Le Slam de la mère à la dérive

Une mère,
remplie de larmes salées,
d’un sentiment amer
D’avoir échoué
Échouée sur l’île de la maternité
Sans outils, sans amis
Où est le guide d’utilisation
Pour faire fonctionner son rejeton

Elle dérive, à la barre de son navire
Elle doit mener sa petite famille
Elle porte en son sein le bonheur des siens
Présidente, directrice générale de l’organisation familiale,
Médecin, infirmière, psychologue, femme de ménage, repasseuse, chauffeuse, cuisinière,
Toujours en overtime, elle n’a pas d’horaire,
Sous payée, exploitée

Des matins, elle voudrait partir, courir, s’enfuir
Ne jamais revenir,
être libre
Mais impossible,
elle a signé à perpétuité,
Emprisonnée dans sa belle maison dorée
Elle les lave, les blanchit, les nourrit
Elle se sent envahie, ensevelie
Sous une montagne de couches, de morve et de bouillie.
Jogging, cheveux sales, cernes qui touchent à terre
Son monde vire à l’envers
Fatiguée, épuisée
Lancez-lui donc une bouée
Elle se noie, elle se noie
Dans le noir qu’elle broie,
Elle est juste submergée par la marée
Qui passe et qui part,
Par les vagues du désespoir.

Elle a le cœur sur la main,
Mais sa main voudrait parfois atterrir sur leurs fesses
Elle le regrette
Et s’enferme dans les toilettes
Pour déverser des torrents de larmes
Sur sa culpabilité, la tristesse dans l’âme

À l’accouchement on l’a déchirée à l’intérieur,
On recoud, et on l’opère,
On la marque au fer

Mais qu’est-ce ça veut dire?
Que son cœur va grandir…
Que sa vie va basculer
Bienvenue au monde,
Au monde de la maternité!

Elle est là en attendant une récompense
Juste un peu de reconnaissance
Au lieu de quoi, un hurlement, une longue plainte,
Un beuglement,
Un « mamannnnnnnnnnnnnn » qui résonne
Dans l’écho de la nuit, du jour
À l’infini
Un « maman » qui a bouffé son prénom
Que ses enfants ont appris par cœur, comme le refrain d’une chanson,
d’un poème
Un refrain pour lui dire qu’ils l’aiment.

Gabie Demers



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