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T’es ben autiste !

La rentrée scolaire est un temps difficile pour la plupart des gens

La rentrée scolaire est un temps difficile pour la plupart des gens neurodivergents ou atteints de troubles mentaux ou neurologiques. C’est entre autres le moment où on recommence à entendre des mots liés à nos troubles et à nos particularités utilisés de façon ignorante, comme insultes ou bien comme simples adjectifs à chaque coin de corridor.

Eh oui, ce n’est pas assez de se faire intimider pour nos différences. Il faut aussi que le nom de nos troubles serve à décrire des gens dont le moindre comportement rejoint la définition erronée de nos troubles.

 L’insulte la plus répandue dans mon école secondaire ?

« T’es ben autiste ! »

Moi, je ne suis pas autiste. Toutefois, à cause d’une combinaison d’autres troubles et particularités, j’ai plusieurs traits en commun avec les gens qui ont un trouble du spectre de l’autisme. Donc forcément, entendre ce mot utilisé comme insulte à tout bout de champ est incroyablement insécurisant. Cela nous enseigne à avoir honte de nos différences et à vouloir les cacher. Alors que ça ne devrait pas être le cas…

Lors de ma dernière évaluation neuropsychologique, le TSA a été mentionné au début comme hypothèse diagnostique. Même si je suis éduquée sur le sujet, que je sais en quoi le TSA consiste et que je suis consciente d’avoir plusieurs traits en commun avec le TSA, après avoir passé des années à entendre le mot « autiste » utilisé comme insulte, ce mot a développé une connotation négative dans mon subconscient. Entendre cette hypothèse, alors que je comprenais parfaitement pourquoi c’était une hypothèse, m’a fait peur pendant un moment. Si ça a eu cet effet sur moi qui connais bien les troubles mentaux, imaginez à quel point les insultes semblables contribuent à stigmatiser le trouble du spectre de l’autisme dans la tête de ceux qui sont moins éduqués à ce sujet.

Les troubles mentaux ou neurologiques utilisés comme adjectifs participent aussi énormément à la stigmatisation de troubles déjà stigmatisés. Ça, je ne l’entends pas juste à l’école ; je l’entends au travail, dans l’autobus, quand je vais m’acheter un beigne, et même parfois dans ma propre maison.

Les gens atteints de troubles mentaux ont déjà assez de difficulté à avoir de l’aide et à se faire comprendre parce que la plupart des gens construisent leur image des troubles mentaux d’après ce qu’ils voient dans les médias comme la télévision et le cinéma. Les troubles sont soit démonisés et vus comme quelque chose dont seulement les tueurs et les « fous » sont atteints, soit vus comme vraiment moins graves et handicapants qu’ils le sont vraiment. Tout cela rend très difficile de parler de nos difficultés de santé mentale à notre entourage.

Arrêtez de dire que vous êtes OCD quand vous voulez que quelque chose soit bien placé ou propre. Le trouble obsessionnel compulsif est un trouble complexe qui ne se résume pas au fait d’être perfectionniste ou germophobe. Le principal symptôme de ce trouble est de vivre constamment avec des pensées comme « touche 4 fois cette poignée de porte d’une certaine façon précise, sinon, toute ta famille va mourir ».

Arrêtez de dire que vous avez une attaque de panique pour dire que vous êtes stressés. Une attaque de panique, c’est être sûr qu’on est en train de mourir, c’est être incapable de respirer, c’est avoir de la difficulté à tenir debout, ce sont des pensées catastrophes et terrifiantes qui défilent dans notre tête à la vitesse de la lumière.

Arrêtez de dire que vous êtes en dépression pour dire que vous êtes tristes ou déprimés. Un trouble mental n’est pas une émotion. La plupart du temps, les gens en dépression ne se sentent même pas tristes. Être en dépression ou dans un épisode dépressif, c’est se sentir vide, être incapable de fonctionner, de se motiver à faire quoi que ce soit, même les choses qu’on aime le plus faire. Ce sont aussi des pensées suicidaires terrifiantes.

Arrêtez d’utiliser le mot bipolaire pour décrire une personne qui a changé d’humeur ou d’idée rapidement. Si la température a changé plusieurs fois en une journée, arrêtez de dire « mère Nature est ben bipolaire aujourd’hui ! ». La bipolarité, c’est l’alternance d’épisodes dépressifs et d’épisodes de manie ou d’hypomanie, et un des critères diagnostiques est que les épisodes s’étendent sur une certaine période. Donc non seulement utiliser à la légère un trouble mental comme adjectif est insultant, mais en plus, ça associe « sautes d’humeur et changements d’humeur rapides et fréquents » avec le trouble bipolaire, ce qui est une fausseté.

N’oubliez pas que les maladies mentales sont tout aussi graves que les maladies physiques. On peut mourir d’une maladie mentale tout comme on peut mourir d’une maladie physique. C’est tout aussi sérieux. Au Canada, le suicide est la 2e cause de décès chez les gens de 15 à 24 ans. En 2018, c’était la principale cause de décès chez les jeunes de 10 à 14 ans. Et c’est la 9e cause de décès pour tous les âges confondus. C’est le temps de s’éduquer et de prendre cela au sérieux.

Est-ce que vous diriez « OMG! Je suis tellement asthmatique » quand vous toussez ? Ou alors « J’ai le cancer dans le piton aujourd’hui ! » lorsque vous avez mal quelque part ? Ben non. Alors, pourquoi dire des choses comme ça avec les troubles mentaux ?

Vivre avec un trouble mental ou neurologique, c’est déjà assez difficile comme ça, alors s’il vous plaît, arrêtez d’utiliser ces mots comme insultes ou adjectifs. Renseignez‑vous sur le sujet au lieu de croire tout ce que vous entendez autour de vous. Travaillons ensemble pour arrêter la stigmatisation des troubles mentaux.

Alexane Bellemare

Ne pas oublier la règle numéro 4

Ça s’est passé samedi matin. Je m’étais levé tôt, pour fair

Ça s’est passé samedi matin. Je m’étais levé tôt, pour faire changement. Normalement, je n’ai pas beaucoup d’énergie et je dors beaucoup.

Je m’étais dit que j’allais faire un petit spécial pour aller dans un magasin à grande surface, tôt, au lieu d’y aller pendant la semaine.

J’ai commencé à paniquer à mon arrivée dans le stationnement. J’ai eu de la misère à me trouver un espace de stationnement et mon cœur battait à pleine vitesse. J’ai donc pris une pause à l’extérieur avant d’entrer. J’avais peur de faire face à beaucoup de gens une fois à l’intérieur.

Lorsque je me suis senti un peu plus calme, j’ai décidé d’entrer.

Règle numéro 1 : Ne pas trop regarder les gens.

Tout n’allait pas trop mal, mais mon champ de vision avait rétréci. Ma vision s’était embrouillée un peu.

Règle numéro 2 : Me concentrer sur ma mission.

Ma mission était d’acheter seulement ce dont j’avais besoin. J’avais une liste afin de me faciliter la vie.

Règle numéro 3 : Ne pas perdre de temps.

J’avais décidé d’accélérer le pas, même si je boitais un peu et que ma jambe gauche me faisait mal.

Règle numéro 4 : Prendre mon médicament de secours ou sortir.

J’ai toujours mon médicament de secours avec moi, à prendre en cas de perte de contrôle. Je n’en étais pas encore à ce point.

Ça se passait moyen et je tenais le coup. Les allées larges étaient presque vides et pas du tout achalandées. Dans des allées étroites, j’étouffe!

Boom! Attaque d’anxiété dans le coin des fruits et légumes! Dans ce département, il y avait plein de gens et j’avais de la misère à passer. Mon champ de vision a rétréci encore davantage. Mon rythme cardiaque a augmenté. Ma respiration est devenue de plus en plus rapide. J’essayais de prendre de bonnes respirations pour diminuer mon stress, mais soudainement, ça a commencé à me tirer à droite, dans le visage. Là, je le savais, mon visage allait commencer à devenir tout croche.

Alerte! Règle numéro 4. J’ai décidé de sortir. Donc je me suis dirigé vers la caisse avec la file d’attente la plus courte. Je n’avais même pas pris le temps de mettre ma tuque et mes gants pour sortir. Instantanément, une fois dehors, j’ai commencé à mieux respirer. Mon champ de vision s’est élargi et est devenu de plus en plus clair. La tension dans le côté droit de mon visage a diminué tranquillement. Sur le chemin du retour à la maison, tout allait mieux, mais je ressentais beaucoup de fatigue.

Je tenais vraiment à vous expliquer ce symptôme très sévère du TSPT. Il s’agit d’un signe physique à ne pas négliger si l’on souffre de cette blessure.

Carl Audet

 

Pas de panique !

Ça faisait sept ans. Sept années sans être attaquée par la paniq

Ça faisait sept ans. Sept années sans être attaquée par la panique. B’ah ! Du stress, de la nervosité, de la misère à me concentrer, l’impression d’être une poule pas de tête et d’en perdre la tête, ça, oui ! Malgré les afuuu afuuu et les anxiolytiques. Mais pas de véritable crise de panique. Et là, la semaine dernière, c’est arrivé.

Milieu d’une journée où les choses ne vont pas tout à fait comme prévu, mais où tout est réchappé malgré tout. Milieu d’une semaine où les heures supplémentaires et les réveils tôt se multiplient. Milieu d’un mois où les défis et les questionnements sont monnaie courante et me font courir partout. Bref, je suis au milieu d’une tornade que je pense assez bien contrôler.

Puis, ce midi-là, je commence à avoir de la difficulté à focaliser mon attention sur mon travail. Je me sens plus agitée par en dedans et en dehors. Je ne tiens pas plus en place qu’un enfant de quatre ans qui attend l’arrivée du Père Noël après avoir ingurgité trois chocolats chauds aux guimauves. Je me mets à genoux sur ma chaise, puis en indien. Je me lève, je fais quelques pas, je reviens. Qu’est-ce que je fais là ? J’ai du travail à faire, moi !

Je m’assois. J’observe mon ordinateur comme s’il allait me dire quoi faire.

– Allez ! Mets tes doigts sur les touches du clavier et pitonne !

– Hein ? Quelles touches ? Quel clavier ? Pourquoi faire ?

– Déguédine ! Tu perds ton temps ! Tu le sais que tu n’as pas de temps à perdre.

– Inquiète-toi pas, je le sais ! Tout le monde va attendre après moi si je ne me réveille pas. Mais je ne suis pas capable.

– Pas capable de quoi ? Tu as les deux yeux grands ouverts !

– Oui, mais je ne me souviens même pas de ce qu’il faut que je regarde… Tu as vu ? Mes yeux bougent tout seuls !

Pas d’inquiétude, je ne parle pas vraiment à mon ordinateur. Bon, parfois, mais lui, il ne me répond jamais. Quand même, ça donne une idée de l’état dans lequel je me trouve à ce moment. Incapable de me déposer.

Ma collègue arrive. S’assoit près de moi.

– Je ne sais pas ce que j’ai, ça fait une heure que je tourne en rond, pas capable de me calmer le pompon.

Elle sait que quand je suis dans cet état-là, le mieux, c’est que je parte me promener quelques minutes. Mais je m’obstine (avec moi-même). Non, j’ai du travail à faire. Tout de suite. Et plus je m’obstine, et moins je suis capable de le faire. J’ai une rubber ball dans la cervelle et une pile branchée sur le 400 volts à la place du cœur.

Cinq minutes plus tard :

– Ok, ça n’a pas de sens mon affaire, remplace-moi s’il te plaît. Je ne suis bonne à rien anyway quand je suis dans cet état-là. Je ne me souviens même plus comment je m’appelle (oui, j’ai une légère tendance à l’exagération… l’autodérision me permet de réduire l’impact de la panique que je commence à identifier).

Et je sors de l’édifice. J’ai la présence d’esprit d’apporter ma bouteille d’eau (essentielle pour que les connexions de mon cerveau parti en vrille se refassent), mon cellulaire (bien pratique pour appeler une collègue si je me perds dans les dédales de ma panique ou de la ville) et mes lunettes de soleil (que j’ai beaucoup appréciées quand je me suis mise à brailler comme un âne pris dans une clôture barbelée. Électrifiée.)

Je marche, je marche. En ligne droite, parce que j’ai trop peur de me perdre. Déjà que je n’ai pas de GPS intégré (ça ne venait pas avec le modèle de base quand on naissait en 1977), je ne vois rien à travers mes larmes et je ne peux mémoriser aucun repère pour m’aider à me situer. Je m’enfonce dans la ville alors que mon instinct aurait dû me mener vers un parc ou une rivière, où je me serais sentie plus en sécurité. Mais ça, j’y ai pensé après seulement. Je marche, et je braille, et j’essuie mes larmes en me sentant jugée par les inconnus qui marchent aussi. Dans le fond, ils ne me remarquent même pas. Tant que je marche. Si je m’effondre, si je me roule en boule sur le trottoir, ils s’enfargeront dans mon corps et appelleront le 911. Je ne veux pas. Alors je marche.

Mais plus je marche, plus je panique de ne pas être capable de mettre un stop à ma panique. J’essaie de visualiser du beau et du bon, je ne vois que du laid et du mauvais. J’essaie de ralentir mon souffle, d’approfondir ma respiration ; j’hyperventile. J’imagine tout ce CO2 qui est fait prisonnier dans mes poumons et je panique encore plus. J’empoisonne mon corps à force de paniquer.

Mon esprit est encore juste assez présent pour former un plan de secours.

1- Continuer à essayer de me calmer par moi-même jusqu’au prochain coin de rue.

2 a- Si ça fonctionne, continuer à marcher jusqu’à ce que je sois calmée à 50 %, puis revenir vers le bureau pour continuer mon travail (ah ! Non ! J’ai dit « travail »… afuuu afuuu !)

2 b- Si ça ne fonctionne pas, virer de bord, appeler ma collègue ou ma superviseure et leur demander de venir me chercher. Au bureau, on pourra trouver une salle fermée où je pourrai reprendre mes sens, méditer et mettre de la musique. J’ai besoin de ne penser à rien.

3- Si je m’effondre sous la pression ou le manque d’oxygène, il y a toujours l’ambulance. Mais vraiment ? Je partirais en ambulance juste pour une attaque de panique ? Juste parce que je ne suis pas capable de gérer mon stress ? Non mais… on se calme ! (Ben non, justement. Je ne suis pas capable de me calmer !)

Le coin de rue arrive et j’hyperventile toujours autant, je me déshydrate à force de pleurer. C’est le méchant qui sort, faut croire. Et là, au coin de la rue, j’aperçois une table avec des livres. Je tourne à droite et je passe une porte. S’il y a des livres, c’est qu’il y a des gens qui aiment les livres. Je me retrouve dans une librairie (ça aurait pu être l’antre d’un dragon lecteur, je serais entrée quand même. Comme un enfant poursuivi par un kidnappeur qui s’engouffre dans la première maison qu’il croise). Et là, pour la première fois depuis près de deux heures, je me sens un peu en sécurité. Une mini brise d’apaisement m’effleure. Je me dis que je peux rester ici en silence, sans me justifier, le temps de me calmer. Le temps de retrouver assez de morceaux de casse-tête de ma personne pour me reconstruire suffisamment. Le travail attendra.

Quand je suis retournée au bureau, j’ai rassuré ma collègue, j’ai mis mes écouteurs et je suis restée dans ma bulle jusqu’à ce que je me sente moi-même. Le travail m’avait attendue, sagement, mais le surplus de stress s’était évaporé. J’ai parlé de mon moment de souffrance intérieure et physique (oui, une crise de panique, c’est souffrant pour le corps) à mes collègues, à mes superviseurs. Je n’ai pas été jugée. Je veux qu’ils comprennent ce qui m’arrive même si ça peut prendre sept autres années avant que la panique s’invite une autre fois. Je veux qu’ils comprennent que ça peut arriver à n’importe qui. Et je veux surtout qu’ils sachent agir quand ça arrive, à eux ou à d’autres.

Note à moi-même : Tu as de quoi être fière d’avoir su identifier l’attaque de panique même en pleine souffrance. Sois fière de l’avoir gérée et d’avoir trouvé tes moyens pour te calmer. Mais la prochaine fois, demande plus d’aide, plus vite. Ça pourrait t’éviter de te sentir aussi mal.

 

Nathalie Courcy