M’avouer vaincue, moi? Nah!

Ben oui, je suis une maudite bornée. Celle qui ne veut jamais perdre la face. Celle qui fera tout pour éviter le pire. Je suis celle qui va sourire en public, mais qui va rager rendue à la maison. Je suis comme ça. 

Je suis aussi celle à qui la vie a enlevé des personnes importantes cette année, mais qui continue de dire que tout va bien. Parce que je suis celle qu’on croit quand je dis que tout va bien. Je ne veux pas m’avouer vaincue et montrer que ça pourrait ne pas aller.

Oh, je suis celle qui dit que ça va avec le confinement ! Oui, je me plains de la perte des festivals, des spectacles et de ma belle culture d’amour qui me manque déjà, mais je ne veux pas m’avouer vaincue si je dis que chaque fois que quelqu’un sort de chez moi, je panique ; que si ma fille revient à la maison sans se laver les mains, c’est l’hystérie en dedans de moi parce que je pense à mon père qui est là avec ses poumons malades. Je voudrais avoir des yeux à rayons X pour scanner tout le monde qui s’approche de ma porte et surtout, je voudrais envelopper mon père dans du papier bulle pour le protéger. 

Je ne veux sûrement pas m’avouer vaincue en lâchant quelques sanglots quand maman m’appelle pour me parler de son boulot et de ses journées épuisantes à s’occuper des personnes âgées atteintes de la maudite COVID‑19. Une maman si extraordinaire, un ange gardien qui a été là toute ma vie pour moi et qui maintenant, met presque sa vie en danger pour les autres. Mais qui s’occupe de maman, aujourd’hui ? Je ne peux pas aller la voir ! 

Je ne veux sûrement pas m’avouer vaincue en disant haut et fort que je ne dors pas depuis le début du confinement ! Mon cerveau est sur le mode puissance maximale ! Il n’a pas compris le concept du repos, lui ! 

Je ne veux pas m’avouer vaincue devant ma fille, si grande, qui pense que tout va bien malgré le confinement, mais au fond, j’ai la chienne ! Qu’est‑ce qu’il va arriver avec ses études ? Elle saura s’adapter mais moi, je gère tout croche ! Je ne suis pas bonne dans ces affaires‑là de gestion d’émotions.

Je ne veux pas m’avouer vaincue en pleurant, en criant ou en disant que tout me rend anxieuse. 

J’ai l’habitude de tout contrôler et pour la première fois de ma vie, je ne contrôle rien. 

Alors je souris et je continue mon chemin en continuant de ne pas dormir, en me demandant quand est‑ce que je vais retourner travailler, de quelle couleur devrais‑je repeindre ma cuisine, quelle autre plante pourrais‑je acheter, est‑ce que je dois repasser à la SAQ ou à l’épicerie ?… Et en me disant que j’ai vraiment hâte de changer d’activité !  

Tania Di Sei



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