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Écoute-moi – Texte : Véronique Daigle

Depuis trop longtemps, j’hésite à avoir une vraie discussion avec toi. Chaque fois que je te cro

Depuis trop longtemps, j’hésite à avoir une vraie discussion avec toi. Chaque fois que je te croise, j’en perds mes moyens et j’oublie ce que je devais te dire. Tu sais que tu peux être persuasive ? Tu sais que tu peux me faire faire n’importe quoi ? Sérieusement, je crois que j’en ai assez. Notre relation n’est pas des plus faciles et je commence étrangement à étouffer. On dirait que je n’ai jamais un mot à dire. On dirait que tu contrôles toujours tout et que je dois accepter cette destinée sans pouvoir protester.

Tu me fais peur. Quand je ferme les yeux et que je te vois, je voudrais te fuir au plus vite. Tu as cette façon bien à toi de me charmer. Dès que je t’aperçois, je tombe tellement vite dans cette même routine que nous connaissons tellement bien tous les deux. Je pense vraiment que nous avons une relation malsaine. Tu sais, le genre de relation qui finit toujours par en blesser l’un plus que l’autre ? J’espère que tu ne seras pas surprise si je te mentionne que la blessée, c’est moi. Chaque fois que tu passes dans ma vie, tu y laisses ta trace. Même si les blessures ne sont pas visibles à l’œil nu, crois-moi, je suis pleine de cicatrices. Tu me fais mal, et ce, probablement sans t’en rendre compte.

Jouer les victimes n’est pas ce que je veux. Je prends la parole aujourd’hui pour te dire qu’il est temps que cela cesse. Je ne sais pas comment je vais faire pour te tenir loin de moi, mais une chose est certaine, je dois le faire. Tu as fait assez de ravages sur mon corps et mon esprit, je veux retrouver mon ancienne vie.

Aujourd’hui, je suis ici devant toi. Je te demande de me regarder droit dans les yeux. Je respire tellement profondément que mon être tout entier le ressent. Je n’ai plus envie d’avoir peur quand je te sens venir vers moi. Je n’ai plus envie de me mettre en petite boule quand tu prends le contrôle. J’ai envie de te montrer que je suis forte et indépendante. Que ma vie est capable d’être tellement belle quand tu n’es pas là. Je sais que pour certains, notre relation est encore un tabou. Je sais qu’en parler à voix haute peut semer le doute chez les autres. Tu sais quoi ? Je m’en fous. Je sais ce que je ressens quand tu es là. Je sais comment je me sens quand tu me quittes. Toi et moi, c’est terminé. Je dois tourner la page sur notre histoire et continuer d’avancer. Tu comprendras que je vais avoir besoin de temps et d’aide. Tu risques de me voir sous un nouveau jour. Je sais que je vais y arriver. Je sais que je ne suis pas la première à te quitter. Je suis forte et tellement plus que ce que je crois quand tu es là. Ma décision est prise. Anxiété, je te demande de me laisser. Je te demande de respecter mon choix. Parce que présentement, et pour une des rares fois dans ma vie, je me choisis MOI.

Nous allons peut-être nous recroiser, tu verras certainement une nouvelle femme devant toi. Ne t’inquiète pas, je ne t’oublierai jamais. Malgré le mal que tu m’as fait, tu m’as aussi fait grandir. Avec toi, j’aurai compris que je vaux la peine de me choisir parce que personne d’autre que moi ne devrait contrôler ma vie.

Au revoir anxiété…

Véronique Daigle

 

 

 

Le jour où j’ai arrêté de manger

J’avais quinze ans. Dans le miroir, je ne voyais que du gra

J’avais quinze ans. Dans le miroir, je ne voyais que du gras, du gros… Je haïssais cette enveloppe dans laquelle je devais avancer chaque jour. Je détestais chaque partie de ce corps en perpétuel élargissement changement. Alors, je suis partie en guerre, avec mes armes, jusqu’à la mort.

Ça a commencé par une petite réflexion « anodine » concernant la taille de mes fesses. Tu sais, le mot de trop… Celui qui anéantit le peu de confiance que je m’acharnais à bâtir. Je me suis mise à passer des heures et des heures devant le miroir. J’ai débuté un régime… Insidieusement, la maladie s’est installée… Je contrôlais tout : ce que je mangeais (en infime quantité), les kilomètres que je parcourais dans l’eau de la piscine, les heures de sport et d’entraînement que j’infligeais à mes muscles pour dépenser le peu de calories que je m’octroyais, mes notes brillantes à l’école, mes relations si parfaites avec les autres et pourtant si conflictuelles avec des miens… Je croyais que je contrôlais tout…

Quelle illusion que cette maladie! La surpuissance du corps, la force du mental… Je croyais que j’allais être bien. Mais mon esprit était prisonnier… Je me pesais plus de cent fois par jour. C’était un véritable rituel d’embarquer sur cet instrument de torture. Je mettais un pied, je me tenais sur le mur, un autre pied, puis je lâchais doucement le mur regardant l’aiguille monter, monter avec mon angoisse, avec mon désespoir… Chaque jour, je pesais un peu moins lourd, chaque jour je mangeais moins et courais plus, afin de maigrir encore et encore…

Je me suis retrouvée dans un cercle infernal. Je mentais et je manipulais mes proches pour arriver à mes fins : me détruire. J’étais en guerre contre ce corps si horrible, si laid, si gros. Rien ne pouvait m’arrêter.

Et, un jour, j’ai arrêté de manger. Je buvais une quantité d’eau terrifiante afin de fausser la pesée chez le médecin. J’ai commencé à avoir des pertes de conscience. Je n’avais plus mes règles depuis des mois et sous ma peau, mes os étaient saillants… Je me vidais par en dedans. Mon âme a commencé à s’éteindre. Tout est devenu si noir…

Devant le miroir, je me trouvais énorme. Rien ne comptait plus que ce fichu miroir et cette maudite balance… Je passais mes journées, à bout de force, à regarder mon corps dépérir. Jusqu’à ce que plus rien ne rentre. Jusqu’à ce que je ne sente ni la douleur, ni la faim, ni l’amour, ni la haine, ni la peur… et que je flotte…

Le jour où j’ai arrêté de manger et que j’ai bien failli gagner cette guerre contre mon moi. Jusqu’à la mort… Je me souviens… l’ambulance, les bruits, le choc, les cris, la douleur…

Je ne sais pas où je suis allée puiser la force de redonner vie à ce corps qui a subi des mois de souffrances et de privation, la force de faire entrer un rayon de soleil dans mon esprit et de m’y accrocher… J’ai infligé le pire à mon être et ça a été un long chemin que de me relever… Et comme l’alcoolique qui ne peut plus boire une seule goutte, je ne pourrai jamais monter à nouveau sur un pèse-personne…

L’anorexie mentale est une maladie mortelle. Je ne sais par quel miracle j’ai survécu. Il faut connaître la noirceur pour savourer la lumière…

 

Gwendoline Duchaine

 

Les enfants, c’est comme le repassage!

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Les enfants c’est un peu comme le repassage. On veut toujours que ce soit beau, sans plis, juste parfait. Dès qu’il y a un petit pli, ça nous achale, on ne comprend pas pourquoi on ne l’a pas vu avant. La pression sociale est forte, très forte, et nous sommes constamment jugés de part et d’autre. Pour ma part, je ne fais plus de repassage depuis bon nombre d’années.

 

À mon premier enfant, je recherchais toujours la perfection. Mon fils était toujours habillé en petite carte de mode des pieds à la tête. Lorsqu’il se salissait, je m’empressais de le changer. Il mangeait très bien, je calculais ses portions de fruits et légumes et je le stimulais à la tonne. Les sorties s’accumulaient, je vivais à fond et je voulais lui offrir tout ce qu’il y avait de meilleur pour lui. Encore aujourd’hui, je ne sais pas exactement ce que je recherchais à ce moment de ma vie. Probablement une certaine valorisation que je n’avais pas eue plus jeune.

 

Puis vient un jour où on se tanne d’être ce parent qui veut tout gérer et tout calculer. On se met dix millions de tâches sur la tête afin que personne ne manque de rien et que tout soit parfait. L’alimentation fait partie de ces petits débats de la vie. On ne veut pas que notre enfant se bourre la face dans le pot de Nutella le matin et il doit avoir le lunch le plus santé possible. On le veut toutes. Mais la réalité est parfois différente.

 

J’ai beau faire ma planification de repas pour la semaine, il m’arrive de céder aux caprices de l’un et de l’autre. Je ne me sens pourtant pas mal lorsque je cède. Ce qui me rend mal à l’aise, c’est le monde qui se permet de juger. Le jugement peut tellement faire mal, surtout quand nos enfants sont touchés! Tout le monde le sait que le fameux chocolat du matin est rempli d’huile de palme et de sucre. Je l’accorde. Mais toi qui te permets de me juger, si tu t’occupais des déjeuners sept jours sur sept, tu plierais toi aussi, parfois, et lui ferais sa maudite tranche de pain au Nutella pliée de la bonne manière — parce que sinon ça ne goûte pas pareil et ce n’est pas bon — on le sait tous ça, nous autres, les parents!

 

Ce n’est pas parce qu’on achète la paix de temps en temps ou qu’on accorde un certain relâchement que nous sommes de mauvais parents. On a le droit d’être fatigués. On a le droit d’avoir eu une grosse journée. On a surtout le droit de décider de manger un bol de céréales un soir de semaine pour passer plus de temps avec nos enfants au final. Et nos enfants dans tout ça? Je vous garantis que mes enfants me parlent plus souvent du soir où on a mangé des Rice Krispies avec des bananes que du soir où on a mangé du tofu avec des carottes et du brocoli. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas à cœur leur bien-être, au contraire. J’ai l’impression de retrouver un certain équilibre et de profiter de moments magiques avec mes enfants. Ces petits soupers donnent lieu à quelque chose d’inattendu accompagné de petites étoiles brillantes dans les yeux des plus petits.

 

Si certaines personnes trouvent inacceptable que nous acceptions certaines situations qui auparavant, nous semblaient inadéquates, je n’ai qu’une chose à dire. Je vous donne le relai, trois jours. Juste trois. Moi, j’en ai trois cent soixante-cinq dans une année. Trois, ce n’est rien. Je peux par contre vous promettre qu’après ces trois journées, vous nous supplierez de revenir et que vous nous comprendrez davantage.

 

Notre famille n’est pas sans plis. Je la trouve parfaite dans ses imperfections. De cette manière, nous retrouvons notre équilibre. La perfection n’existe pas, nulle part. Ma famille, je la vois, je vis avec et je l’aime comme ça. Ce sont tous ces petits plis qui font de nous une famille heureuse.

 

Maggy Dupuis