Lettre à mon ex-beau-frère

Ça fait des années que je ressens un malaise envers toi. Des années à ne pas t’apprécier sans mettre le doigt sur ce qui cloche. Pourquoi mon sixième sens est en alerte en ta présence, je ne le sais pas, mais j’ai appris à toujours me fier à mon sixième sens. On m’accuse de juger trop vite, d’être de mauvaise foi, d’être bête et sauvage, mais quelque chose cloche, je le sens. Neuf années à me poser des questions pour que finalement, le chat sorte du sac : tu es un délinquant sexuel, rien de moins!

Le secret a été bien gardé par ta conjointe, maintenant ex-conjointe, pendant des années. Elle t’a appuyé dans les démarches judiciaires, elle a eu un suivi psychologique, puis finalement, elle a craqué et t’a laissé. Ce n’est qu’alors que tout a été révélé au grand jour. En 2014, tu as été reconnu coupable d’incitation à des actes sexuels et d’attouchements sur une adolescente de moins de seize ans. Le jugement de la cour est clair : tu ne dois pas être seul en présence de mineurs.

TU as contrevenu à cette règle à maintes reprises dans des réunions de ta belle-famille. TU savais que tu ne devais pas être le seul adulte présent avec des enfants et ta conjointe de l’époque aussi le savait. MES enfants ont été seuls en ta présence à maintes reprises et TU savais que cela ne devait pas arriver, mais TU as quand même agi comme si de rien était. Ton ex-conjointe le savait aussi et elle t’a laissé faire. Son neveu et sa nièce, MES enfants, ont été en contact avec toi, seuls, et ils n’auraient jamais dû l’être.

Tu es toi-même père d’un petit garçon. Comment réagirais-tu à ma place en ce moment? Peux-tu imaginer toute la colère que j’ai envers toi? MES enfants, la prunelle de mes yeux, ont été en contact avec toi, ils ont joué seuls avec toi dans un sous-sol loin de tout le monde. As-tu une idée de ce qui me passe par la tête? Tu connais mon caractère, tu sais que je ne suis pas douce dans mes propos, alors tu peux très bien te faire un portait plus ou moins exact de ce qui se passerait si jamais tu croisais mon chemin.

Je vais être honnête avec toi, depuis que je sais ce que tu as fait, je suis torturée entre l’idée d’appeler ton agent de probation pour lui dire que tu n’as pas respecté certaines conditions et me taire. Une once de sympathie envers toi? Pas du tout! Si je me tais, c’est parce que ton fils de cinq ans est déjà assez affligé par la séparation de ses parents. Si je te dénonce, sa mère aussi va être dans l’eau chaude et ton fils sera seul et placé dans une famille d’accueil. Si je me tais, c’est pour lui qui a assez souffert de la situation, aucunement pour toi.

Je manque de mots et pourtant, j’ai le verbe facile. Je me félicite de n’avoir jamais abdiqué lorsque tout le monde me disait que j’exagérais et que tu étais un bon gars dans le fond, juste un peu trop naïf, et que je devais te donner une chance. J’ai un sale caractère, je ne donne pas ma confiance facilement et je me félicite aujourd’hui pour cela. Refais ta vie si tu le peux, et ne me croise jamais, encore moins mes enfants.

Eva Staire



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