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Je suis un petit chien fou

Imaginez-le, ce petit caniche fou qui saute partout en quête d’at

Imaginez-le, ce petit caniche fou qui saute partout en quête d’attention et de caresses. Ce pitou limite énervant qui saute sur les gens dès qu’ils passent le pas de la porte. Ce pitou trop affectueux qui veut tellement être aimé, mais qui n’a pas les mots pour le dire comme il faut.

Il est cute, à petites doses. À temps très partiel. En garde partagée. Mais à long terme? À temps plein? Oh boy. On a besoin d’un break. Le symbole même du too much. Il est aimable, certes! Parfois adorable! Avec ses petits yeux joyeux, avec son regard piteux. Mais ses yeux attendent trop de ceux qui osent l’aimer.

Un jour, ce pitou prend le bord. Un jour, ceux qui ont succombé à son charme se tannent. Le délaissent. Ont besoin d’air. Ils embarquent le canin dans une voiture. Dans une boîte, pour lui cacher sa destination. Avec des trous pour respirer, quand même. Ils débarquent le canin sur le bord d’une route éloignée. Cachée. Boisée. Et ils repartent en catimini. Peut-être en essuyant une larme. Peut-être en criant « Bon débarras! » Le petit chien fou ne le saura jamais. Silence radio.

Il attend. Tout d’un coup que ceux qui l’ont aimé l’aimeraient encore et qu’ils reviendraient sur leurs pas. Il se dit qu’au moins, il n’a pas été battu. D’autres vivent tellement pire que lui! Il attend.

Il se dit que sûrement, c’est à cause de lui. Sa faute, parce qu’il est trop, parce qu’il est lui. Et parce qu’il est lui, ils ne reviendront pas. Mais il attend. Sagement. Désespérément.

Mais ce chien foufou est si fou qu’à un moment, il s’imagine qu’ils reviennent. Il entend un moteur gronder, une voiture s’approcher. Il court. Comme un chien fou. Il s’enthousiasme : ils sont revenus! Il s’imagine un monde où il ne sera plus jamais abandonné. Un monde où il pourra être lui : un chien un peu foufou et aimé.

Mais non. La voiture ralentit, s’arrête, repart. Un autre chien a peut-être été abandonné, ou un chat. Ils ne sont pas épargnés, eux non plus. Les rejets, ça se fait en plusieurs modèles. Chose certaine, la voiture, ce n’était pas pour le ramener dans son foyer, parmi les siens auxquels il n’appartient plus. Et pourtant, le petit caniche enthousiaste et naïf a accouru vers la voiture, prêt à sauter dans des bras accueillants.

Le petit chien fou est si fou qu’il aurait pu se faire frapper, finir écrasé et oublié. Il finit seulement oublié. Avec son cœur canin écrasé parce qu’il se rend compte, encore une fois, qu’il n’a plus sa place dans les cœurs qui l’ont aimé.

Le petit chien fou, c’est moi. Moi qui aimerais ne jamais cesser d’être aimée, même par ceux qui m’ont fait du mal, même par ceux qui m’ont laissée pour morte sur le bord du chemin. Moi qui voudrais tant que ceux qui m’ont laissé tomber reviennent. Peut-être pour dire « je t’aime », peut-être pour dire « je te demande pardon ». Sûrement pour dire « je t’ai aimée pour vrai ». Même si c’est pour parler au passé.

Mais souvent, je préférerais n’avoir que la conscience d’un chien fou. Ou d’une fourmi. L’inconscience nécessaire pour éviter de me rendre compte que mon attitude de chien fou trop rempli d’espoir est ridicule. Que je m’autodétruis à force d’espoirs qui ne s’accompliront pas. Peut-être que ça m’éviterait de me taper sur la tête parce que je me sens piégée dans ce pattern malsain. Maudite dépendance! Maudit besoin d’amour et d’amitié! Je suis mal faite, même si je comprends ce qui m’a ainsi faite.

Un jour, pitou fou trouvera son no-nos. Et le gardera.

 

Nathalie Courcy

Le peau à peau, c’est pas juste bon pour les bébés

Samedi matin moelleux, blottis sous les chaudes couvertures, on se r

Samedi matin moelleux, blottis sous les chaudes couvertures, on se réveille doucement, les souvenirs encore embrumés de la nuit. Je relève le chandail de mon amoureux « Mmm… Je voudrais un peu de peau à peau… » C’est devenu une expression familière entre nous deux. On sait bien que se coller à travers un pyjama en flannelette, ça ne fait pas le même effet que se coller sur une peau nue. On a donc joyeusement emprunté cette tournure de phrase aux grands spécialistes de la parentalité et on blague souvent là-dessus ensemble. « Si c’est bon pour les nouveau-nés, ça ne devrait pas faire de tort à deux adultes consentants, non? »

J’ai eu un copain avec qui le peau à peau était presque dangereux. Ce gars-là m’avait expliqué qu’une fois « la machine » partie, il était impossible de l’arrêter, que c’était trop douloureux pour lui. Les démonstrations d’affection étaient risquées avec lui. Je devais toujours me demander si j’étais prête à aller jusqu’au bout. Je devais me méfier de ses caresses et me garder une réserve avec les miennes.

Quand j’ai rencontré le vrai, celui qui allait devenir mon mari, il m’a vite fait comprendre que chaque câlin, chaque contact sensuel, comptait pour lui. Il n’était plus question de m’excuser parce qu’un moment intense ne finissait pas en feu d’artifice. Il ne s’en doutait probablement pas, mais il venait de jeter les bases d’une flamme qui continuerait à brûler après quatorze ans ensemble, justement, parce qu’on n’a pas peur de jouer et de s’allumer.

Il n’y a pas que nos bébés qui ont besoin de chaleur, notre couple aussi. Un doux baiser quand on se retrouve, une main experte qui masse le dos ou l’épaule fatiguée juste au bon endroit, des bras qui nous entourent amoureusement en écoutant un film collés collés… Chaque geste voluptueux compte et transmet son énergie à l’autre. Sans pression, sans intention cachée. Alors, malgré les compresses d’allaitement, les soucis ou la fatigue, de grâce, ne nous privons pas du plaisir de déboutonner le pyjama en flannelette!

Elizabeth Gobeil Tremblay

Le bébé seul dans sa chambre d’hôpital

Ma fille avait deux mois. Tout à coup, rien n’allait plus… Elle

Ma fille avait deux mois. Tout à coup, rien n’allait plus… Elle chignait, se tordait de douleur et pleurait sans arrêt. La théorie de la poussée de croissance a été vite écartée : elle refusait le sein en dehors de son horaire habituel. Elle avait pourtant été si calme et souriante depuis sa naissance… Pas de fièvre. Aucun autre symptôme. Juste un bébé en crise, un petit saule inconsolable. Je l’amène à l’urgence.

On arrive à l’hôpital. Pas trop bondé, étonnamment. Je tends ma fille de deux mois à l’infirmière du triage et lui dis : « Y’a vraiment quelque chose qui ne va pas! Je ne reconnais plus mon bébé. Elle n’arrête plus de pleurer. » J’essaie de ne pas avoir l’air trop paniquée. Mais à l’intérieur, j’ai totalement perdu mes repères. Je déteste les hôpitaux et il faut que mon feeling de maman soit fort en ti-pépère pour que j’y aille! L’infirmière a l’air zéro-convaincue. Pas de fièvre. Pas de symptômes. Elle fait des prises de sang « pour être bien sûre ».

Les résultats sanguins arrivent. Infection urinaire sévère. Les reins sont atteints. On lui donne une chambre. Ma petite poule a deux mois et est allaitée exclusivement. Je ne me pose aucune question et la suis dans la chambre qu’on lui a assignée. La « chambre » se résume à une pièce dans laquelle sont cordées quatre bassinettes, une dans chaque coin. Je me tourne vers l’infirmière et lui demande où je vais dormir… Parce que bébé boit aux deux ou trois heures et qu’il est hors de question que je la quitte des yeux de toute façon. L’infirmière me regarde, l’air désolée, et tente de me rassurer en me disant : « Attendez, je vais vous chercher une chaise. ». Je ne savais pas à ce moment-là que j’allais passer quatre jours à dormir sur cette chaise, à côté de mon bébé.

Dans la chambre, il y avait trois autres mini-patients. L’infirmière m’explique que ma fille se trouve dans la chambre des bébés de moins de trois mois. Notre premier co‑chambreur avait un mois et demi. Sa maman était avec lui. Notre seconde co‑chambreuse avait deux mois aussi. C’était un de ces bébés qui arrivent en paquet de trois (oui, oui, des triplets!) et ses deux autres sœurs avaient déjà eu leur congé de l’hôpital. J’avais peine à imaginer la maman à la maison avec ses jumelles, la tête et les bras pleins, mais le cœur bien vide de ne pas avoir tous ses bébés à la maison avec elle. Les grands-parents se relayaient pour veiller sur la petite triplette combattante et la visitaient tous les jours.

Puis, il y avait ce quatrième bébé. Celui en face du lit de ma fille. Il était branché par plus de fils que je pouvais en compter… Ses machines sonnaient l’alarme trop souvent… Les infirmières tentaient de se relayer pendant leurs pauses pour lui offrir une chaleur humaine. Il avait un peu moins de trois mois. Quand ma fille était endormie, je demandais si je pouvais le prendre aussi. Les infirmières me répondaient gentiment que malgré le gros coup de main que ça aurait pu leur apporter, les procédures interdisaient les parents des autres patients de toucher le bébé, pour assurer qu’il n’y ait pas de contagion. Ma fille avait une infection urinaire, pas la varicelle… Mais la procédure était la procédure.

Je repense à ce bébé, des années plus tard, et j’ai encore mal à mon cœur de maman. Durant les quatre jours de notre séjour, les infirmières et les médecins l’ont ramené à la vie plusieurs fois. Et il était si seul, dans son grand lit froid. La quatrième journée, sa mère lui a rendu visite. Elle est restée vingt minutes environ, s’est informée de son état, sans même le prendre, et est repartie en me parlant du carnaval auquel elle allait assister. J’étais sidérée. Le cœur en miettes. Je ne pouvais pas comprendre. La nuit, en berçant ma fille, je chantais plus fort pour qu’il m’entende. Je me disais qu’il avait besoin d’entendre une voix rassurante, pleine d’amour. Il aurait mérité des câlins à l’infini et de l’amour à profusion. Il avait tous les soins nécessaires, mais sans maman, rien n’est plus pareil… Je racontais mes histoires plus fort, pour que ma voix porte jusqu’à lui. Juste pour qu’il sache qu’il n’était pas seul.

Loin de moi l’idée de juger les actions de la mère. Elle aussi méritait un bébé en santé, rose et tout sourire. Elle était peut-être trop fatiguée ou peinée pour venir… Elle avait peut-être déjà entamé son deuil… Je ne suis pas là pour juger ses compétences parentales ni sa volonté.

Je lève mon chapeau aux infirmières, qui donnaient à ce bébé tellement de soins, tout en étant empathiques et chaleureuses. Elles lui ont donné tout ce qu’elles pouvaient, à travers les contraintes d’horaires et de procédures.

Je ne saurai jamais si ce bébé a survécu. Selon les bribes d’informations que j’entendais, je ne pense pas que ce soit le cas… Je suis revenue chez moi, après quatre jours à dormir sur une chaise, à manger des sandwichs froids et à prendre des douches très sommaires… Et la première chose que j’ai faite, malgré l’heure tardive ce soir-là, c’est prendre mes enfants sur mes genoux, les bercer et leur chanter une berceuse. Parce qu’on ne sait pas ce que la vie nous réserve, et qu’à travers les crises de bacon et les dégâts de lait, on a parfois tendance à oublier la chance qu’on a. La chance de pouvoir serrer nos enfants si forts dans nos bras. La chance de les voir respirer, marcher, courir et découvrir la vie. La chance de pouvoir leur montrer à quel point on les aime. La chance d’être une maman.

Savourez votre chance. Bonne fête des Mères.

Joanie Fournier

 

Cher papa, j’ai encore mal.

Cher papa,

Je n'ai pas encore eu la chance d'être parent. Donc je

Cher papa,

Je n’ai pas encore eu la chance d’être parent. Donc je ne sais pas encore à quel point ça peut être difficile d’avoir ce rôle. Mais j’ai été une enfant. Et je sais ce dont j’aurais eu besoin. Des besoins qui m’ont manqué, et qui me manquent encore même rendue dans la vie adulte. Tout d’abord, je sais que tu m’aimes. Mais ça aurait été l’fun que tu me le démontres un tantinet, par des gestes comme des câlins, par des mots, comme un «je t’aime ma fille». Fournir les besoins de base à tes enfants, ce n’est pas démontrer que tu les aimes. C’est juste normal. Il faut faire un petit peu plus.

Quand j’étais petite et qu’on allait visiter les oncles et les tantes, tu refusais que je joue avec mes cousins et cousines. Semble-t-il que tu avais peur que je devienne une p’tite criss en me tenant avec eux. J’étais enfant unique, et tu m’as empêchée de vivre ma vie d’enfant avec les membres de ma famille pour ton honneur. Ton honneur était plus important que mon bonheur. T’avais peur que le monde te juge en disant: Heille, t’as tu vu sa fille speedy gonzalez? Il ne sait pas l’élever! Ben je vais t’apprendre quelque chose. Ce n’est pas parce que j’aurais joué une fois semaine avec mes cousins que je serai virée mongole. J’pense au contraire que ça aurait eu plus d’effets positifs que négatifs.

Également, je vais t’annoncer quelque chose: je suis un être humain à part entière au même titre que toi. Tous les êtres humains ont ce besoin de base d’être reconnus par les gens autour d’eux, surtout leur famille. Ce n’est pas parce que je suis plus jeune ou que tu as une autorité sur moi que je ne peux pas être reconnue. Mes idées, mes actions et mes opinions sont toutes aussi importantes que les tiennes. Tu n’en as toutefois jamais tenu compte. Ce que je disais était (et est encore) toujours moins important, moins intéressant, moins nécessaire, moins intelligent que toi. Encore aujourd’hui, quand j’émets une opinion contraire à la tienne, je le sais assez vite que ce que je dis c’est de la marde. Même si c’est dans un domaine que tu ne connais pas. À l’âge où tu es rendu, tu devrais savoir qu’une opinion n’est pas bonne ou mauvaise, parce que c’est quelque chose de personnel. T’as le droit de ne pas être d’accord, mais tu ne peux pas m’empêcher d’avoir mes idées, même si elles sont différentes des tiennes.

Aussi, tu n’as jamais été capable d’approuver mes choix. C’était toujours de mauvaises décisions. Pourquoi faire du sport? Pourquoi travailler avec des enfants? Pourquoi devenir enseignante? Pourquoi partir en appart? Pourquoi si, pourquoi ça? Tu pouvais juste me dire que ce n’était peut-être pas la meilleure chose à faire selon toi, mais que tu approuvais mon choix tout de même.

T’as de plus oublié d’être fier de ta fille. J’ai deux diplômes postsecondaires. Je n’ai jamais eu de félicitations de ta part. Jamais je n’ai eu la chance d’entendre un simple “bravo pour tes accomplissements”. Je sais que tu n’étais pas d’accord avec mon choix de carrière, mais ça ne signifie pas que tu ne peux être fier que ta fille ait réussi quelque chose d’important. Crois-moi, des parents fiers de notre travail acharné, ça vaut pas mal plus qu’un bout de papier signé par un recteur d’université. Tu sais, il y a des parents qui félicitent leurs enfants et qui en sont fiers pour beaucoup moins que ça. Il fallait que je fasse quoi pour que tu le sois toi aussi? Que je fasse ce que toi tu voulais que je fasse? Que je monte le Kilimandjaro? Que je trouve le remède contre le cancer? Mon pire souvenir en lien avec ça, je m’en rappelle encore comme si c’était hier. Je finissais mon secondaire 5 j’avais en main mon bulletin, avec mes notes finales. Des 85 et plus partout. J’étais fière. Je t’ai demandé de le regarder. T’étais occupé m’as-tu dit. Le lendemain, je te l’ai encore demandé, mais encore une fois, t’avais autre chose à faire. La journée d’après, je te l’ai encore montré. Pis la, ben c’était trop. Tu l’as pris, tu l’as déchiré, devant moi. J’étais fatigante. Tu n’avais pas compris que tout ce que je voulais, c’était ton approbation, ta fierté, ton amour, ta reconnaissance. Je crois que tu as oublié que tu as été enfant toi aussi et à quel point ces choses sont importantes.

Encore aujourd’hui, du haut de mes 23 ans et demi, t’es encore comme ça avec moi. Je suis partie de la maison avec un manque terrible d’amour paternel, et il est encore là. Et il le sera toujours. Tu n’étais pas un père absent. Mais tu n’étais pas non plus un père présent.

Ta fille, qui t’aime malgré tout.

xx