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L’endroit où je suis le plus (chez) moi – Texte: Nathalie Courcy

On me demande parfois quel est l'endroit que j’ai visité ou l'endroit où j'ai habité et que jâ€

On me demande parfois quel est l’endroit que j’ai visité ou l’endroit où j’ai habité et que j’ai préféré.

J’ai vécu jusqu’à maintenant dans 12 maisons et 5 appartements, sans compter les lieux où j’ai séjourné pendant plusieurs mois à l’étranger (Israël, Burkina Faso, France). J’ai habité en Alberta et au Québec et j’ai séjourné dans une vingtaine de pays. Pré-pandémie, je passais plusieurs semaines par année dans les autres provinces. On pourrait croire que je suis sans racines, mais je crois plutôt que je m’enracine facilement.

L’endroit où je me sens le mieux ne porte toutefois pas le nom d’une ville ou d’un pays. Il porte le nom de mes enfants. Oui! c’est dans les bras de mes enfants que je me sens le plus chez moi. Quand mes quatre poussins sont collés autour de moi, qu’on rit, qu’on jase, qu’on se confie, qu’on est, tout simplement. Ça sent l’amour, ça sent la famille, ça sent l’authenticité.

Qu’on soit autour d’une table, d’un feu, d’un jeu ou d’un film, notre complicité illumine à des milles à la ronde. On a notre propre dictionnaire, notre encyclopédie d’insides, nos souvenirs communs qui sortent de l’ordinaire, nos regards codés. On sait jusqu’où on peut aller et quelle est la limite de chacun.

On complète nos phrases, on rit (ou pas) de nos jeux de mots, on se tape rarement sur les nerfs et quand ça arrive, on se connaît assez pour respecter nos bulles, celles qui nous poppent au cerveau et celles dans lesquelles on se réfugie.

C’est avec mes enfants que j’ai tenu à refaire mon nid il y a quelques années quand mon noyau amoureux est parti au vent. J’ai tenu à créer avec eux un foyer douillet et original, à notre image, à notre rythme. J’ai tenu à ce que chacun y trouve sa place et à ce que moi aussi, j’y aie mon espace. J’ai choisi un endroit évolutif où tout le monde pourrait progresser, avancer et reculer selon ses besoins, ses choix et son moment présent. Un nid où ils se sentiraient enracinés et non enchaînés.

C’est auprès de mes enfants que je suis le plus « moi » dans toutes mes cellules. C’est avec eux que je n’ai pas besoin de m’expliquer. Que je peux m’exprimer totalement, dans mes exagérations, dans mon humour, dans mon amour, dans mes trop et dans mes pas assez. C’est avec eux que je grandis le plus et c’est avec eux que je me sens le plus constamment utile et pertinente. Même leurs yeux faussement exaspérés me rendent heureuse, parce qu’ils me prouvent qu’ils s’autonomisent et deviennent eux-mêmes.

Un jour, on ne vivra plus dans le même espace physique. Et toujours, nous partagerons une même âme.

Nathalie Courcy

Merci mes amis — Texte : Arianne Bouchard

Je suis une personne de nature solitaire. Je n’ai que très peu de gens que je considère véritab

Je suis une personne de nature solitaire. Je n’ai que très peu de gens que je considère véritablement comme des amis, mais tous sont exceptionnels. Ce genre de relation spéciale où nous ne nous voyons pas sur une base régulière, mais que chaque fois, c’était comme si on ne s’était jamais quittés.

Je ne considère pas que je suis une personne facile. Je suis vraiment intense, dans tout ce que je fais, mais surtout au niveau émotionnel. Quand je pleure, il y aurait suffisamment de larmes pour irriguer tout un fleuve, quand je ris, il y aurait suffisamment de chaleur pour réchauffer le cœur de tout un village et quand je suis en amour, c’est par-dessus la tête, par-dessus les montagnes, bref, par-dessus TOUTE. Et malgré tout, mes amis sont toujours là et ils m’aiment pareil. C’est curieux ? Non. C’est merveilleux.

Ces gens que j’appelle « amis » se soucient suffisamment de moi pour me dire la vérité en toute circonstance. En plus de me dire quand j’ai de la salade entre les dents, que je suis mal habillée ou que mon rouge à lèvres déborde, ils n’hésitent jamais à me faire des commentaires constructifs sur ma propre personne et je les en remercie. Il n’y a pas mieux que de se faire critiquer avec amour pour apprendre à s’améliorer et devenir chaque jour une meilleure personne. Merci, de m’aider à devenir une meilleure version de moi-même !

Enfant, j’avais plein d’amis. Avec le temps, avec la maturité devrais-je dire, j’ai appris que les amis ne sont pas que des personnes avec qui on s’entend bien et que l’on connait. L’amitié, c’est au-delà de tout cela. C’est un sentiment réciproque d’affection, de sympathie qui ne se fonde ni sur la parenté ni sur une attirance physique. Ben oui, je l’ai cherché dans le dictionnaire ! Un ami, c’est comme le frère ou la sœur que tu n’as jamais eu, ou que si comme moi t’as pleins de frères et sœurs, la version parfaite du frère ou de la sœur que t’aurais aimé avoir. Ne vous méprenez pas, je ne changerais mes frères et sœurs pour rien au monde, disons simplement que mes amis sont un bonus, comme une extension de ma famille.

J’ai aussi compris avec l’âge, l’essentiel pour une bonne relation d’amitié : la règle des 3 C : Confiance, Complicité et Conneries.

Pour qu’une relation d’amitié fonctionne, il faut se faire confiance mutuellement. Sans nécessairement TOUT se dire, il faut être capable de ne pas se mentir et se dire les vraies affaires, quand il le faut. Cela inclut notamment, mais non limitativement, de dire à ta meilleure amie quand tu penses qu’elle mérite mieux que son nouveau chum, qui s’attarde plus à ses fesses qu’à la traiter comme une princesse.

Il faut également être complices. Pas nécessairement des partenaires de crimes au sens littéral comme Thelma et Louise, non. Être complices, c’est avancer ensemble et s’entraider. Je tombe, tu me relèves et tu tombes, je te relève, non pas sans avoir ri un peu au passage.

Il faut aussi des conneries et au sens large du terme. Des conneries, comme quand à trois heures du matin, bien arrosés de Tequila, vous décidez de faire des prank call comme des enfants de la petite école ou que vous vous partagez des insides vaseuses et que les gens aux alentours ne comprennent pas pourquoi vous êtes pliés en deux pis en quatre à rire aux larmes. Les conneries, ça comprend aussi appeler son ex, pendant cette même soirée arrosée de Tequila et avoir ton ami à tes côtés qui est là pour ramasser les petits bouts de ton cœur brisé. Les conneries, c’est toujours un peu stupide, mais pas toujours agréable.

Mes amis, merci d’être ces personnes incroyables qui me soutiennent quand le monde s’écroule autour de moi. Merci d’être plus que des ombres dans ma vie, et d’être là dans la noirceur comme dans la lumière. Merci de doubler mes joies et de réduire mes peines de moitié. Merci de me laisser me plaindre, faire de longs monologues et de toujours être là quand même. Merci de ne pas partir en courant quand vous me voyez arriver avec la charrue avant les bœufs avec mes idées. Merci de me laisser me confier. Merci d’être dignes de confiance.

Le temps m’aura, certes, fait perdre des amis, mais il m’aura montré qui sont les vrais. Comme j’aime à vous le dire sans cesse, vous êtes mes étoiles. Je ne vous vois peut-être pas toujours, mais je sais que vous êtes là.

Je ne suis peut-être pas riche littéralement parlant, pourtant j’ai l’impression de l’être, car j’ai des amis en or.

Arianne Bouchard

Baume pour le cÅ“ur de maman à côté de ses souliers – Texte : Jessica Archambault

L’été est beau, rempli de baignades, de crème glacée, de soleil et du rire de nos p’tits gar

L’été est beau, rempli de baignades, de crème glacée, de soleil et du rire de nos p’tits gars (3 et 5 ans). Mais cette année, l’été est aussi intense et plus difficile pour moi. Pour plein de raisons. Ça arrive. On travaille là-dessus, on place des choses, on en adoucit d’autres. Ça revient tranquillement, pour l’arrivée de bébé 3.

Généralement, quand ça ne va pas, j’arrive à ne pas le faire subir à mes enfants. Mon énergie positive leur est réservée. Leurs câlins, leurs histoires qui n’en finissent plus, leurs blagues et leurs folies sont plutôt efficaces pour me sortir de ma tête et me ramener dans le moment présent, pleinement avec eux.

Il y a quelques semaines, en revanche, lors d’une de mes soirées solos, ça n’allait pas. Les enfants étaient terribles, mes interventions n’étaient pas adéquates, j’étais impatiente, les maux de grossesse pesaient lourd… Je l’ai échappé. J’ai haussé la voix et donné une conséquence que j’ai sue exagérée la seconde après l’avoir donnée.

Ils se sont donc retrouvés dans leur chambre, qu’ils partagent, après le bain, sans moi. Je prenais un temps pour me ressaisir avant d’aller les voir pour m’excuser, nuancer ma réaction et finir ça sur une bonne note avant qu’ils s’endorment. J’ai horreur de les laisser aller au lit sur une note négative ; c’est impossible pour moi, même quand je suis à bout.

Alors que je prenais quelques respirations en me trouvant poche et en me faisant un petit discours d’encouragement, je les ai entendus… et mon cœur s’est apaisé d’un coup.

Ils ont commencé leur routine habituelle ensemble. Se choisissant de courts livres qu’ils connaissent par cœur, ils se sont « lu » à tour de rôle une histoire, se sont chanté une chanson l’un après l’autre, collés dans le lit du plus petit, ils se sont choisi des rêves… Tout ça dans le calme et la douceur.

Je les ai laissés aller, le cœur rempli, la larme à l’œil, l’oreille tendue pour me remplir le cœur de cette douceur. J’ai réussi à me dire que même si ma soirée avait été moche, même si j’avais été loin de la maman que je veux être et que je suis habituellement, ce soir-là, on a réussi quelque chose avec nos gars.

Nos boules d’énergie intense, grands amateurs de lutte gréco-romaine-qui-finit-presque-toujours-par-un-qui-pleure, sont également sensibles et empathiques. Ils s’aiment fort et prennent soin l’un de l’autre.

Est-ce qu’ils ont senti que maman avait besoin d’une pause ? Est-ce qu’ils ont senti qu’ils avaient besoin l’un de l’autre ? Je ne sais pas trop ce qui s’est passé dans leur cœur et dans leur tête ce soir-là, mais les voir se retourner l’un vers l’autre quasi instantanément, avoir le réflexe de faire équipe et s’appuyer l’un sur l’autre, ça m’a émue. C’est exactement pour des moments comme ceux-là que je trouve la fratrie si précieuse. Ils savent qu’ils peuvent compter l’un sur l’autre, déjà.

Je suis ensuite allée les voir pour les coller, les aimer et revenir sur la soirée.

On a pu tous s’endormir le cœur léger, mais mes gars ne savent pas à quel point ils m’ont rempli le cœur et adouci les tourments ce soir-là.

Il nous arrive tous d’être à côté de nos souliers, de ne pas être fiers de nos réactions, mais se rappeler nos bons coups et nous recentrer sur l’amour de nos p’tits, ça aide à remettre les choses en perspective.

 

Jessica Archambault

 

Complicité du soir

Ce soir, j’ai couché mes enfants trop tard. J’étais bien inten

Ce soir, j’ai couché mes enfants trop tard. J’étais bien intentionnée, pourtant ! Mais l’heure a filé sous mon nez. Pourquoi, me direz-vous, ai-je donc négligé l’heure du coucher ? En plein milieu de semaine… crime de lèse-majesté, OMG ! Jetez-moi en prison, ça presse.

Ce soir, j’ai couché mes enfants plus tard que d’habitude. Même les petits, remplis de leur besoin de dormir pour bien grandir et bien apprendre. J’ai osé défier la loi inébranlable de la routine du dodo. Tic tac tic tac… pendant combien de jours leur humeur sera-t-elle hypothéquée, ma foi !

Ce soir, j’ai couché mes enfants plus tard, parce que. Oui, oui, parce que. Parce qu’on avait le goût de se coller, bien empilés au milieu des doudous. Parce qu’on a pris le temps de lire un chapitre, puis un autre, et encore un autre. Et même un autre livre. Au complet celui-là. Sens dessus dessous. En plus d’avoir regardé le film en fin de semaine. Un peu accroc, me direz-vous ! C’était à la demande des enfants. Et au bonheur de maman.

Une chose en entraînant une autre, on a jasé d’émotions. De cerveau. Du fait que les mamans et les papas aussi ont des émotions. Qu’une maman fâchée, ça se peut, et que ça n’a pas nécessairement l’air du personnage de Colère enflammé et prêt à tout détruire. Une colère, c’est comme le reste, ça peut s’exprimer sainement.

On s’est dit que le dégoût et la peur peuvent sauver des vies. Sans eux, vous mangeriez de la viande restée sur le comptoir pendant des jours et vous traverseriez les boulevards sans regarder des deux côtés. Elles sont utiles, les émotions !

On s’est rappelé une de mes idées fétiches : une émotion qu’on n’exprime pas, ça pourrit en dedans et ça finit par puer le vieux fromage pourri. Aussi bien la laisser sortir avant que ça empeste !

On s’est aussi rappelé que même la joie, ça peut casser des fenêtres et briser des cœurs. « T’sais maman, la fois où j’étais trop excité et que j’ai cassé mon jouet en le lançant… ». Oui, je sais. Tu t’étais laissé emporter par un débordement d’émotion. Et tu as été bien triste juste après.

« Et toi, quelle émotion ressens-tu le plus souvent ces temps-ci ? »

« De la joie, beaucoup de joie ! Mais à l’école, un peu de tristesse aussi, parfois. Mais je n’ai pas le goût d’en parler. »

« C’est bien correct, tu sais. Je suis là si tu veux en parler à un autre moment. Ton professeur et ta sœur aussi. »

Et la tristesse ? Elle a sa place dans l’histoire ? C’est désagréable, la tristesse. C’est moche. Mais c’est temporaire.

« Tu te souviens quand tu as été triste l’autre jour ? Qu’est-ce qui t’a aidé à passer par-dessus ta peine ? »

« Ben… je suis allée te voir pour en parler, et tu m’as aidé à réparer mon jouet. »

Voilà. Tout est dit. Une émotion, on la ressent, on l’observe, et on agit. Ou pas.

Ce soir, au milieu des doudous, il y avait mes petits minous chéris qui avaient peut-être plus besoin de se coller et de jaser d’émotions que de dormir 30 minutes de plus.

Ils ont à peine eu le temps de se rendre à leur oreiller qu’ils dormaient déjà, apaisés par une conversation toute simple, cœur à cœur, accompagnée de plein de colleux réconfortants.

Ce soir, la tristesse, la colère, la peur, la joie et le dégoût avaient droit de cité dans nos mots. Mais je peux vous jurer que mes cocos se sont endormis avec la joie au cœur. Et moi aussi, je m’endormirai avec l’impression de bercer mes chatons en leur disant des mots doux.

Nathalie Courcy

Une tranche de vie familiale

Ça s’est passé en 2011.

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Ça s’est passé en 2011.

La cadette (4 ans) est arrivée à la cuisine la première ce matin. Pour déjeuner, elle m’a demandé du gruau. Je lui ai donc préparé un délicieux bol de gruau. L’aînée (7 ans) est arrivée quelques minutes plus tard. Pour son déjeuner, elle a choisi des céréales fruitées (des Froot Loops®, pour ne pas les nommer). 

À la vue des petits anneaux colorés dans le bol de sa sÅ“ur, la cadette a aussitôt repoussé son bol de gruau et a demandé à avoir la même chose. J’ai alors appuyé sur le bouton « Play » de la fameuse cassette : « Neu-non mademoiselle, on ne gaspille pas la nourriture. Tout à l’heure tu m’as demandé du gruau, alors c’est ça que tu vas manger pour ton déjeuner. » Fin de la discussion. 

La cadette a chigné, puis rechigné. Elle n’était pas du tout contente. Grosse injustice. Ça sentait la poursuite parentale. Le rouspétage a continué. Je suis disparu quelques secondes dans le garage pour aller chercher un sac de lait dans notre deuxième frigo (détail : la porte pour accéder au garage était adjacente à la cuisine). Pendant ma brève disparition, le rouspétage dans la cuisine s’est arrêté subitement. « Hum, bizarre… », me suis‑je dit. Il y avait anguille sous roche.

En tant que parent (et propriétaire d’un golden retriever très gourmand), mon ouïe s’est habituée à déceler les silences inhabituels. Quand il n’y a plus de bruit dans la maisonnée, c’est habituellement parce que quelque chose de louche est en train de se produire. Je suis retourné à la cuisine. L’aînée et la cadette étaient muettes et me regardaient avec un air qui voulait dire « on n’a rien fait papa, pourquoi tu nous regardes comme ça ? » La cadette mastiquait avec la bouche bien fermée. Et étrangement, ses deux mains étaient cachées sous la table. 

J’ai fait comme si de rien n’était, tout en l’observant du coin de l’œil. Puis, sa main droite est sortie du dessous de la table pour aller mettre quelque chose dans sa bouche. « Ha-ha! », ai­‑je crié. Surprise, elle s’est retournée tout en continuant à mastiquer. T’sais, comme si je ne comprenais pas ce qui venait de se passer. Pour que sa jeune sœur arrête de chigner, l’aînée lui avait donné une poignée de Froot Loops de la boîte. La cadette les cachait sous la table et les mangeait un à un, le plus discrètement possible. Kin toé papounet, on t’a eu.

Ça, j’appelle ça une belle complicité entre mes deux filles.

Et vous ? Vos enfants sont-ils complices entre eux ?

Martin Dugas

Lettre à mon ex-beau-frère

Ça fait des années que je ressens un malaise envers toi. Des anné

Ça fait des années que je ressens un malaise envers toi. Des années à ne pas t’apprécier sans mettre le doigt sur ce qui cloche. Pourquoi mon sixième sens est en alerte en ta présence, je ne le sais pas, mais j’ai appris à toujours me fier à mon sixième sens. On m’accuse de juger trop vite, d’être de mauvaise foi, d’être bête et sauvage, mais quelque chose cloche, je le sens. Neuf années à me poser des questions pour que finalement, le chat sorte du sac : tu es un délinquant sexuel, rien de moins!

Le secret a été bien gardé par ta conjointe, maintenant ex-conjointe, pendant des années. Elle t’a appuyé dans les démarches judiciaires, elle a eu un suivi psychologique, puis finalement, elle a craqué et t’a laissé. Ce n’est qu’alors que tout a été révélé au grand jour. En 2014, tu as été reconnu coupable d’incitation à des actes sexuels et d’attouchements sur une adolescente de moins de seize ans. Le jugement de la cour est clair : tu ne dois pas être seul en présence de mineurs.

TU as contrevenu à cette règle à maintes reprises dans des réunions de ta belle-famille. TU savais que tu ne devais pas être le seul adulte présent avec des enfants et ta conjointe de l’époque aussi le savait. MES enfants ont été seuls en ta présence à maintes reprises et TU savais que cela ne devait pas arriver, mais TU as quand même agi comme si de rien était. Ton ex-conjointe le savait aussi et elle t’a laissé faire. Son neveu et sa nièce, MES enfants, ont été en contact avec toi, seuls, et ils n’auraient jamais dû l’être.

Tu es toi-même père d’un petit garçon. Comment réagirais-tu à ma place en ce moment? Peux-tu imaginer toute la colère que j’ai envers toi? MES enfants, la prunelle de mes yeux, ont été en contact avec toi, ils ont joué seuls avec toi dans un sous-sol loin de tout le monde. As-tu une idée de ce qui me passe par la tête? Tu connais mon caractère, tu sais que je ne suis pas douce dans mes propos, alors tu peux très bien te faire un portait plus ou moins exact de ce qui se passerait si jamais tu croisais mon chemin.

Je vais être honnête avec toi, depuis que je sais ce que tu as fait, je suis torturée entre l’idée d’appeler ton agent de probation pour lui dire que tu n’as pas respecté certaines conditions et me taire. Une once de sympathie envers toi? Pas du tout! Si je me tais, c’est parce que ton fils de cinq ans est déjà assez affligé par la séparation de ses parents. Si je te dénonce, sa mère aussi va être dans l’eau chaude et ton fils sera seul et placé dans une famille d’accueil. Si je me tais, c’est pour lui qui a assez souffert de la situation, aucunement pour toi.

Je manque de mots et pourtant, j’ai le verbe facile. Je me félicite de n’avoir jamais abdiqué lorsque tout le monde me disait que j’exagérais et que tu étais un bon gars dans le fond, juste un peu trop naïf, et que je devais te donner une chance. J’ai un sale caractère, je ne donne pas ma confiance facilement et je me félicite aujourd’hui pour cela. Refais ta vie si tu le peux, et ne me croise jamais, encore moins mes enfants.

Eva Staire

Le jour où ma belle-mère est devenue un ange

Notre vie était folle. Entre la fin de session universitaire de mon

Notre vie était folle. Entre la fin de session universitaire de mon homme, notre travail à temps plein, moi qui était enfin travailleuse autonome, les deux enfants, le troisième en route et les rénovations incessantes; il y avait aussi ta maladie. Notre vie était folle, mais la tienne s’éteignait tranquillement.

Deux jours avant, je changeais ta couche.

Tu faisais ta toilette avant d’aller te reposer pour la nuit. Tu avais besoin de quelqu’un pour t’aider, comme tu avais de la difficulté à te tenir debout. Ta fille venait de partir. Ton fils, mon mari, l’aurait fait, sûrement en pleurant par en dedans, mais il l’aurait fait. Je le sais, il me l’a dit. Mais je me suis proposée et tu as accepté. C’était normal, banal, mais tellement dur de te voir aussi vulnérable. Toi, ma belle-mère, cette femme si forte et obstinée.

Les enfants attendaient de l’autre côté de la porte de la salle de bain, de ta « nouvelle maison ».  Ton fils changeait la couche de Sam, pour se changer les idées. Ton Samuel, ton p’tit loulou, le dernier de tes petits-enfants que tu as bercé. Pendant ce temps, moi avec ma bedaine, je m’occupais de toi dans le plus naturel et le plus grand des respects. Toi, la mère de mon mari, que je connaissais depuis mes seize ans, qui m’intimidais tellement à cette époque. Toi qui justement, n’étais pas d’accord à ce qu’il y ait un troisième bébé qui pousse dans mon ventre. Quatre mois plus tôt, tu disais que c’était trop vite, qu’on devrait attendre. Ça me fâchait. Plus tard, j’ai compris pourquoi. Tu savais que tu ne le verrais jamais. Ça, ça te fâchait encore plus.

On t’a ensuite laissée te reposer.

Est arrivé CE jour-là. Tu reconnaissais notre Éloïse qui avait trois ans, mais pas Samuel qui allait fêter ses 2 ans dans deux mois. Et là, j’ai compris que ma belle-mère, celle qui m’avait souvent parfois fait rager tout au long de ces treize dernières années, était déjà un peu partie. Plus les longues minutes de cette journée passaient, plus moi, du haut de mes 29 ans, bientôt maman de trois enfants, je te voyais quitter ton corps, ou plutôt, quitter ta tête. Parce que c’est ta tête et ton cœur qui t’ont menée aussi loin dans ce combat contre ce foutu cancer. Ta tête de cochon et ton cœur rempli d’amour pour tes enfants et tes petits-enfants. Toi, une femme que je voyais tellement entêtée, tu étais avant tout une maman qui s’est dévouée pour tout donner à ses trois enfants, après avoir perdu son mari, décédé beaucoup trop tôt. D’ailleurs, je me suis toujours demandé quel genre de femme tu aurais été si la vie te l’avait laissé. Enfin bref…

Quand j’ai vu mon homme, ton bébé, désemparé à essayer de te faire manger ton spaghetti, je lui ai donné congé. Je t’ai fait manger doucement, j’ai guidé ta main quand ta tête reprenait du service et voulait tout contrôler. Parce que ça, on va se le dire, tu as toujours été contrôlante! Mais ton corps lui, il n’en pouvait plus. La cuillère était trop lourde pour tes bras. Ces mêmes bras qui ont tellement bercé d’enfants et qui les endormaient tous comme par magie. « C’est pas grave Sue, on n’est pas pressées, prends ton temps », que je t’ai dit. Tu m’as regardée, tellement reconnaissante, et tu as juste répondu : « Ah non? Ok, merci! »

Alors on a attendu, on a regardé les fleurs que tu trouvais si belles, qu’on voyait de la fenêtre de ta chambre, de la maison d’Adhémar Dion et on a jasé un peu. Tu m’as reconnue jusqu’à la fin, tu te remémorais des souvenirs qu’on avait partagés ensemble toi et moi, ta belle-fille. Ça me touchait de voir que j’avais une belle place dans ton cœur, même si tu ne me l’avais jamais vraiment dit avant cette longue et effrayante semaine-là. Puis, je t’ai laissée t’assoupir.

J’ai pris soin de toi pareil comme je prenais soin de mes enfants. Comme ma mère et toi m’avez appris à le faire. C’était naturel, difficile, perturbant, triste et beau à la fois. Tu n’as plus jamais remangé suite à ce fameux spaghetti.

C’était une dure et longue journée dans notre vie de fou. De savoir que tu ne verrais jamais ce bébé qui grandissait dans moi, que tu manquerais toutes les futures « premières » de nos enfants; ça faisait mal. Je suis restée avec toi jusqu’à l’heure du souper. C’est tard ce soir-là que tu es partie rejoindre ton homme, en haut sur son nuage. Avec mon amour, ton fils, ton bébé à tes côtés, pendant qu’il bûchait sur son travail de fin session. Malgré toute ta volonté, tu es partie. En laissant un grand vide autour de toi.

Je te reparle de ces moments-là, parce que moi aussi, comme toi, j’ai deux garçons et une fille. Comme toi, je serai une belle-mère un jour. Pis tu sais quoi? Je réalise que moi aussi je suis obstinée et chialeuse. Moi aussi je ferais tout pour mes enfants, comme tu le faisais. Moi aussi, j’ai l’air bête des fois. Alors, moi aussi, je ferai sûrement rager mes futures belles-filles et/ou futurs gendres. Mais si un jour je vis avec eux des moments comme ceux que nous avons partagés, je me dirai que j’aurai réussi. Que comme toi, j’aurai été une bonne belle-mère ! Tant pis si je les fais sacrer, ça leur fera plus d’anecdotes à raconter!

T’as été une maman en or, une mamie exceptionnelle et une belle-mère chialeuse admirable.

Tout ça pour te dire que ce jour-là, en me laissant prendre soin de toi, j’ai compris que souvent, une belle-maman, ça aime autant qu’une maman. Et que je n’oublierai jamais la tendresse de ce difficile moment.