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Nouvelle maman à la dérive – Texte : Annick Gosselin

Dans les livres, on ne parle que des moments de joie, des moments parfaits. L’arrivée d’un béb

Dans les livres, on ne parle que des moments de joie, des moments parfaits. L’arrivée d’un bébé est, en théorie, synonyme de bonheur.

Mais rien ni personne ne te prépare aux moments où ce n’est pas le cas, où ça ne va plus. Qu’est-ce qui arrive quand tu ne ressens pas ce bonheur, que c’est vide en dedans? Que se passe-t-il quand tout ce que tu souhaites, c’est de te rouler en boule et pleurer?

C’est le néant.  Il n’y a plus personne. Aucune marche à suivre. On parle du postpartum comme d’une étape parmi tant d’autres. Vraiment?

Pourquoi? Pourquoi ne nous prévient-on pas qu’on peut ainsi partir à la dérive?

Il n’y a rien de normal à se contenter de survivre durant cette période. Il n’y a rien de normal à culpabiliser parce que tu ne te sens pas heureuse comme tu devrais l’être par l’arrivée de ton nouveau-né. Ce n’est pas non plus normal de pleurer toute la journée avec ton bébé collé à toi en t’excusant de ne pas savoir comment faire pour aller mieux.

Mais ce qui est complètement anormal, c’est de maginaliser ces mères qui sombrent après la naissance de leur enfant, de les juger et de ne pas leur offrir le soutien dont elles auraient tant besoin.

On nous prépare à l’allaitement et aux petits bobos qui peuvent survenir après l’accouchement. Mais on ne nous prépare pas aux problèmes psychologiques. Les mentalités devront changer. Une mère n’est pas coupable de souffrir de dépression. Elle a besoin d’aide, d’amour et de compréhension.

Si tu es une maman qui vit cette situation présentement, je veux que tu saches que ce n’est pas ta faute, que c’est indépendant de ta volonté et que ton bébé n’y est pour rien. Ton bébé, tu l’aimes inconditionnellement. Mais pour l’instant, tu n’arrives pas à profiter de ce bonheur à 100 %.

Va consulter, entoure-toi de gens qui t’aiment et te font du bien. Et tu vas voir, lentement tu vas cesser de dériver, tu vas même finir par t’accrocher solide et tu seras de nouveau heureuse. Donne-toi juste le temps d’apprivoiser tous ces changements. Ne t’en veux surtout pas et sois douce avec toi, de la même façon que tu le serais avec ta meilleure amie. Le jour viendra où tu pourras de nouveau percevoir le bonheur.

Annick Gosselin

Ta honte de consulter, ma fierté de te voir ici

J’appelle ton nom dans la salle d’attente qui est bondée de gen

J’appelle ton nom dans la salle d’attente qui est bondée de gens.

Je te vois entrer dans mon bureau, la tête fléchie vers l’avant, les yeux qui cherchent à m’éviter, l’air épuisé.

Tu as probablement le cœur qui veut sortir de ta cage thoracique.

Je vois et ressens ta détresse, tes inquiétudes et tes doutes. Je peux discerner ton mal-être.

Et soudainement, des larmes se mettent à couler sur ton visage si pâle.

Lorsque de ta bouche, la voix tremblante, la gorge nouée, tu réussis à sortir difficilement quelques sons. Je réussis à comprendre ce qui t’amène ici.

Tu m’admets avoir honte de consulter pour cette raison. Tu m’avoues que jamais tu ne pensais te rendre là.

Tu te sens humilié.

Dans ton parler, tes mouvements qui semblent si douloureux et pesants, tes larmes qui coulent sur ton visage depuis la première minute de notre rencontre, sache que je te « feel ».

Je te regarde, je te laisse te confier à moi. Je veux que tu te libères de ces émotions qui pèsent sur toi… Ces émotions qui ont pris une trop grande place dans ta vie.

J’ai envie que tu voies en moi, non seulement l’infirmière que je suis, mais aussi, ma personne, ma capacité à te comprendre.

Celle qui s’est déjà sentie comme tu te sens présentement.

Celle qui est maintenant assise devant toi et te dit qu’on peut s’en sortir.

Je tiens à te rassurer, personne ne te jugera ici.

Personne ne se demandera ce que tu fais ici.

Nous avons au contraire, un immense respect pour toi.

Toi qui ce jour-là, as décidé que tu en avais assez de vivre sous l’emprise de l’anxiété, de la dépression ou de n’importe quelle maladie mentale dont tu souffres.

Tu es au bon endroit, n’en doute pas, n’aie pas honte.

Je suis heureuse que tu viennes nous voir. J’ai une grande admiration pour toi, pour ton courage, ta force.

Je sais que présentement tu te sens faible, fatigué et surtout que tu te sens mal à l’aise de venir nous voir. Tes pensées se bousculent, tu as envie de reculer, de partir.

Reste. Fais-le pour toi, pour tes amis, pour ta famille, tes enfants.

Crois-moi, dans un avenir rapproché, tu seras fier de toi comme je suis aussi fière de toi aujourd’hui.

Tu auras franchi une grande étape en sortant d’ici tout à l’heure.

L’étape de la résilience.

Tu entreras dans l’étape de la guérison bientôt et je veux que tu te souviennes de ceci.

« Chaque petit pas, aussi petit soit-il, est une grande victoire. »

J’ai hâte de te revoir dans quelques semaines, dans quelques mois…

Je suis impatiente de voir le chemin que tu auras fait.

Je sais que ça ira bien.

Aujourd’hui, je prends mon expérience pour te rassurer et te dire que tu as pris la bonne décision en venant nous voir.

Parce que moi aussi, j’ai déjà consulté. J’ai eu honte. Je me suis demandé si j’allais m’en sortir.

Je suis ici, devant toi et je t’assure que si je n’étais pas allée voir un médecin cette journée-là, je ne serais peut-être pas ici pour être fière de toi.

Isabelle Nadeau

 

Je ne sais plus comment être une bonne mère

« Nerveuse » est le mot que j’utiliserais pour expliquer ce qu

« Nerveuse » est le mot que j’utiliserais pour expliquer ce que je ressens en ce moment. Je suis assise sur une chaise dans la salle d’attente de mon médecin. Je m’y suis assise tellement souvent, mais jamais avec une telle nervosité. Naturellement, il y a du retard et je sens ma nervosité atteindre le niveau maximal. Je songe même à partir ou à inventer un mal d’oreilles.

Je ne sais vraiment pas comment lui dire ce qui m’amène. J’ai peur d’être jugée, mal comprise ou encore pire, incomprise.

Je ne sais pas exactement comment tout cela est arrivé. Je ne sais pas exactement à quel moment le rire de mes enfants a commencé à me taper sur les nerfs. Pourtant, avant, il était si mélodieux à mon oreille ! Maintenant, il est comme des ongles que l’on fait grincer sur une ardoise.

Je ne sais pas non plus à quel moment je me suis mise à angoisser lors de mon retour à la maison. Mon nid familial si douillet s’est transformé en véritable maison de la torture. Mon travail est devenu mon oasis de paix, ma maison, un désert intraitable.

Mon cœur se remplissait d’amour lorsque j’entendais le mot « maman ». Maintenant, il se remplit d’agacement et de culpabilité.

Moi qui étais tellement fière d’être une maman, je veux maintenant quitter mes enfants, partir loin, pour me retrouver.

Tout ce qui se passe à la maison m’énerve. Le poids de la culpabilité me fait couler, malgré tous mes efforts pour rester à flots.

Je ne me reconnais plus. J’adorais être mère. Ma famille était ce qui comptait le plus pour moi. Maintenant, je me sens perdue, angoissée, coupable de ne plus être cette mère.

J’étouffe sous cette culpabilité chaque fois que je m’impatiente (maintenant beaucoup trop souvent). Je crie, j’exige.

La nuit, je pleure. Je suis devenue une maman monstre. Une maman que mes enfants ne reconnaissent plus. Une maman qu’ils en sont venus à craindre.

J’entends mon nom. C’est mon tour. Je panique. Je m’assois face à mon médecin. Dans un souffle rempli de culpabilité et de crainte, je lui dis :

« Aide‑moi, je ne sais plus comment être une bonne mère ! » Il m’écoute, sans jugement. Je me sens comprise. Avec beaucoup de compassion, il me dit :

« Tu es en burnout parental ! On va t’aider. Tu es toujours une maman merveilleuse mais fatiguée, et je ne te laisserai pas tomber. »

Un mois s’est écoulé depuis ce jour-là. Je vais mieux. Je suis une psychothérapie et je prends une médication qui m’aide. Je me retrouve. Je redeviens cette mère que j’aimais tant être.

Ce jour-là, le jour où j’ai décidé de consulter, a été le premier pas sur le chemin de la construction. Eva Staire