Moi aussi, j’ai peur – Texte : Kim Boisvert

Quand tu m’as annoncé ça, mon cœur a fendu, l’aorte m’a explosé. J’pensais pas que tu vivais ça toute seule, dans ton coin, toi pis ton orgueil de mâle cliché caché sous une brassière paddée. J’ai même un peu perdu pied quand tu me l’as annoncé avec le sourire aux lèvres. Parce que je savais ben que dans ta tête, t’étais ailleurs quand tu me disais ça. Y’a pas un sourire qui pouvait fitter avec tes yeux à cet instant précis où j’ai vu que ce que tu me disais, ce n’était pas ce qui s’en venait, mais tout ce qui pouvait arriver après.

Tu m’as dit que tu pensais y arriver seule, sans en parler, parce que c’est ça que tu fais d’habitude et que ton monde roule très bien comme ça. Entre toi pis moi, t’es plutôt médaillée en mode autruche. Vas-y, cache-toi la tête dans le sable, le fessier pointant vers l’au-delà.

Je le sais que t’as la chienne, mais quand même, prends ton courage, et garroche ta dignité, parce que c’est le temps d’enfiler ta jaquette. J’voudrais te serrer dans mes bras, mais je suis trop bouleversée moi-même par toute cette frayeur dans tes yeux. Ton monde s’écroule et je ne sais que trop pas quoi faire, comment m’y prendre ou t’prendre. Ça m’transperce le corps comme si c’était à moi que ça arrivait. Comme si c’était mon monde à moi qui était mis en mode « pause », le temps de savoir. Savoir la suite, ta suite. Et même la suite, elle est un peu nébuleuse.

Ça a commencé par une partie de jambe en l’air où ton amoureux t’a lancé à la blague que t’avais un mini troisième sein. Une masse grosse comme une fève edamame. Tu m’avais dit en riant que t’avais jamais aimé ça anyway, les fèves vertes de granoles au patchouli. On avait ri fort parce que moi, j’suis ta granole préférée.

Alors pendant que ton corps caché d’un coton d’un look douteux sera le centre d’attraction d’une dizaine de personnes, laisse-moi pleurer parce que moi aussi, j’ai peur.

Kim Boisvert



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