommes redevenus deux à Noël ー Texte: Mylène Groleau

Nous avons, mes filles, mon mari et moi, au fil des ans, créé des

Nous avons, mes filles, mon mari et moi, au fil des ans, créé des traditions entourant les festivités de Noël ainsi que pour accueillir les nouvelles années. Ces moments de réjouissances que, désormais, nous contemplons avec de plus en plus de nostalgie. Mais aussi avec la fébrilité d’envisager les futures célébrations auxquelles s’ajouteront, nous le souhaitons, de nouveaux membres à notre famille.

À chaque début de décembre, nous retrouvons ce qui entoure les préparatifs. Passant de la décoration de la maisonnée au menu à planifier. Puis, s’émouvoir de revoir, au creux des boîtes de rangement, des bricolages confectionnés jadis par les petites mains de mes enfants. Des cartes remplies d’amour avec une calligraphie fraîchement apprise. Chacune des décorations qui prennent place dans l’arbre est, pour moi, synonyme d’un souvenir heureux. 

Les réceptions avec la famille, les cousins, les oncles et tantes, papi, mamie et grand-maman partie trop tôt. Le passé qui rejoint le présent. Les rires, les repas copieux. La musique en arrière-plan. Les odeurs de plats sortant du four avec les épices typiquement décembre.

La féérie du père Noël. Ces lettres acheminées directement au Pôle Nord. Les lutins coquins. Les yeux illuminés par autant de magie. Les étoiles dans les yeux des enfants au réveil en découvrant le pied de l’arbre garni de cadeaux. J’ai des souvenirs enfouis en moi.

Et puis…

Puis un jour, mes enfants ont grandi. Ou nous avons vieilli. Les enfants ont cessé de croire peu à peu au père Noël. Pour ma part, mes filles ont rencontré des hommes formidables. Elles ont élargi leurs traditions entourant les fêtes. Mon conjoint et moi avons vu l’inconfort les habiter, chacune à tour de rôle, de ne pas pouvoir être présente certains jours de nos traditions et ça, c’est pleinement correct. 

Petit à petit, elles vont instaurer des traditions qui compteront pour elles. Créer des souvenirs. Leurs souvenirs. Meubler les boîtes de rangement de bricolages et de décorations importantes pour elles.

Nous allons apprécier les moments de plus grande qualité mais en moins grande quantité. Leur présence se gravera dans nos instants les plus précieux. Noël et le Nouvel An se feront plus silencieux, mais nous serons deux. Nos deux cœurs comblés par ces années à courir et à remplir les cases du calendrier des deux semaines de vacances. Dorénavant, nous profiterons de ces moments où mes filles seront toutes avec ceux qu’elles auront choisis.

Et puis, puisque tel est votre désir, nous agrandirons la table pour accueillir de nouveaux petits êtres qui métamorphoseront nos traditions. Revisiter à nouveau cette magie et créer de nouveaux moments.

Bref, malgré les aléas de la vie, et bien que nos enfants se font plus rares aux événements familiaux, malgré nos moments plus tranquilles, il y a aussi ces instants de souvenirs qui nous tiennent en vie. Ces instants qui vous ont vus grandir. Qui nous ont vus vieillir. 

Maintenant, papa et moi profitons de nos souvenirs pour meubler nos soirs de fêtes en sachant que vous êtes bien entourées. Que les traditions que vous instaurez seront aussi importantes que celles que nous avions élaborées. 

Nous ne sommes jamais seuls lorsque nous avons nos souvenirs que vous nous avez permis de créer. 

Merci mes enfants. Merci mon amour.

 

Mylène Groleau

Noël sans toi, Noël avec toi… Texte : Valérie Marcoux

Cher Zach, cette année, à Noël, autant ton absence est palpable, autant ta présence est puissant

Cher Zach, cette année, à Noël, autant ton absence est palpable, autant ta présence est puissante. C’est juste fou… À cette période de l’année, tu es littéralement partout ! D’abord dans le sapin :

– L’ornement qui porte ton nom, acheté l’an dernier, an de ton premier Noël au ciel, avec une tonne d’émotions. Toi et tes frères avez 3 ornements semblables.

– Les boules personnalisées que j’ai fait faire. Ceci est désormais une tradition juste pour toi !

– La boule de Parents d’Anges, organisme qui m’aide tellement.

– Les bricos des garçons, qui viennent maintenant tout naturellement en trio.

– La couleur accent du sapin, qui depuis que j’en fais un, a toujours été le turquoise. Ben oui, la couleur que j’associe à toi, qui me fait penser à toi, est présente dans mon sapin depuis au moins 15 ans. Et je réalise cela maintenant seulement.

Mis à part le sapin, je prends aussi le temps de décorer ton petit coin. Les garçons décorent leur chambre, alors c’est un peu comme si je décorais la tienne aussi. Ton petit coin est magique, douillet et lumineux à la fois. Ton petit coin sent bon, il est apaisant.

Tu es aussi dans nos cartes de Noël. Lors de la prise de photos, au moins une photo est réservée pour mon trio. C’est non négociable. C’est naturel pour moi. Je dois avoir une photo de mes 3 enfants réunis.

 

Mes cartes de Noël (et toutes mes cartes d’ailleurs) sont signées de 5 bisous, parce que nous sommes 5 membres dans notre famille. J’ai tellement pleuré l’an dernier à chercher comment j’allais t’inclure sans t’imposer. Comme tous ceux qui me respectent, je respecte tout le monde. Certains sont moins à l’aise de se faire rappeler que tu n’es pas là. C’est correct. Mais moi, j’ai besoin de montrer que tu fais partie de nous. Je ne veux tellement pas t’exclure. Tellement pas.

Donc, tu es partout.

Bien sûr, ton absence aussi se fait sentir. Depuis que les lutins sont arrivés, je me demande comment tu aurais réagi, à presque 2 ans, à leurs coups pendables. J’emballe les cadeaux et je t’imagine déballer les tiens, ou encore, aller déballer ceux de tes frères. Je t’imagine jouer davantage avec le papier de soie qu’avec le cadeau. Je vous imagine les 3, dans des pyjamas identiques, à rire ensemble.

Malgré tout, je sens que Noël sera doux cette année. Tu es partout. Ça nous fait du bien, ça me fait du bien.

Joyeux Noël mon Zach !

Valérie Marcoux

Noël dans tes yeux – Texte: Maude Pilon Gauthier

Ça y est, Noël approche... À l’arrivée de cette période, je m

Ça y est, Noël approche… À l’arrivée de cette période, je me sens toujours un peu nostalgique. Je me sens aussi un peu fébrile, c’est comme s’il y avait un peu de magie qui se rallumait en dedans. Sans doute parce que j’ai conservé une partie de mon cœur d’enfant. Tout ça, c’est grâce à toi mon amour, parce que je me souviens quand j’avais ton âge ô combien j’étais impatiente et à quel point la magie de Noël me fascinait avec mes petits yeux d’enfant. 

Cette année, mon trésor, tu vas vivre ton premier vrai Noël.  Parce que tes deux premiers t’ont été enlevés à cause d’une pandémie mondiale.   

 Je te le dis, profites-en, le temps passe vite. Je garde des souvenirs impérissables de mes Noëls d’enfant: se coucher beaucoup trop tard, manger à la table des enfants avec les cousins, se coucher dans les piles de manteaux, danser, chanter, attendre le père Noël dans la fenêtre, grand-papa Gérald nous faisait aussi des petits shooters de crème de menthe, mais chut (ça, il ne faut pas le dire…), déballer nos cadeaux et espérer avoir celui qu’on a attendu toute l’année.  

Cette année, je pourrai vivre Noël dans tes yeux à toi, te voir émerveillée par tant de petites choses, que ce soient les premiers flocons, les décorations de Noël, l’arrivée des lutins et leurs 400 coups. Te voir chanter des chansons de Noël, écouter tous les films de Noël parce que ça te fascine tellement, te voir te poser les grandes questions existentielles, comme: comment le père Noël peut être partout et livrer les cadeaux?   

J’ai hâte de te voir courir avec tes cousins, t’amuser, chanter, danser, rire aux éclats. De voir tout l’amour et la minutie que tu mettras dans tes biscuits pour le père Noël (parce que ça, c’est sacré pour toi).  

J’ai hâte de te voir suivre mes pas, manger avec tes cousins à votre petite table en vous racontant vos histoires.  

Mon amour, c’est ton histoire à toi, écris-la comme tu le veux, crée tes propres souvenirs à toi. Plus tu grandiras, plus tu les chériras. Je pourrai enfin contribuer à la magie de Noël dans ton cœur (comme j’ai tant espéré le faire) et te faire profiter de ces moments si précieux (parce qu’ils le sont, crois-moi).  

Je te souhaite beaucoup de magie, de rires, que ton petit cœur soit plein et que ta tête soit remplie de souvenirs dont tu te souviendras toute ta vie.  

J’ose aussi souhaiter qu’à ton tour, plus tard, tu aies la chance de vivre Noël dans les yeux de tes enfants et que ça te rappelle tes souvenirs d’enfants.  

 

Maude Pilon-Gauthier 

 

Quand Bébé disparu fait partie de la famille… (Texte : Valérie Marcoux)

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Zachary fait partie de nos vies. Nous en parlons tous les jours à la maison. J’évoque ma grossesse avec mes proches, je ne veux pas de malaises. Nous sommes fiers de dire que nous avons 3 garçons. Pour nous, il a fait partie de notre vie pendant 37 semaines.

Pour certains qui m’ont peu vue enceinte (merci COVID…) et parce qu’ils n’ont pas connu Zachary, c’est moins concret… ils réalisent moins qu’il a pourtant existé…

Pour d’autres, Zachary fait partie de la famille au même titre que Samuel et Jérémy. Quand ma tante nous a proposé de faire des cabanes d’oiseaux pour chaque petit enfant au chalet, c’était évident pour elle qu’on allait en faire une à Zachary. Ça allait de soi.

Vous dire le bien que ça m’a fait. Je n’ai pas eu besoin de le lui faire penser. Ça ne venait pas de moi. Quelqu’un d’autre l’incluait dans la famille, dans ma famille. Quelqu’un d’autre reconnaissait que je n’avais pas deux, mais bien trois enfants. Sans malaise, pas juste pour me faire plaisir. Parce que c’est comme ça. Point.

Ce fut une activité merveilleuse ! Tabliers, pinceaux, peintures, cabanes en bois… Les enfants étaient heureux et moi aussi ! J’ai peinturé la cabane de Zachary avec les couleurs qui me font penser à lui… Les garçons m’ont aidée. Nous avons écrit son nom. Nous avons parlé de lui. Nous avons ri, jasé. C’était simple, c’était parfait !

Aux proches de par’anges, n’oubliez pas d’inclure le bébé absent lorsque c’est possible. Ce ne sera pas nécessairement triste ou malaisant… Au contraire, ce sera seulement une belle preuve d’amour et de soutien.

Valérie Marcoux

 

Je m’ennuie de vos petits doigts enroulés autour des miens ! Texte : Marie-Nancy T

Trop souvent, on ne se rend pas compte de la valeur d’un moment avant qu’il ne devienne un souve

Trop souvent, on ne se rend pas compte de la valeur d’un moment avant qu’il ne devienne un souvenir. Il y a quelques années, j’étais loin de me douter que les laborieuses nuits blanches passées avec mes bébés deviendraient des beaux souvenirs de ma vie de maman. C’est fou comment la vie défile à vitesse grand V. C’est fou comment les années se dissipent, sans crier gare. C’est tellement cliché de dire cela mais c’est avant tout tellement vrai.

Est-ce qu’il vous arrive parfois de faire un petit bilan de votre parcours personnel et de réaliser que le temps s’est écoulé, sans vous donner d’avertissement ? J’ai parfois cette relation amour/haine avec le temps. Lors des périodes difficiles, le temps est mon allié car grâce à lui, mes douleurs se dissipent et s’estompent. À d’autres occasions, le temps est mon ennemi. Comme lorsqu’il décide de filer, comme un voleur, en emportant avec lui des moments précieux de ma vie. Des moments qui ne reviendront jamais.

Récemment, j’étais affairée à regarder des photos récentes de mes filles. J’ai réalisé, abruptement, qu’elles étaient devenues des petites ados. Deux belles jeunes filles en devenir. Je le savais, évidemment, mais cette journée-là, j’en ai pris pleinement conscience et j’ai reçu une gifle en plein visage. Comme un coup de massue. J’ai eu un choc. Mais où sont mes bébés ? J’ai vécu par la suite un moment de nostalgie et de réflexion. Est-ce que j’ai assez profité de tous les moments avec mes filles, depuis leur naissance ? Est-ce que j’ai réussi à créer de beaux souvenirs pour elles, du temps de leur petite enfance ? Qui plus est, je me suis remémoré des périodes plus difficiles de ma vie, des soirées où j’étais plus fatiguée et moins disponible pour elles. J’ai vécu de la culpabilité à leur égard. Malencontreusement, la fameuse culpabilité de maman, on n’y échappera jamais. Mais ça, c’est un autre sujet.

Je suis nostalgique quand je repense à tous les beaux moments qui ne reviendront guère. Je suis mélancolique quand je fouille dans mes souvenirs et que je revois les petits doigts de mes bébés filles, enroulés autour des miens. Mais où sont rendus leurs petits doigts délicats qui s’enroulaient autour des miens, lorsqu’elles avaient besoin de réconfort ? Ils ont été emportés par le temps. En même temps, je suis heureuse lorsque je repense à tous les moments doux passés avec mes filles. Je suis remplie de gratitude de les voir évoluer chaque jour. Je suis fière des deux petits humains que nous avons créés, mon conjoint et moi. C’est paradoxal comme sentiment quand on y pense. La nostalgie et la mélancolie affrontent la fierté et la joie. Je sais qu’il y a encore plein de beaux moments à venir et que nous devons en profiter au maximum. Nonobstant, je demeure nostalgique quand je repense aux moments qui ne reviendront jamais.

Au fond, c’est probablement cela être parent, vivre des émotions parfois contradictoires. Être parent c’est aussi tenter de guider nos enfants, au meilleur de nos capacités, vers leur autonomie et vers leur vie adulte. C’est accepter de les voir vieillir et de les laisser faire leurs propres choix. Être parent c’est également permettre à nos enfants de prendre leur envol, même si ce n’est pas toujours facile, pour une maman. Quel privilège au fond que d’être parent. Quel privilège que de voir grandir et évoluer nos enfants, de les voir se forger leur propre personnalité, à travers les valeurs que nous tentons de leur inculquer.

Je m’ennuie de vos petits doigts, enroulés autour des miens, les filles. Mais en parallèle, je suis immensément privilégiée et fière de vous voir devenir les adultes qui vont constituer la société de demain. Prenons le temps d’analyser chaque moment passé auprès de nos enfants, peu importe leur âge. Prenons le temps de contempler leurs petits doigts de bébés enroulés autour des nôtres, lors des nuits blanches. Car qui sait, peut-être que ces moments deviendront des souvenirs de nostalgie ou encore de joie. Des souvenirs pour la vie.

Nancy Tremblay

 

À nos souvenirs d’été — Texte : Audrey Boissonneault

Je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais enfilé une légère robe noire, accompagnée

Je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais enfilé une légère robe noire, accompagnée de mes sandales sans talon. Mon vernis de couleur fluorescente ressortait à cause de mon bronzage qui s’installait, au fil des jours. J’allais rejoindre mon groupe qui m’attendait à la table du restaurant, juste avant qu’on lève nos verres à une énième soirée qui commençait. Nos rires se faisaient entendre à travers la salle, un souper qui s’éternisait, à travers les conversations et souvenirs qui se créaient.

Il y en a eu plein des soirées comme celle-là, celle où je surveillais mon téléphone, afin de recevoir un de tes messages ou appels. Finalement, il était inexistant, un peu comme toi à ce moment-là. À des milliers de kilomètres, j’espérais encore. Je ne voulais rien d’énorme, un petit : « Tu es très belle ce soir, passe une belle soirée. Je pense à toi. » m’aurait suffi. Malheureusement, jamais rien, malgré toutes ces promesses que tu m’avais murmurées. En fait, je courais dans le vide, en te croyant sur parole.

On marchait afin de se rendre à ce petit club qui nous faisait danser jusqu’aux petites heures du matin. Au courant de la soirée, après quelques verres ingurgités, mais rien de catastrophique, je me suis remise à penser à cette soirée où je t’ai appelé, plus d’une fois. Celle où tu as préféré fermer complètement ton téléphone au lieu de t’assurer que j’allais bien. Ça résonnait dans ma tête, si fort ; je t’ai écrit, je t’ai avoué que j’arrêtais tout ça. Certains diront impulsivité ou même sans respect. Puis, moi, je te chuchoterais, tout simplement, que tu n’as jamais pris le temps de m’appeler et que je te renvoie la pareille. À ce moment précis, j’ai fait comme à ton habitude. J’ai arrêté de m’en faire. Je t’ai laissé de côté, j’ai pris une respiration en ouvrant les deux portes et je suis allée retrouver ceux qui me l’ont fait réaliser.

Shooter, comme on a dit. On les a enchaînés, on a dansé comme des fous. Pour une des rares fois, aucun regret, seulement ma tête qui s’est fermée à chaque aspect négatif, mon sourire qui s’agrandissait à chaque chanson qui commençait, avant d’attraper la main qu’on me tendait et d’aller bouger mes hanches, sur la piste de danse, de droite à gauche. D’un point de vue externe, on voyait plusieurs adultes et jeunes adultes sauter au son de la musique comme s’ils avaient retrouvé leur cœur d’enfant. Les rires et les paroles de chansons quelque peu criées résonnaient entre les murs. Alors que d’autres essayaient de parler plus fort pour se commander un verre ou plusieurs culs secs à partager. De l’extérieur, on pouvait entendre le bourdonnement de ce qui s’y trouvait.

Près de trois mois avaient dégringolé devant nos yeux, sans qu’on n’arrive à arrêter le temps. Les soirées assis face au feu qui scintille, les conversations et les confidences, les chansons et même les danses, par moment. Les journées chaudes à courir sur la plage. Les baignades à s’éclabousser, les cheveux plus pâles et le teint plus foncé (ou rouge pour quelques-uns). À tous ces moments à se remémorer, tous ces passe-temps qui auront été authentiques. Le contact humain avec chacun qui nous aura fait grandir. Même ceux avec qui les fils auront été coupés. Les décisions, les leçons, mais surtout, les étoiles qui brillent aux creux de nos yeux. Les regards qui se font aller pour une autre soirée, avant que l’automne pointe le bout de son nez, la musique qui joue en arrière-plan, sans oublier nos cellulaires tous fermés et regroupés. Pour une dernière fois, nos verres qui se lèvent en même temps et nos voix résonnantes :

« À nos souvenirs d’été. »

Audrey Boissonneault

Ces grands-mamans si précieuses — Texte : Marie-Nancy T

J’ai toujours pensé que les grands-parents jouaient un rôle extrêmement important dans le parco

J’ai toujours pensé que les grands-parents jouaient un rôle extrêmement important dans le parcours de vie d’un enfant. C’est vrai que le lien qui unit les grands-parents à leurs petits-enfants nait d’une complicité profonde et hors du commun. Avez-vous déjà remarqué les yeux de vos parents ou de vos beaux-parents lorsqu’ils regardent votre enfant ? Ou les yeux de vos propres grands-parents lorsqu’ils vous regardent, s’ils sont toujours présents ? Avez-vous déjà analysé le regard que vous portez sur vos petits-enfants, vos « précieux » ? Nous pouvons voir de la fierté, évidemment, mais aussi de l’adoration. C’est fort et puissant ça, de l’adoration !

J’ai toujours su que ma grand-mère était précieuse à mes yeux et qu’elle occupait une place importante dans mon cœur. Je l’ai réalisé encore plus, l’an dernier, lorsqu’elle nous a quittés. Lorsque grand-maman est décédée, j’ai eu l’impression, en quelque sorte, que c’était la fin d’une époque. Quand on y pense, le tronc de chaque famille prend racine dans l’identité des grands-parents. C’est d’eux que nous viennent nos valeurs. C’est souvent auprès d’eux que nos plus beaux souvenirs d’enfance se sont créés. Avouez qu’ils ont cette capacité, les grands-parents, d’être des générateurs de souvenirs mémorables. Vous savez, le souvenir d’entrer chez nos grands-parents et de sentir l’odeur des petits plats que seules les mamies peuvent nous cuisiner ? Ou le souvenir des rassemblements familiaux où l’on était tous entassés dans les maisons trop petites de nos grands-parents ? Ou encore, les innombrables moments doux partagés avec eux lors d’une soirée pyjama ?

Je crois que lorsque ma grand-mère est décédée, j’ai eu peur, en plus de vivre le deuil de son départ, que ma famille ne soit plus jamais la même sans elle. Ça démontre l’importance qu’elle avait à mes yeux ! Ma grand-mère était l’âme et l’épicentre de notre famille. C’est souvent le cas, pour chaque famille en fait. La mamie, c’est le roc, le noyau de la gang, la rassembleuse, celle sur qui on peut toujours compter. Savoir qu’elle ne serait plus jamais présente pour jouer tous ces rôles m’effrayait quelque part.

Ma grand-mère, je lui serai à jamais reconnaissante, car grâce à elle, j’ai pu m’épanouir au sein d’une famille unie, une famille qui accepte tout le monde avec ses qualités et ses défauts et qui aime, sans jugement. C’est mamie qui nous a inculqué et transmis toutes ces belles valeurs et cette bienveillance que nous avons les uns envers les autres. Tout ça, c’est son œuvre à elle ! Ma grand-mère, elle avait cette force incroyable pour une femme de sa génération de ne pas juger les gens, d’être ouverte d’esprit et de nous encourager malgré nos erreurs. Elle était une grande dame et un être d’exception.

C’est pour toutes ces raisons, et bien d’autres, que nos grands-mamans si précises sont difficiles à laisser partir. En fait, je suis maintenant convaincue qu’il est impossible de les oublier et c’est parfait ainsi. Il faut les laisser vivre à travers nos souvenirs. En réalité, les mamies ne meurent jamais. Quand on y pense, elles continuent de vivre en nous. Je trouve réconfort en me disant que même si ma grand-mère n’est plus présente physiquement, elle fait encore partie de moi. Elle est immortalisée, en quelque sorte, dans mon âme et dans ma mémoire émotionnelle. Il suffit de se remémorer tous les moments passés avec nos grands-mères, de se rappeler leur voix douce et aimante ou les odeurs de leur maison pour les faire revivre. Pour garder ma grand-mère vivante, je tente tant bien que mal d’honorer sa mémoire en essayant de transmettre, à mon tour, ses valeurs et ses accomplissements à mes enfants. Et qui sait ! Peut-être qu’un jour, j’aurai l’immense privilège de pouvoir revivre moi aussi, à travers mes petits-enfants. Ainsi va la vie, comme on dit.

Lorsque ma grand-mère était vivante, la voyant de plus en plus vieillissante, j’ai développé cette crainte qu’elle ne me reconnaisse plus et qu’elle oublie qui j’étais. Je crois que c’était trop difficile de penser que le lien fort qui nous unissait ne serait plus jamais le même. Je me souviens que vers la fin de sa vie, je ressentais parfois un doute avant de lui téléphoner. J’avais cette inquiétude qu’elle me demande : « Qui es-tu ? » Ou qu’elle oublie ma voix ou encore bien pire, mon nom. Un peu comme dans la chanson « Ficelles » d’Ingrid St-Pierre, qui dit : « mais n’oublie pas mon nom ».

En tout cas, moi, je ne t’oublierai jamais grand-maman, et surtout pas ton nom !

Merci à ma mère et à ma belle-mère d’être des créatrices de souvenirs et encore bien plus pour mes enfants. Votre rôle est si précieux.

Marie-Nancy T

Revenir à l’essentiel – Texte: Joanie Fournier

Il y a quelques semaines, nous avons fait partie des milliers de malchance

Il y a quelques semaines, nous avons fait partie des milliers de malchanceux qui ont perdu l’électricité pendant 48 heures… Ça n’a l’air de rien, 48 heures. Mais je te promets que lorsque tu as une famille nombreuse, dont un bébé, c’est un 48 heures vraiment angoissant. Mais ce n’est pas l’angoisse qui a marqué notre aventure, c’est le retour à l’essentiel.

L’électricité a coupé en soirée. On venait juste de mettre bébé au lit et les plus grands se préparaient à aller dormir. Les grands vents venaient à peine de se lever, alors on imaginait bien que la panne durerait toute la nuit. On a donc monté un grand matelas sur le plancher de notre chambre et rassemblé toutes les couvertures possibles. On a couché les plus grands, tous ensemble sur le matelas, et on les a ensevelis de plusieurs couches de douillettes chaudes. On a pris le bébé avec nous, dans notre lit, pour le réchauffer au maximum.

Pour les plus grands, c’était le rêve : du camping en famille tous dans la même pièce. Ja-mais on ne fait ça ! On les entendait rigoler sous leurs mille couvertures et nos cœurs de parents trouvaient ça adorable. On s’entend que mon mari et moi n’avons pas fermé l’œil. Même avec la porte de la chambre fermée, on se levait constamment pour aller couvrir un petit pied sorti des couvertures. On touchait au bébé toutes les heures pour s’assurer qu’il n’ait pas froid. On riait tous les deux, dans le noir, parce que le fou rire nous guette chaque fois qu’il ne faut pas faire un son. Même si on est des adultes… Nous aussi, on avait envie de rigoler comme des enfants. On pensait à nos jeunes années dans la crise du verglas et nos cœurs d’enfants savaient qu’on était en train de créer de beaux souvenirs pour nos petits.

Puis, le matin venu, on a pu constater que l’électricité n’était toujours pas revenue… Il faisait 10 °C au rez-de-chaussée. On a pu remplir le bain de bébé avec assez d’eau chaude pour se laver sommairement. On a laissé les enfants dans la bulle de chaleur de notre chambre. Ils ont joué à des jeux de société et mangé toutes les collations habituellement réservées aux boîtes à lunch de l’école. Ils étaient bien ! Nous, adultes responsables, sommes descendus pour tenter de limiter les dégâts. Mon mari est parti au sous-sol pour gérer la pompe. La température étant juste au-dessus du point de congélation, l’eau montait dans les sous-sols du voisinage… Il fallait rester bien proche et vider à la chaudière ce qu’on pouvait pour éviter l’inondation. Ça coûte tellement cher, les rénovations. De mon côté, je me suis occupée de vider le contenu des réfrigérateurs. Trier l’essentiel et tout installer dehors, avec des glacières et de la glace pour éviter de perdre de la nourriture, autant que possible. Ça coûte tellement cher, l’épicerie…

Plus la journée avançait, plus nous réalisions que nous allions atteindre le premier 24 heures et que l’électricité n’était pas près de revenir… Nous avons utilisé le bain d’une mamie pour au moins nous laver comme il se doit. Nous avons abusé de tous les restaurants qu’on aime et dont on se prive habituellement. Les assurances nous ont bien avertis qu’ils ne couvraient aucun frais de restauration ou de logement si nous décidions d’aller à l’hôtel… Mais de toute façon, nous ne pouvions pas aller bien loin… Il fallait continuer de guetter la pompe et le niveau de l’eau dans le sous-sol de la maison.

Dans ma petite municipalité, les gens sont extrêmement généreux. Plusieurs proposaient de se regrouper pour manger ou pour se réchauffer près d’un foyer. Un homme passait dans la rue, d’une maison à l’autre, pour proposer de brancher sa génératrice sur les pompes et sauver le maximum de maisons. L’électricité n’est revenue que le surlendemain soir. Les enfants ont même eu congé d’école. Leur école s’est transformée en centre d’urgence, parce que bien des familles ont vu leur maison inondée.

Oui, on a vécu de l’angoisse. On a eu peur que le bébé ait froid. On a eu peur de perdre des milliers de dollars de viandes congelées. On a eu peur que notre belle maison soit inondée. On a eu peur de manquer d’argent pour tout payer, juste avant Noël. On a eu peur que nos soucis d’adultes prennent le dessus.

Mais ce n’est pas cette angoisse qui a pris le dessus.

On a vu tellement de générosité et d’entraide. On a vu des sourires et des gens prêts à tout pour aider les autres, sans rien attendre en retour. On s’est collés, tous ensemble, plus que jamais. On s’est gardés au chaud, sur nos corps et dans nos cœurs. On a ri, on a joué. Le temps s’est figé, juste pour nous. Juste pour qu’on profite de nous. Et nos enfants raconteront à leurs enfants la fois où ils auront manqué d’électricité… et peut-être que comme nous, ils auront un fou rire en pleine nuit en y repensant. Parce que parfois, le cœur léger d’un enfant pèse bien plus que les lourds soucis d’un adulte. Et ça doit être ça, revenir à l’essentiel.

Joanie Fournier

 

Cette photos jamais prise – Texte : Nathalie Courcy

Si des vidéos existent de mon enfance, elles ne se sont pas rendues jusqu’à moi. Je n’ai pas d

Si des vidéos existent de mon enfance, elles ne se sont pas rendues jusqu’à moi. Je n’ai pas d’enregistrement de la voix de mes grands-parents ou de mon père. J’ai quelques photos, heureusement, puisque mon père aimait bien photographier notre quotidien quand il revenait de sa nuit de patrouille. Mais lui était derrière l’appareil, pas devant.

J’ai des tonnes de photos de mes enfants. Tous les anniversaires, toutes les premières fois, les sourires « pas de dents », la rentrée scolaire, la visite chez le dentiste. Comme si je m’étais vengée en documentant à outrance leur enfance.

Mais plus le temps passe et plus je me rends compte que je suis rarement sur les photos. Bien sûr, puisque je suis derrière l’objectif. Je me disais qu’eux grandissaient, contrairement à moi qui restais la même (vraiment ?). Un beau bébé joufflu cache si bien une maman un peu bedonnante et honteuse ! J’apprends tranquillement à me laisser photographier, à être le centre de l’attention d’une lentille.

Quand je suis montée sur la scène de l’auditorium de l’Université Laval pour recevoir mon doctorat en littérature, je me sentais fière, nerveuse (ne pas trébucher, ne pas faire de sourire niaiseux, ne pas dire d’imbécilités au recteur…), accomplie. Réussir des études doctorales prend des années, mais recevoir le diplôme ne prend qu’un instant. « Nathalie Courcy », le nom est nommé, félicitations, poignée de mains, merci. That’s it, on passe à un autre appel.

Les lumières devant la scène m’aveuglaient, le reste de la salle était plongé dans la noirceur, il y avait des centaines de personnes, placées en ordre alphabétique. Un vrai troupeau. Mais dans le troupeau, il y avait ma toge, mon diplôme et moi. Et mon bébé de quelques semaines que j’ai allaitée à 42 degrés Celsius sous ma toge (doctorat ou pas, bébé avait faim !).

J’aurais aimé qu’on immortalise ces moments. Je crois vaguement qu’une ou deux photos ont été prises, de piètre qualité. Floues, sombres, prises à la va-vite. Disons que ça ramène les deux pieds sur terre quand tu as l’impression que ce moment grandiose pour toi ne l’est pas pour les autres. À bas tout snobisme potentiel.

J’aurais aimé offrir mon plus beau sourire de femme qui a vaincu l’Everest des études et de l’infertilité. J’aurais aimé que cette photo témoigne de la force de la persévérance et du travail. J’aurais aimé qu’il reste une image de mon bébé dans sa plus jolie robe et de moi dans ma plus jolie toge.

J’ai un vague souvenir, aussi, d’une fête organisée à la maison après la cérémonie de remise des grades. Je ne me souviens pas trop si c’était en mon honneur ou en l’honneur de ma fille. Quelques amis y étaient, ma mère, mon mari, mes enfants, ma belle-famille. J’hallucine peut-être, mais je ne crois pas que des photos aient été prises. J’utilise volontairement le mode passif parce que je ne pouvais pas prendre ces photos. Entre un allaitement et un remerciement, j’étais probablement trop occupée, et la mode des égoportraits n’était pas encore lancée.

J’aurais aimé conserver des photos de toutes les personnes présentes. J’aurais aimé avoir une preuve concrète que j’étais aimée et entourée. J’aurais aimé ne pas devoir me demander si j’avais rêvé ou si c’était vraiment arrivé.

J’ai compris une année plus tard qu’au moment de recevoir mon doctorat, j’étais déjà en dépression. Je ne le savais pas, personne ne s’en doutait. Je ne sais pas si cet état aurait été visible sur la photo ou si ma fierté du jour aurait tamisé la noirceur qui me grugeait. Je sais par contre que ma perception du monde commençait déjà à être altérée et que des pans de ma mémoire ont été affectés. Je sais aussi que mon sentiment de ne pas être assez importante pour mériter une photo a joué un rôle dans la chute de mon estime personnelle. Tout ça pour une photo jamais prise.

 

Nathalie Courcy

http://nathaliecourcy.ca