Un de moins – Texte : Nathalie Courcy
Combien de fois je me suis fait regarder bizarre parce que j’avais choisi d’avoir quatre enfants ! C’est clair que quand j’entre dans un avion ou dans un resto avec ma gang, on se fait remarquer (et dévisager…) On te remplit une banquette assez vite ! Il fut un temps où on avait déserté les endroits publics, les activités impliquant une foule, les sorties qui nécessitaient trop de surveillance ou d’équipement. J’ai donné à mes enfants le temps de maturer et d’apprendre à gérer leur volume vocal.
Après cette période d’apprentissages dans l’intimité, on a recommencé à sortir et à apprécier d’être ensemble en public. Je savais que mes enfants se comporteraient bien et qu’ils apprécieraient ce temps en famille. Je savais que moi aussi, j’aurais du plaisir, que je ne suerais plus ma vie à essayer de les garder groupés et un brin disciplinés. Ça exige quand même un bon système d’organisation, une répartition efficace des tâches (je ne suis pas la seule à porter les sacs à dos ou à préparer les bouteilles d’eau) et une once de flexibilité. Mais c’est pas mal plus zen qu’avant !
Ils ont grandi. Je me suis améliorée comme maman et comme personne. J’ai appris des trucs, j’ai écouté leurs besoins et leurs limites, les miens aussi. Maintenant, faire des activités en famille me donne de l’énergie au lieu de m’en prendre. Je suis fière de me promener avec ma tribu.
Mes enfants grandissent (surprise !), c’est ben beau, mais ça fait aussi que maintenant, on sort de moins en moins tous ensemble. Ma fille aînée commence le postsecondaire en septembre, elle travaille à l’autre bout de la ville, elle voit des amies. Même quand elle est à la maison, elle a sa vie, ses projets. Elle veut du temps de repos (très sage !), du temps pour elle (génial !), du temps en famille (fiou !). Quand ça adonne ou quand on fait une activité qui lui tente, elle nous accompagne, « comme dans notre bon vieux temps ». Mais le reste du temps, elle ne suit plus.
OK, ça me laisse quand même trois enfants qui suivent ! Ça remplit encore plutôt bien la banquette. Quand on débarque quelque part, les gens s’étonnent de voir autant d’enfants sortir de ma Mazda (surtout que ma deuxième ado sort parfois par le coffre, comme si je l’y avais rangée…). Mais pour moi, c’est une petite famille parce qu’il manque une personne. Il manque une personne avec qui je vis (en comptant le temps de cohabitation intra-utérine) depuis plus de dix-huit ans. Mes bras sont moins pleins qu’avant.
Mes prochaines années de maman seront remplies de sentiments mitigés :
⭐Ma fierté de voir mes enfants devenir plus indépendants et débrouillards, et ma peine de les voir s’éloigner.
⭐Ma joie de les voir heureux avec leurs choix, et mon cÅ“ur qui pince de ne plus faire partie de chacun de leurs bonheurs.
⭐Mon bonheur d’avoir du temps spécial avec les plus jeunes comme j’en ai eu dans le passé avec les plus vieilles, et ma nostalgie du temps où tous mes enfants étaient autour de moi.
⭐Ma hâte (ben oui !) d’avoir plus de temps et d’espace pour moi et mon couple, et ma hâte que mes bébés (oui, oui, mes bébés !) viennent nous visiter ou qu’ils nous invitent à souper.
Je dois bien me faire à l’idée qu’il y aura de moins en moins de monde autour de la table. Bientôt, je n’aurai plus droit au forfait de groupe quand on visite un musée. Éventuellement, je n’aurai plus besoin de six places dans ma voiture. J’aurai besoin de beaucoup moins d’imagination pour trouver des activités qui plaisent à mes petits autant qu’à mes grandes (et aux adultes !)
En attendant, j’essaie encore de trouver des façons de rassembler toute ma garde rapprochée pour des repas, des moments collés, des sorties. C’est un exercice quotidien de carpe diem : profiter du moment présent. Et quand on sera rendu aux nouveaux moments présents, on en profitera tout autant. Il n’y a rien de plus beau que les jasettes animées et les rires de toute la maisonnée. Et même quand la famille n’habitera plus à la même adresse, on trouvera quand même le moyen de se rassembler.
Nathalie Courcy