Ces petits gestes tout doux

Chaque jour, je reçois des tonnes de câlins de la part de mes enfants. Des câlins coupe-en-deux tellement ils sont forts. Des câlins chatouilles. Des câlins effleurés à l’heure du départ pour le travail. Des câlins ressourçants, qui font monter mon niveau d’énergie en flèche. Des câlins désespérés, qui cherchent à réparer une grosse peine ou à calmer une peur incontrôlable. Même chose pour les bisous. Soufflés, papillon, beaux-rêves, sur-une-joue-et-sur-l’autre-pour-pas-que-l’autre-joue-soit-jalouse. De l’affection à la pelle mécanique, autant de la part de mes plus jeunes encore à moitié dans mes jupes que de la part de mes grandes qui ont un pied et quart dans l’adolescence.

Et bien sûr, l’affection est à double sens : j’en donne tout autant que j’en reçois! Ils ont appris ces gestes quelque part, n’est-ce pas?

Quand je vois mes enfants se donner mutuellement de l’affection, se dire des mots d’amour, se voler un câlin au passage, je trouve ça magnifique. Lumineux. C’est comme mon diplôme de bon parent, parce que c’est ce que je voulais qui arrive. Quand j’imaginais ma famille avant de lui donner naissance, je visualisais un groupe d’êtres humains uniques, différents, mais qui partageaient souvent des petits gestes tout doux et des paroles d’amour.

Et là, c’est le moment où l’affection se répand en dehors de notre cocon. Je ne parle pas de mon coco de maternelle qui saute dans les bras de ses amis dès qu’il les voit le matin. Je ne parle pas de ma grande peanut qui appuie sa tête sur l’épaule de sa grand-maman pour lui dire qu’elle est bien près d’elle. Ni de mon mini qui donne tellement de colleux à la seconde qu’il comblerait les besoins d’affection de n’importe qui pour les douze prochaines années.

Non. Je parle plutôt de cette petite main que j’ai surprise dans la main d’un « ami » promu au rang d’amoureux. Des doigts de ma fille de onze ans qui s’entrelaçaient avec ceux de son amoureux. Je parle de la caresse dans le dos que j’ai cru voir au moment des au revoir. Je parle de la petite tête blondinette qui a trouvé son nid dans le creux de cou de ce jeune garçon si gentil et si doux.

Depuis le début de l’année scolaire, ma cocotte multipliait les noms d’amoureux, jusqu’à en avoir cinq en même temps. C’était plutôt innocent, c’étaient plutôt des amis. Mais elle me disait ressentir les premiers papillons. Elle ramenait à la maison ses yeux remplis d’étincelles et son manque de courage de donner son numéro de téléphone à un de ses chevaliers. Elle rapportait beaucoup d’hésitation accompagnée d’un désir exprimé de vivre l’amour.

Et c’est arrivé. La demande. Veux-tu être mon amoureuse? Oui, bien sûr!

Ils s’entendent bien. Ils jouent beaucoup. Ils rient beaucoup. Ils étudient parfois ensemble. Ils passent plusieurs heures par jour ensemble, parfois seuls, souvent avec d’autres amis. Ou avec mes garçons comme chaperons. Ils font tous partie de la même « gang » malgré la différence d’âge. Déjà un bon signe que c’est un petit gars respectueux! En plus, quand ils finissent de jouer, c’est lui qui rappelle à ma fille qu’il faut ranger. Quel gendre!

Calmons-nous la belle-mèrite… Je vois bien que pour ma fille, c’est une relation importante. Est-ce que ça continuera jusqu’à la fin de l’année scolaire, jusqu’à la fin des vacances? Peut-être, probablement. Il y aura certainement un premier baiser, s’il n’est pas déjà arrivé. Mon œil de maman les trouve mignons dans leur bulle de tendresse. Mon œil de mère veille tout de même. Entre la caresse tendre dans le dos et la main qui descend sur les fesses, il n’y a que quelques centimètres…

Je suis rassurée par le fait que ma fille me dit la vérité ouvertement, sans que j’aie besoin d’enquêter. Je vois bien le papa qui s’inquiète un peu plus, et je crois que c’est bien normal. Notre cocotte est passée de petite fille à jeune ado amoureuse en quelques semaines. Ayant perdu mon papa quand j’étais petite, je n’ai comme référence adulte de ma propre adolescence que le regard de ma mère. Alors j’apprends au même moment mon propre rôle de mère devant la mutation des petits gestes tout doux et mon rôle de partenaire d’un papa qui vit les choses différemment de moi.

Et dans tout ça, je veux surtout laisser à ma fille un espace sain (et tout de même surveillé!) pour vivre ces petits gestes tout doux. En espérant que la tendresse ne cède pas le pas trop rapidement à ce qui suivra. Inévitablement.

Nathalie Courcy



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