Être une mère, c’est pas vraiment pour toujours. Évidemment, on porte notre enfant dans notre c
Être une mère, c’est pas vraiment pour toujours. Évidemment, on porte notre enfant dans notre cœur et lui, nous porte dans le sien. Cependant, la job de maman ça dure un gros vingt ans max. Pis j’suis rendue là. Mon fils a 19 hivers et ça m’effiloche la fibre maternelle un brin.
On s’est rencontré lui pis moi par l’entremise de son père. C’était une belle nuit de Vodka où j’ai misé à la roulette russe avec mon ovule et que j’ai gagné. Évidemment j’ignorais ma luck quand j’ai pissé sur le p’tit bâton trois semaines plus tard. J’étais sûre d’être piégée.
J’ai appelé Morgentaler à l’aide, comme d’habitude. Mais le fœtus, en snoro, a germé et vrillé jusqu’à mon oreille interne. «Allo!» qu’il a dit. Han? Quoi? Heu… Allo! que j’lui ai répondu. «Tu peux pas me jeter, c’est moi!» qu’il a ajouté. Heille… qu’est-ce que vous vouliez que je fasse? J’étais une toute croche qui se sentait pas prête pantoute pour ça. Lui, y’était certain que je serais adéquate, semble-t-il. Pis y’est super bright, mon gars. Fait que, je l’ai écouté.
La Player’s Light est partie faire un tour aux oubliettes pis l’acide folique a pris le dessus. J’ai laissé ma bedaine ballouner jusqu’à me ramener les épaules vers l’arrière pis j’ai acquis des RÉER. Je me suis ensuite projetée vers l’avenir, le nombril droit devant. J’allais être LA mère. Et il serait MON fils. À jamais unis par le lien du sang! Rhaaaaaa!
Quand il m’est arrivé dans les bras après une bien bizarre d’expérience pour un être humain, on se le cachera pas, je l’ai reconnu tout de suite. Même avec le nez tout effoiré d’avoir passé dans le tunnel de la vie. À ce moment, j’suis devenue tout pour lui. Et il était tout pour moi. Plus fusionnel que ça, tu te transformes en un alliage de chair et de couches Pampers.
Pendant environ quatorze ans, notre vie ensemble a consisté à jouer. On s’est amusé à se faire des faces, des coucous! et des bous! On a joué à la cachette, aux Duplo, aux Legos. On s’est diverti à lire le nom des rues, à écrire dans la neige et à additionner les plaques d’immatriculation. On s’est déguisé, chamaillé, chatouillé. On a poussé des p’tites autos, lancé des frisbees, kické des ballons. On a tué les méchants dans Baldur’s Gate et pris soin de poissons rouges et de ratons. On a ramassé des roches et chassé des vagues. On s’est tapé moult games de cartes et de planches jusqu’à ce qu’inévitablement, je perde ma progéniture aux jeux de ses copains beaucoup plus cools que les miens.
Je suis assez fière d’avoir compris que je ne pouvais pas garder le fruit de mes entrailles tributaire de mon amour inconditionnel. J’ai vite saisi que ce temps privilégié avec mon fils m’était compté et qu’un jour, il aurait à quitter mon sein. Je devais nourrir son ego autant qu’encourager son autonomie. Sinon, il allait se retrouver à vivre encore dans mon sous-sol à quarante ans, pis ça, c’est pas un cadeau à faire à son héritier.
Sachant ça, j’ai profité de chaque occasion pour renifler le top de sa tête comme une droguée jusqu’à ce qu’il pogne l’adolescence. Rendu là, il puait tellement que ça pas été dur de lui donner son indépendance. C’est ben fait la nature quand même, hein?
Nous deux, on s’est mué en meilleurs colocs, ever!! Complices comme des brigands, un peu négligés dans le ménage et jamais vraiment de chicanes. On regardait des émissions en soulignant les défauts de scénarisations, on marchait sur la rue avec de grandes enjambées si rapides que personne ne pouvait nous suivre et on se lâchait des insides de la mort.
Puis un jour, on s’est séparé, lui et moi. C’était fini. Je venais de perdre mon bébé, mon enfant, ma raison d’être et ma plus longue relation avec un mec. Ça aura duré moins de vingt ans.
Bien sûr, on se donne des nouvelles. Il va bien. Il se réalise comme jeune adulte avec son propre appart, sa blonde, ses boulots, ses études. On se voit de temps en temps pour que j’lui donne un peu de cash, jaser d’affaires qui nous font sentir plus smattes que les autres, pis se faire rire un peu, mais c’est pas tout à fait pareil.
Devenir la mère d’un homme, c’est vivre une peine d’amour annoncée, une mélancolie mêlée de fierté, un spleen heureux.
Pis à chaque fois que j’lui dis bye-bye, j’me mets sur la pointe des pieds pour essayer de lui voler une p’tite sniffe de son dessus-de-tête.
Question de me donner un fix jusqu’à la prochaine fois…
Auteure: Christine Foley alias auteure masquée
Texte provenant du https://auteuremasquee.wordpress.com/