Les premières fois – Texte: Ghislaine Bernard

Vous rappelez-vous votre premier amour ? Votre premier baiser ? Ces papillons dans l’estomac qui vous prennent d’assaut pour la toute première fois ? Je me rappelle que ça donnait l’impression de voler, d’être unique dans notre histoire, même si depuis que le monde est monde, les rapprochements ont toujours été. Quand ça nous arrivait à nous, c’était magique.

Les battements de cœur qui s’accélèrent, l’impression d’être dans un monde à part. La peur. Celle que tout s’arrête, celle de se faire prendre, comme si c’était interdit. Cet attrait de la nouveauté qui nous rendait tout chose.

Je suis mère, trois fois. Un grand adolescent de treize ans, une de douze et mon petit dernier qui a tout juste neuf ans. Je m’aperçois que les premières fois pour mes deux « grands » sont à ma porte. Ouvrir le dialogue est parfois si facile, mais à d’autres moments, c’est un mur de béton armé qui nous attend. Les jeunes savent. Ils savent que ça existe, ils savent beaucoup plus sur la sexualité qu’on ne le croit. Mais nous portons toujours cette crainte qu’ils ne la vivent pas, comment dire, « correctement ».

C’est quoi, vivre les débuts de la vie intime « correctement » ? J’essaie de me rappeler comment je me sentais à mes premiers pas dans ce nouveau monde. Mon premier baiser a été tôt, un peu avec ce sentiment que je « devais » le faire. Ce n’était pas « correctement ». Je n’ai pas aimé. Je me rappelle que j’avais même été dégoûtée ! J’avais de la salive partout sur le menton, presque jusqu’au nez. Il faut avouer que mon vis-à-vis était tout aussi barbouillé ! Par la suite, j’ai été longtemps à ne pas retenter l’expérience et de toute façon, le jeune homme de mon premier baiser m’avait laissée tomber devant mes refus répétés.

Puis, je me rappelle ce grand ténébreux. Nous avions failli nous embrasser, mais la gêne avait pris le dessus. J’étais en cinquième année. Bien maladroits tous les deux, suite à une partie de « tag BBQ », nous devions nous embrasser, je voulais de l’intimité, il a accepté. Mais au final, nous avons reculé. Ça n’a pas abouti à une relation amoureuse non plus ! La pression était forte au secondaire. La première fois ne se limitait plus à embrasser avec la langue. Ç’a été très maladroit, très… ordinaire. Mais je n’en tiens pas rancune : nous étions tous les deux complètement innocents.

Alors les discussions avec mes grands sont un peu maladroites. Lorsque je parle sérieusement, ils sont mal à l’ase. Lorsque je blague, ils sont gênés et pensent que je me moque d’eux. Quelles sont vos méthodes de discussion ? Je suis une maman ouverte, je n’ai jamais fait de cas sur n’importe quel sujet. Mais malgré que je pensais bien m’en sortir, je me questionne.

Je parle du respect de l’autre, de soi. De la patience, mais aussi de la hâte. Je parle et j’écoute. Je souligne que je suis là au besoin. Que je ne juge jamais, je ne l’ai jamais fait de toute façon, ils le savent. Mais j’ai l’impression qu’autant ils me racontaient tout, autant qu’ils hésitent. Pour ma part, il ne me serait pas venu à l’esprit de discuter de tout ça avec ma mère à cet âge ! Mais justement : j’ai tout mis en place pour qu’ils se sentent bien et libres d’en parler. Alors je me dis : je leur répète ma disponibilité et j’attends. Mon respect va aussi dans le sens de respecter leurs silences.

Mais j’espère que tout se passera bien pour eux lorsqu’ils seront rendus à ces étapes. Je n’y peux rien, mais j’ose avoir la certitude de leur avoir inculqué des valeurs sûres. J’espère que ce sera simple pour eux et que ce passage se fera selon leurs attentes.

Vous qui l’avez vécu, qui le vivez… qu’avez-vous à me conseiller ?

 

Simplement, Ghislaine



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