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La guerre, la guerre… Texte : Nathalie Courcy

La guerre en Ukraine a éclaté au grand jour des médias il y a presque trois mois. Au début, les

La guerre en Ukraine a éclaté au grand jour des médias il y a presque trois mois. Au début, les réseaux de nouvelles étaient saturés d’images du conflit, de statistiques, d’explications, de commentaires inquiets de la population. Puis, les « autres » nouvelles ont refait surface. Parce que même quand l’Ukraine se fait envahir, la vie quotidienne poursuit son cours ailleurs dans le monde, et même dans les chaumières ukrainiennes.

Un article a été publié aujourd’hui, demandant si les Canadiens avaient « déjà » perdu l’intérêt pour ce qui se passe en Ukraine. C’est venu me chercher quelque part dans ma fibre de pacifiste informée.

Ce qui se passe en Ukraine se passe dans plein d’autres endroits dans le monde. Mais c’est caché. Ou non diffusé. Ou moins économiquement intéressant. Pour qui ? Pourquoi ? Le drame ne se limite pas aux territoires attaqués par la Russie, comme la famine ne se limite pas à l’Éthiopie ou au Yémen. Ça n’enlève rien à la tragédie qui se déroule présentement en Europe orientale. Nous pouvons partager nos pensées et nos ondes positives avec tous les humains touchés par la guerre. De chaque côté de toutes les frontières même (surtout) en continuant de vivre.

La question à savoir si les Canadiens (ou le monde en général) se désintéressent du conflit en Ukraine est légitime. Peut-être que ceux qui voulaient envoyer des dons ont donné. Peut-être que ceux qui étaient prêts à accueillir des familles réfugiées sont déjà dans le processus. Peut-être que plein de personnes lisent encore les nouvelles avec attention et en discutent avec leurs proches. Il y a plein de façons de s’intéresser à une situation mondiale sans que ça paraisse nécessairement dans les médias ou dans les statistiques.

Mais je ne suis certainement pas la seule qui, à un certain moment, a eu besoin d’un peu de calme mental. Une question de santé mentale… Regarder des vidéos de guerre tous les jours, à tous les postes, ça draine et ça n’aide pas ceux qui vivent la guerre à se sentir mieux ni à être plus en sécurité. Lire plusieurs fois par jour qu’une tuerie a eu lieu, qu’une enquête est en cours, que tel président ou tel premier ministre a déclaré qu’un dirigeant est un gros pas fin, ça m’épuisait. Ça me siphonnait de l’énergie. Ça me rendait triste. Ça m’éteignait. Et ça n’aidait personne. Je sentais monter en moi un sentiment d’injustice profonde qui était en train de se transformer en désespoir face à l’humanité.

Je suis plus capable d’amener de la lumière et de l’harmonie dans mon cœur, dans ma famille, dans mon entourage si je ne suis pas obsédée par la violence du monde. Mes enfants sont moins anxieux si on parle de leur journée au souper au lieu de s’inquiéter du sort de l’humanité. Je suis suffisamment informée pour répondre à leurs questions s’ils en ont et pour discuter de la situation avec des collègues ou d’autres adultes. Cependant, je veux conserver de l’espace mental pour autre chose. Même mon corps tendu m’indiquait qu’il était temps que je décroche.

Chers Ukrainiens, chers Russes, chers Européens, chers humains, cher tout le monde qui souffre, qui a peur, qui a faim, qui est en danger : je pense à vous, je vous envoie de la lumière, et sachez que je contribue à ma façon à la paix dans le monde, même si je ne passe pas mes journées à lire le dernier article sur la guerre ou en regardant la dernière vidéo de quelqu’un qui s’est fait tirer dans le dos.

Nathalie Courcy

Y’a pu personne qui tolère personne ! Texte Marie-Nancy T.

Généralement, quand j’écris un texte, je me donne pour mission d’aider les gens à mettre en

Généralement, quand j’écris un texte, je me donne pour mission d’aider les gens à mettre en mots leurs maux, en faisant référence à des faits tangibles. Pour ce texte, je me suis donné, comme petite mission, de lancer une réflexion sociale sur l’intolérance que nous avons parfois les uns envers les autres. Finalement, après relecture, je me suis rendu compte que mon texte, ben c’est une grosse montée de lait. Pis vous savez quoi ? Je l’ai laissé de même. Vous êtes donc tous prévenus. À vous de voir si vous poursuivez la lecture ou si vous cessez maintenant.

Y’a-tu juste moi qui trouve que l’ambiance est lourde au Québec et partout dans le monde ces temps-ci ? On dirait qu’on est de moins en moins tolérants les uns envers les autres. Les mois de janvier, février et mars sont les mois les plus tough et les plus froids de l’année. C’est difficile pour le moral et pour l’énergie. Il fait -20 à l’extérieur et on dirait qu’en plus, il fait -35 dans le cœur des gens. Hey ! Allô ! Il y a une guerre qui vient d’éclater en Ukraine. On est en 2022 ! Y’a-tu juste moi qui ai peur pour la suite des choses ? Parce qu’on ne va pas se mettre la tête dans le sable, on est tous concernés. Même au Canada, il y a des risques. On fait partie de l’OTAN.

Y’a-tu juste moi qui trouve qu’écouter les nouvelles ces temps-ci, c’est à faire peur ? On dirait que toutes les nouvelles sont construites pour nous faire haïr ou juger quelqu’un. Comprenez-moi bien là, je ne fais pas référence ici à une nouvelle qui parle d’un criminel qui a commis un crime ignoble. Moi aussi, ça me répugne et je condamne le criminel dans ma tête. Je parle de PIERRE qui se fait condamner parce qu’il a décidé de manifester, sans violence, pour s’exprimer. Ou de JEAN, 20 ans, qui est crucifié sur la place publique parce qu’il a osé faire le party un peu trop fort ou encore de JACQUES, qui devient la risée du Québec parce qu’il a fait faillite. Voyons donc, y’a même des artistes qui ont perdu leur emploi après que des gens se sont acharnés sur eux. Simplement parce qu’ils n’étaient pas en accord avec leurs idées. C’est quoi ça ? On est-tu vraiment rendus aussi bas ? Sérieux ? Oh et en passant, juste au cas ! Ce n’est pas contre les journalistes, ils exercent leur métier au meilleur de leur capacité. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en accord avec une nouvelle qui est annoncée que ça donne le droit d’attaquer ou de pousser un journaliste en pleine rue. Ils sont humains, ils font leur travail. Je le précise parce que oui, aussi honteux que cela puisse paraître, on a vraiment vu cela dans les dernières semaines au Québec. SÉRIEUX ?

Il y a quelque temps, mon enfant a perdu son cellulaire à son école secondaire. J’ai placé une annonce sur un site dédié à cela, pour demander aux gens de garder l’œil ouvert. J’ai eu droit à des commentaires du genre : « Depuis quand on achète des cellulaires à des adolescents de cet âge-là, enfant gâté, parents indignes, enfant roi, demande à tes parents ils vont t’en acheter un autre ». Et là, j’en passe et je n’énumère pas les mots vulgaires utilisés. SÉRIEUX LÀ !! C’est quoi ça ? Mon ado travaille la fin de semaine et paye son cellulaire. De toute façon, ce n’est même pas la question. Je me suis dit : ça dépasse l’entendement ! C’est insensé ! Les gens ne peuvent pas être aussi cruels !

Non mais, on n’est pas censés, nous les humains, être la version la plus évoluée des êtres vivants ? Y’a pu personne qui tolère personne, on dirait ! Je comprends que la pandémie a divisé les gens et va continuer de le faire, inopportunément, pendant quelques années. Ben oui, on va être honnêtes là. Peu importe notre opinion sur le sujet, vaccin ou non-vaccin, pour ou contre les mesures, on s’entend pour dire qu’il a y eu déshumanisation au cours des deux dernières années. C’est mon domaine d’expertise les relations humaines, donc je peux m’avancer sur le sujet. Les gens peuvent bien ne plus se tolérer entre eux. Je comprends aussi que les réseaux sociaux sont parfois la courroie de messages haineux. Mais au-delà de ça ! Est-ce que je suis la seule à trouver que c’est à faire peur ? Est-ce que vous avez peur, vous aussi, pour les futures générations ? Pour la génération de nos enfants ? Ça va être quoi leur avenir à eux si ça continue ? C’est vraiment un bel héritage qu’on génère pour eux en ce moment. Bravo à nous tous, gang de champions !

J’ai mal à ma société ces temps-ci. Peut-être que la religion c’est dépassé, mais je m’ennuie du temps où le message principal était : aimez-vous les uns les autres. Si au moins on pouvait se dire : « respectez-vous les uns les autres » ou encore moins d’investissement, JUSTE : « Tolérez-vous les uns les autres » ! Ça serait déjà ça !

Quand on regarde toutes les énergies qui sont déployées pour gérer les conflits de toutes sortes au Québec et à travers le monde ou pour débâtir la réputation d’une personne sans raison, je me dis ceci : imaginez si tout ce temps et tout cet argent étaient investis et dépensés pour la protection et l’éducation de nos enfants, pour nos systèmes de santé et de justice ou pour les relations humaines en général ! Me semble que notre société serait beaucoup plus en santé, non ?

Sérieux, je nous souhaite d’être de plus en plus tolérants les uns envers les autres. Arrêtons de blâmer PIERRE, JEAN ou JACQUES et faisons tous notre part pour défaire cet engrenage-là. J’ai le goût de laisser ça en héritage à nos enfants et à nos futures générations, moi. Me semble qu’ils se sont sacrifiés pour notre société au cours des deux dernières années, nos jeunes ? Ils méritent que les adultes qui construisent la société de demain se sacrifient pour eux maintenant. Si tu as le goût de faire une différence eh bien, c’est aujourd’hui que nous devons commencer, tous ensemble.

 

Marie-Nancy T.

 

 

Fuir la guerre, trouver la paix — Texte : Nathalie Courcy

« La guerre, la guerre, c’est pas une raison pour se faire mal… » À la fin du film, on

« La guerre, la guerre, c’est pas une raison pour se faire mal… »

À la fin du film, on pleurait, mais on restait avec une impression de douceur et un message d’amitié.

Peu importe le quand et le comment de la fin de la guerre en Ukraine, ce ne sera pas un happy end. Il y a déjà trop de morts, trop de blessés physiques et émotifs, trop de réfugiés, trop de droits bafoués. Des deux côtés (il ne faut pas accuser les citoyens russes des décisions de leur chef, la nationalité russe ne fait pas automatiquement d’eux des pro-Poutine, pas plus que le fait d’être québécois ne fait de nous des pro-poutine… en tout cas).

Avec ce qui se passe en Ukraine et à plein d’endroits dans le monde (j’inclus les foyers familiaux où les enfants mangent des coups pour déjeuner et où les adultes devraient lever le drapeau rouge quand ils voient que le drapeau blanc est remisé aux oubliettes), ce n’est pas facile de voir la beauté du monde ces temps-ci. Je l’ai trouvée à 35 minutes de chez moi, en Outaouais. Un gîte en pleine nature, entouré de neige, de silence et de coyotes.

J’ai abouti ici pour m’offrir un congé de ma vie quotidienne. J’ai pris quelques jours de vacances et je me suis inventé un voyage à faible coût et à faible kilométrage. Je me suis magasiné un endroit pour passer quelques jours tranquilles, mais dans le fond, c’est du temps que je me suis magasiné. Du temps pour moi. Juste moi. Saine égoïste que je suis.

Mais quel est le lien entre la guerre en Ukraine et le gîte en campagne ? J’y viens, j’y viens.

Les propriétaires du gîte, Oussama et Leila, sont nés au Liban. Ils ne se connaissaient pas. En 1976, pendant que la guerre civile faisait rage, ils se sont tous les deux réfugiés au Canada, où des membres de leurs familles habitaient déjà. Puisque « l’amour a pris son temps », ils se sont rencontrés à Ottawa, y ont fondé une famille avant de s’établir du côté québécois de la rivière. C’est ici qu’ils ont construit leur magnifique gîte où ils accueillent des humains en quête de paix.

C’est le cercle de la vie, me direz-vous. Ils ont fui la guerre pour trouver la paix, et maintenant qu’ils l’ont trouvée, ils la partagent.

Et si, comme Oussama et Leila, on faisait dès aujourd’hui un geste, petit ou grand, pour vivre la paix en soi et pour l’offrir autour de soi ? Peut-être que le monde serait un peu plus beau, un peu plus doux ?

Nathalie Courcy

L’Histoire dira si on s’est trompés – Texte : Nathalie Courcy

Treize années de guerre. 40 000 militaires canadiens sur le terrain. 165 Canadiens décédÃ

Treize années de guerre.

40 000 militaires canadiens sur le terrain.

165 Canadiens décédés.

Sans compter les traumatisés, les suicidés, les poqués.

Sans compter les familles à qui ils ont manqué, les enfants qui ont fêté leur anniversaire sans leur papa, sans leur maman pendant des années. Ou qui grandiront sans lui, sans elle.

Et maintenant ?

Maintenant, tout est à recommencer. Le bouton reset n’a pas été enfoncé dans le bon sens. L’Afghanistan est en train de retourner aux mains des talibans. La démocratie perd du terrain, mais elle ne perd pas son sens.

Le papa de mes enfants y est allé. Il en est revenu. Fiou. Je me souviens, dans le temps (pourtant, 2001-2014, ce n’est pas si loin), on formait une communauté serrée. Les conjointes de militaires. On se parlait chaque jour, parfois chaque heure, sur les forums de discussions. Même pendant la nuit. On s’encourageait, on s’informait, on s’épaulait. On avait peur ensemble quand ils partaient vers les terrains minés ; on était soulagées ensemble quand ils en revenaient sur leurs deux pieds. On pleurait ensemble quand leurs pieds sortaient de l’avion en premier, accueillis par une haie d’honneur éplorée. Les bérets inclinés, les visages livides. Un frère d’armes était mort. Une sœur d’armes était morte. Un de leurs frères, une de leurs sœurs. Tout court.

Ceux qui sont revenus en vie et qui le sont restés voient maintenant leur travail défait. Les lieux qui avaient été sécurisés sont tombés. La démocratie timide a dû fuir l’Afghanistan. Des milliers de réfugiés seront cachés ici, ailleurs. Mais combien d’enfants, de femmes, d’hommes, de personnes âgées, ne pourront pas être sauvés ? Quelles horreurs recommenceront ? Quelles violences règneront ?

La covid prend beaucoup de place dans les médias. Les élections fédérales. Les olympiques. La canicule. La face de Trump. Je ne veux pas que les médias redeviennent obsédés par la situation en Afghanistan. C’était pénible, je vous jure. On est plusieurs à avoir éteint notre télé pendant de longs mois pour éviter d’en faire des cauchemars ou d’angoisser nos enfants. Mais quand même, la réalité est là. L’Afghanistan libéré à grands coups d’aide humanitaire et de sang international est en chute libre et j’ai peur. Je suis triste, aussi.

À toutes les conjointes de militaires, à tous les conjoints de militaires, à tous les enfants et à tous les parents de militaires : je pense à vous. Je pense à vous qui vous dites peut-être, comme moi : « Mais pourquoi ?! Est-ce que tous ces morts ont été inutiles ? Est-ce que ça va recommencer ? »

Je pense à ceux qui ont enterré un ami, une sœur, un fils, un parent, descendu sous terre dans un cercueil recouvert de l’unifolié. Vous ne pouvez pas en vouloir à l’uniforme qu’ils avaient choisi. Mais je comprendrais que vous en vouliez à la réalité.

L’Histoire dira si on s’est trompés. Et peut-être aussi qu’on ne saura jamais ce qui serait arrivé si on était restés là-bas plus longtemps. Le Canada est fort, mais il ne peut pas sauver la terre entière. Nous, comme familles, nous sommes forts, mais nous ne pouvons pas nous sacrifier éternellement.

Nathalie Courcy

Savoir apprécier les petites choses de la vie

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C’était à la fin de l’année 1995. Les Casques bleus commençaient à se retirer de la Bosnie-Herzégovine, car les troupes de l’Organisation des Nations Unies n’étaient pas capables d’établir un maintien de la paix. L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord a donc décidé d’envoyer des troupes. Les troupes de l’OTAN avaient beaucoup plus de marge de manœuvre que les troupes de l’ONU en ce qui concerne les règles d’engagement.

À ce moment, j’étais affecté avec un régiment blindé de la base de Petawawa. Nous étions à la mi-novembre et j’apprenais de mes supérieurs que je serais déployé. Quelle joie dans mon cœur! Moi qui avais 25 ans et qui rêvais de partir en mission à l’étranger pour servir mon pays. C’était un des plus beaux cadeaux qu’on pouvait me faire.

Mais c’était rapide, car nous avions seulement deux semaines d’entraînement et on devait prendre notre congé de Noël. Je ne vous l’ai pas encore mentionné, mais je ne savais pas où je m’en allais. Personne ne pouvait me donner l’information à propos de l’endroit du camp parce que celui‑ci n’avait pas encore été déterminé. On m’avait dit : « Prépare-toi à vivre dans un véhicule blindé pour quelque temps peut-être. »

Le 23 janvier 1996, j’atterrissais à Zagreb en Croatie. Par la suite, on a tous embarqué dans des autobus. Et je me rappelle quand nous sommes passés de la Croatie à la Bosnie, le paysage avait soudainement changé. Plus on avançait sur les routes et pire c’était. Il y avait des maisons entièrement détruites. La plupart avait des trous de balle dans les murs. Celles qui tenaient encore debout n’avaient aucune fenêtre et aucune porte. Les gens demeuraient quand même dans leur maison. Il y avait environ 15 cm de neige au sol. Et là, je me suis dit : Mais qu’est ce que je fais ici? C’était beaucoup plus effroyable que ce qu’on voyait à la télévision. J’étais dedans cette fois au lieu d’être dans mon salon. Mais j’étais toujours fier d’être là et de faire partie des Canadiens qui pourraient faire la différence.

Arrivés au camp à Velika Kladuša, nous avons dû rester là pendant deux semaines parce que notre camp n’était pas prêt. Ce fut la joie lorsque nous sommes arrivés au camp Maple Leaf à Zgon. On savait que ce serait notre maison pour les six prochains mois. Les journées de travail débutaient à 8 h et se terminaient souvent à 23 h ou même plus tard. Tout le monde était très occupé à finaliser le camp et à partir sur la route pour effectuer des patrouilles. Nous avions le strict minimum pour un peu plus de 400 hommes. Une seule télévision, une table de billard, quelques appareils de musculation et trois lignes téléphoniques que nous avons obtenues trois semaines après notre arrivée. À ce moment‑là, les gens n’avaient pas de cellulaire et ne pouvaient pas contacter leur famille au tout début.

L’eau était pompée de la rivière et décontaminée par la suite dans un bassin. Cette eau était utilisée pour les douches. Nous avions de l’eau chaude pendant deux heures pour laver dix hommes à la fois dans une tente. Il était quelquefois impossible de se laver, car l’eau était trop contaminée. N’oubliez pas, nous sommes dans un pays en guerre et dehors, des carcasses se trouvent sur le sol et dans les rivières.

De vraies toilettes pour six mois? Non, oubliez cela. Que des toilettes chimiques pour geler l’hiver et te faire envahir par les mouches l’été ou te faire piquer.

Mais malgré tout cela, nous étions heureux. L’esprit de camaraderie était tellement fort! Même si nous n’avions rien, ce n’était pas grave. On avait des frères d’armes sur qui on pouvait compter. Même si tous les soirs, je devais me coucher sur mon lit de camp avec mon oreiller improvisé (un t-shirt rempli de serviettes). Même si tous les matins, je devais inspecter mes bottes pour vérifier s’il y avait un petit lézard dedans. J’étais heureux de me lever le matin et d’enfiler ma chemise de combat avec le drapeau canadien.

4 juillet 1996, une semaine avant notre retour au pays, un des nôtres perdait la vie dans un accident routier. C’était la première fois que je vivais cela et c’était difficile à vivre. Lors de la cérémonie, le clairon s’est mis à jouer et je me serrais les dents pour ne pas pleurer. Bien voyons! Il n’était pas question que je verse une larme devant les autres…

De retour au pays peu de temps après… même si j’avais aimé l’expérience de ma première mission, j’étais content de rentrer chez moi.

Enfin, le premier soir dans mon lit, je retrouvais le côté douillet qui m’avait manqué les six derniers mois. Et quoi dire de mon oreiller! Jamais je n’aurais pensé qu’un oreiller pouvait être une chose que j’appréciais autant dans la vie. Souvent, on tient tout pour acquis, mais quand on vit dans la misère un peu, on devient capable d’apprécier les petites choses banales de tous les jours. Laissez-moi vous dire que nous sommes très chanceux d’avoir grandi dans notre beau pays.

Ma première mission fut la meilleure des trois missions que j’ai faites à l’étranger. Pourtant, nous n’avions rien côté logistique et la nourriture laissait parfois à désirer. C’était la première fois que des soldats canadiens étaient déployés sans aucune permission de prendre de l’alcool. L’esprit de corps était au maximum et nos supérieurs étaient fantastiques. C’est pour cela que je garde d’excellents souvenirs de cette mission même si le décor extérieur était horrible. Je garde les moments de joie passés avec mes frères d’armes. Je garde aussi une pensée pour les frères d’armes que j’ai perdus.

 

 Carl Audet

Quand le syndrome de stress post-traumatique s’invite

 

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  1. J’ai dix ans. Mon papa militaire revient d’une mission en Bosnie. Il ne le sait pas encore, mais il a développé un syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Moi, je sais seulement qu’il a changé. Il a été confronté à la mort de trop près, trop souvent et sans répit. Son cerveau s’est mis à réagir au stress de façon extrême et sans discernement. Maintenant, quand je fais une gaffe, ce n’est plus de la colère que je vois dans ses yeux. C’est comme si je menaçais sa vie. Je n’aime pas voir mon papa dans cet état, alors je me tiens tranquille pour ne pas éveiller le volcan…
  1. J’ai quinze ans. J’ai bien essayé d’éviter de le mettre en colère, mais ça l’a mis encore plus en colère. Mes parents ne croient pas que mon premier amoureux est un bon garçon pour moi, alors ils m’ont obligée à le laisser. Je l’ai fait, mais j’ai repris avec mon chum en cachette. Et là, mon papa vient de le découvrir. Il a pété les plombs. Il se demande même si mon chum va porter plainte pour voie de fait. Moi, je me suis embarrée dans la salle de bain. J’attends que mon père se calme pour sortir. Il me hurle mon hypocrisie à travers la porte. Là, ce que j’ai fait, c’est vraiment grave, je l’avoue, mais j’aurais fait une petite niaiserie de rien du tout et il serait à peu près au même niveau d’intensité. Il n’a plus d’entre‑deux, mon papa. C’est comme si c’était toujours une question de vie ou de mort. Il n’y a pas qu’à moi qu’il a fait peur cette journée‑là, il s’est aussi fait peur à lui‑même. Ça l’a décidé à aller chercher de l’aide. Avouer un syndrome de stress post-traumatique dans l’armée, c’est délicat. Pas seulement parce que la santé mentale c’est tabou. Mais aussi parce que ça remet en question ta capacité à faire ton travail…
  1. J’ai trente‑cinq ans. Dans la dernière année, j’ai rencontré deux militaires hauts gradés qui ont croisé le chemin de mon père pendant sa carrière militaire. Leur carrière militaire s’est poursuivie, la sienne s’est interrompue, à cause du SSPT. Mon père, si tu l’employais pour placer des boîtes de conserve sur les étalages de ton épicerie, il te placerait ça d’une manière tellement efficace et innovante que tu finirais par lui demander de gérer ton commerce. C’est ce genre de gars‑là. Ça fait partie de lui. Il engage en entier son cœur et son ingéniosité dans tout ce qu’il accomplit. Je dis souvent que je suis une perfectionniste qui essaie de dompter son perfectionnisme. Lui, c’est un perfectionniste tout court. Et il ne s’en fait pas de modèle plus courageux. Si ma vie était menacée, j’aurais une confiance absolue envers lui pour venir à ma rescousse. Alors, revenons à ton épicerie… Ce héros-là, inévitablement, finirait par la gérer et tu ne voudrais plus te passer de lui. Mais il atteindrait aussi un niveau de stress qu’il ne pourrait pas supporter. Il finirait inévitablement par claquer la porte. C’est pour ça qu’il n’arrive plus à travailler.

Il est devenu grand-papa il y a dix ans et il remplit ce rôle avec brio. S’il y avait des médailles à décerner aux grands‑pères exceptionnels, il raflerait l’or chaque année. La petite fêlure du SSPT et l’aide qu’il reçoit le rendent encore meilleur qu’avant. Tous les héros ont leurs failles de toute façon… Je comprends bien ce côté de sa personnalité désormais et je navigue avec plus d’aisance autour de lui. Par contre, je n’ai jamais perdu l’habitude de le traiter avec des pincettes et j’ai expliqué la condition de leur grand‑père à mes deux garçons dès leur plus jeune âge.

Il ne s’était jamais emporté devant ses petits‑fils. Jusqu’à hier. Hier, deux petits garçons de sept et dix ans ont compris ce qu’était le SSPT. En fait, pour être bien honnête, ce n’est pas lui qui s’est emporté. Lui a simplement agi sous l’impulsion du stress qui l’envahissait. La fameuse réponse fight or flight (on n’a jamais accès à l’option freeze avec mon père)… C’est moi qui ai fait des éclats dans cette histoire. Parce que cette fois‑ci, je ne pouvais pas accepter la blessure sans broncher.

Mes parents nous conduisaient à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Après deux semaines de visite, je repartais chez moi avec deux petits‑fils au cœur lourd. Mon père n’a pas l’habitude de conduire à Montréal. Nous étions donc partis très tôt pour disposer d’une marge de manœuvre en cas d’imprévu. Étant donné que tout avait roulé comme sur des roulettes, nous étions arrivés à Montréal avec cinq heures d’avance pour notre vol, ce qui nous laissait amplement le temps de profiter d’un dernier repas ensemble. C’est quand mon père s’est mis à chercher un restaurant que les choses se sont compliquées. En résumé, le stress a monté et il a décidé qu’il nous plantait aux portes de l’aéroport. Évanoui, le repas qu’on avait prévu tous ensemble. Disparu, l’au revoir tout en douceur. Pouf !

Cette fois‑ci, avec mes deux cocos et mes valises, déposée ridiculement en avance sur le trottoir d’un aéroport, j’ai osé faire un peu de vagues. J’ai osé dire à voix haute ma tristesse et ma colère de voir mes enfants ainsi bousculés. Mais le droit de parole, dans ma famille, n’est pas également distribué. Souligner notre difficulté à communiquer et la souffrance que ça peut causer… il n’y a pas de place pour ça. Bref, il semblerait que notre seul problème ait été ma jolie petite tempête d’émotions juste à moi. Bien sûr, j’aurais encore dû étouffer et refouler bien comme il faut… Enterrer ma frustration pour l’éternité.

Pourquoi raconter l’histoire de la femme de trente-cinq ans qui pleurait comme une petite fille en attendant son avion hier ?

Parce que pour mon père, c’était la Bosnie. Et vingt ans plus tard, pour mes amis militaires, c’est l’Afghanistan. Et malheureusement, cette réalité existait aussi dans les générations précédentes, dans d’autres conflits armés. À travers le temps, il y a toujours eu une partie de nos héros qui nous revenaient blessés, physiquement ou mentalement. Mais j’ose espérer mieux pour le futur. Et pour cela, il faut se libérer des non‑dits. Il faut offrir des outils au lieu d’un beau gros paquet de honte.

Ça me touche lorsque je vois un copain partager sur Facebook sa participation à un programme de soutien comme Sans limites https://www.sans-limites.ca ou un autre qui témoigne de ses épreuves dans le livre En terrain miné de Roxanne Bouchard http://www.edvlb.com/en-terrain-mine/roxanne-bouchard/livre/9782896493470. Je pense à leurs petites filles qui ne vivront pas le SSPT en cachette, sans trop comprendre ce qui arrive à leur famille. Un tel syndrome ne se règle pas tout seul. Plus vite on identifie ce qui grince, plus vite on peut recevoir de l’aide et éviter l’autodestruction, l’automédication et le suicide.

Nous devons notre compréhension et notre sollicitude à ceux qui courent au-devant du danger pour nous en protéger. Comme société, il faut leur accorder les honneurs auxquels ils ont droit. Ce sont de vrais vétérans, de vrais héros. Qui font le sacrifice de leur santé physique comme de leur santé mentale.

De la part d’une petite fille de trente‑cinq ans qui essaie encore et toujours de soutenir son papa comme elle le peut. Même si ce n’est pas toujours facile.

Eva Staire

Jour du Souvenir : Au-delà de l’uniforme, il y a mon homme

Cet été, je célébrerai avec mon homme nos vingt ans de vie comm

Cet été, je célébrerai avec mon homme nos vingt ans de vie commune. Et dire qu’en 1997, je ne voulais rien savoir de sortir avec un militaire…

Je travaillais comme guide touristique à la Citadelle de Québec, une base militaire de la réserve. Je voyais plein de guides (et de touristes!) triper solide sur les uniformes et sur ce qu’il y avait dedans. Moi, bof. Qu’il soit rouge écarlate, en poils d’ours ou en version camouflage, un uniforme, pour moi, c’est juste un vêtement comme un autre, ou pire qu’un autre, c’est selon.

Je ne sais pas si c’est parce que mon père policier a porté l’uniforme jusqu’à ce qu’il meure à trente-trois ans d’un interminable congé de maladie, mais je n’ai aucune attirance pour l’uniforme et ce qu’il représente.  Je me suis toujours définie comme pacifiste. Plus jeune, j’écrivais des odes à la paix sur Terre. Entendre les cris de mort et le sang qui gicle dans les jeux vidéo me donne envie de vomir. J’ai failli échouer mon cours d’histoire au cégep parce que je refusais de visionner les reconstitutions des guerres mondiales. Alors, aimer un représentant de la guerre, je vais passer mon tour.

Mais bon. Parfois, la vie abat ses pattes sur nos plans, les ratatine en petites boules et les lance dans le feu. C’est ce qui est arrivé le soir où j’ai rencontré un militaire, à qui je n’ai pas pu résister. Au lieu de m’emprisonner dans ma perception de l’armée (une gang de G.I. Joe pro-guerre), j’ai accepté, avec réticence, d’ouvrir mes yeux et mon cœur.

J’ai découvert tout un groupe d’amis fidèles qui avaient vécu le collège militaire : les étés à apprendre l’anglais, les cours de recrues, les trajets de plusieurs heures pour retourner voir leur famille pendant les longues fins de semaine. J’ai découvert des hommes, quelques femmes aussi, qui tenaient à leur carrière, qui étaient fiers de leurs diplômes, qui s’entraînaient et qui discutaient de voyages, de philosophie, de triathlon et du dernier concert de Robert Charlebois.

Avec le temps, j’ai vu ces militaires revenir d’Haïti ou de Bosnie avec leur béret bleu et leur fierté d’avoir aidé la démocratie à se tailler une place. Puis, j’ai vu la plupart d’entre eux prendre leur retraite des forces armées canadiennes pour continuer dans le milieu civil. Ils ont délaissé leur uniforme, mais ils ont l’armée et leurs souvenirs de militaires tatoués sur le cÅ“ur. Et parfois, aussi, sur l’avant-bras, sous les traits d’un coquelicot (fleur associée au “Jour du Souvenir”).

Mon militaire chéri est dans l’armée depuis ses seize ans. Il ne compte plus les marches forcées de treize kilomètres qu’il a dû réussir, chargé de cinquante-cinq kilos d’équipement. On déménage plus souvent qu’à notre tour, parfois tous les deux ou trois ans. Il a arrêté depuis longtemps le décompte des mois passés ailleurs qu’à la maison et des événements familiaux ratés pour « raisons opérationnelles ». « Engagez-vous», qu’ils disaient!

Bien sûr, il y a des avantages à être militaire : le salaire est stable et une fois les années d’entraînement passées, la sécurité d’emploi est enviable. Ils ont la chance de voyager pour des entraînements, des missions ou des mutations au Canada et à l’étranger. Avantage ultime : ça ne coûte pas cher de vêtements. Mais ça fait des cordes à linge monotones. 

En ce 11 novembre, de quoi ai-je le goût de me souvenir ?

mfmcQue l’uniforme n’est qu’un camouflage derrière lequel existent un individu et son histoire. Mon mari n’a jamais tiré sur personne. Il a entendu des tonnes de roquettes siffler au‑dessus de sa tête, mais n’a jamais reçu de balle. Il ne s’est pas battu à Vimy comme plusieurs de nos grands-pères ou de nos arrière-grands-pères, mais il contribue à la paix, à sa façon. La vie d’un militaire ne ressemble pas à Call of Duty, mais chaque homme et chaque femme qui endosse l’uniforme a quelque chose d’un héros.

La journée où j’ai rencontré mon homme, il m’a parlé des enfants qu’il rêvait d’avoir, de la relation stable qu’il espérait et de sa passion pour son travail. Au-delà de l’uniforme, ce qui m’a séduite, c’est l’humain. Et des humains en uniforme ou en civil, ça en prend plein pour faire grandir la paix et rendre le monde plus sécuritaire, plus humain.

Merci aux militaires de contribuer au maintien de la paix, et merci à leur famille de les soutenir.

Jouets de guerre

Dans sa lettre au père Noël, votre petit dernier demande un costume de pirate et une épée pour c

Dans sa lettre au père Noël, votre petit dernier demande un costume de pirate et une épée pour combattre les méchants. Vous n’aimez pas trop l’idée de lui offrir une « arme » en cadeau, même si elle est faite de plastique. La Presse vient de publier un article super intéressant au sujet des jouets qui ont une connotation violente.

http://plus.lapresse.ca/screens/13293b7a-8be9-4f69-ae78-2e1cc5e7f7ba%7C_0.html