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Se sentir pauvres

J’ai longtemps hésité avant d’écrire ce texte. L’argent, câ

J’ai longtemps hésité avant d’écrire ce texte. L’argent, c’est un grand tabou dans la société et à moins d’en gagner beaucoup, l’argent est souvent synonyme de honte et de culpabilité. Je me suis aussi demandé si j’allais publier ce texte de façon anonyme… mais je réalise que ce serait cette honte qui me pousserait à le faire, alors j’ai choisi de lever le voile et d’assumer.

Notre famille n’a rien d’exceptionnel et je sais que plusieurs se reconnaîtront à travers nous. Je suis mariée à un homme que j’adore profondément, et ce, depuis plusieurs années. Nous avons étudié tous les deux et avons des emplois qui nous rendent heureux. Nous avons eu des enfants. Oui, on a une famille. Oui, c’était notre choix. Cela étant dit, cela n’a jamais changé notre situation financière. Nous en sommes au même point qu’avec un seul enfant. On a une maison, une belle grande maison. Nous n’avons pas acheté une grande maison pour vivre au-dessus de nos moyens, au contraire. On a juste été chanceux d’attraper une belle opportunité et notre grande maison nous coûte le même prix qu’un loyer.

Quelqu’un m’a dit un jour qu’on était « dans les plus riches des pauvres ». Et c’est très vrai. Nous ne sommes pas à plaindre, nous avons un diplôme, un emploi, une maison… Pourtant, on se sent pauvres pareil et oui, souvent, on en a honte.

Chaque jour, on vérifie dans l’application quel chèque est passé dans le compte bancaire et quelle dépense il reste à payer pour le mois en cours. Chaque jour, on regarde les chiffres défiler avec la peur au ventre que la prochaine facture ne passe pas… parce que quand on calcule nos revenus, moins nos dépenses, on arrive à zéro. Chaque mois.

On n’a pas de voiture de l’année, on ne voyage pas, on reste à la maison pendant nos vacances, on ne se paye pas de sorties extravagantes avec les enfants… On n’a pas de femme de ménage ni de déneigeur, et quand quelque chose brise, on essaie de le réparer nous-mêmes… On ne se paye pas de luxe, aucun. Nos sorties au restaurant se résument à une sortie en famille dans les grandes chaînes ornées d’un coq, une fois par mois. On ne se paye jamais de vêtements. On habille la plus vieille à sa fête et elle repasse ses vêtements aux plus jeunes. Les grands-parents les gâtent avec des morceaux plus chics ou des kits d’hiver à leur anniversaire.

J’ai lu l’autre jour que lorsque l’on paye toutes nos factures et que nos comptes sont à zéro, c’est qu’on est responsables. Eh bien, on ne se sent pas responsables. On se sent pauvres. Et oui, on a honte. C’est vrai qu’on est fiers de ne pas avoir de dettes qui s’accumulent, mais les cartes de crédit accusent tous les mois quelques déficits qu’on peine à repayer à la prochaine paie…
On n’a jamais d’argent de lousse. On n’a pas d’économies. On ne vit pas dans le luxe. On n’achète rien de congelé et on cuisine tout nous-mêmes. Même nos plantes de maison nous ont été offertes. Quand un des enfants est invité à une fête d’amis, la seule chose à laquelle on pense, c’est comment on va faire pour débloquer un peu d’argent pour un petit cadeau.

On aimerait ça se payer un sac de chips à l’épicerie. On aimerait ça amener les enfants au zoo, au parc de manèges, ou au centre d’amusement. On aimerait ça leur acheter des tonnes de jouets pour Noël. On aimerait ça les amener au restaurant toutes les fois qu’on en a envie. On aimerait ça être capable de se payer une gardienne pour sortir en amoureux. On aimerait ça voyager. On aimerait ça avoir une voiture qui ne menace pas de rester prise à chaque grand froid. On aimerait ça finir les rénovations dans la maison. On aimerait ça…

Mais non. On reste responsables, hein ? Pas de luxe, pas de fla-fla. On paye des factures, de justesse. On repaye les cartes de crédit, avec le cœur serré chaque mois. Pis on a chaud devant la caissière à l’épicerie, parce qu’on a honte de la payer avec de l’argent qu’on ne sait pas si on a… On ne sait jamais si la petite machine va écrire « Transaction acceptée. Merci. » Et la seconde de délai nous paraît toujours interminable.

On sait aussi qu’il y a des milliers de familles dans des situations plus difficiles que la nôtre. Je pense souvent aux familles monoparentales, aux parents qui n’ont pas obtenu leur diplôme et à ceux qui sont nés dans la vraie grande misère… Alors on refuse de l’aide. On refuse l’aide de nos proches ou des organismes qui sont là. Parce qu’on veut qu’ils aident des gens qui en ont encore plus besoin de nous. Alors on reste là, devant le suspens de la machine à l’épicerie, la peur au ventre que la transaction soit refusée.

On continue, chaque jour, de vérifier les comptes et d’essayer de garder la tête hors de l’eau. Et à chaque imprévu de la vie, on a honte. On a tellement honte. Parce qu’on fait de notre mieux, mais que ça ne suffit pas. Et le pire dans tout ça, c’est que ça ne changera jamais. Alors on se répète que c’est ça, la vie.

Joanie Fournier

 

Pourquoi se créer des besoins plutôt que des souvenirs ?

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Pourquoi ? Je commencerais par me poser ces questions. Pourquoi notre société est-elle tellement axée sur la consommation ? Est-ce que c’est si important de posséder ? Est-ce que c’est utile d’avoir cinq télévisions, vingt-trois paires de souliers ou quatre consoles de jeux vidéo ? Est-ce qu’on a vraiment besoin du tout dernier modèle de cellulaire ? Je crois qu’il faut sérieusement se poser la question. Pourquoi les gens ressentent-ils le besoin d’avoir de très grandes maisons avec beaucoup de pièces à remplir avec beaucoup de meubles ? J’ai l’impression que d’être heureux, ce n’est pas assez. Est-ce que c’est ce que nous voulons montrer à nos enfants ? Toujours vouloir plus… eh bien, pas moi !

 

À mon avis, la notion de besoin s’est perdue avec le temps, en même temps que celle du mot pauvre, qui a pris une tournure trop négative. Dans notre société, les gens qui ont une toute petite maison, qui ont tout juste l’argent nécessaire pour l’épicerie, qui n’ont pas les meubles à la mode et qui ont une voiture de plus de dix ans sont considérés comme pauvres aux yeux des plus riches, malheureusement.

 

Mais c’est quoi être riche ? Pour la majorité des gens, il faut posséder, il faut avoir, il faut faire de l’argent pour être riche et heureux. Même dans mon entourage, il y a des gens qui ne comprennent pas pourquoi nous n’avons pas ce besoin, mon mari, mes enfants et moi, de consommer. Je trouve ça étouffant. On se sent pesant quand on a trop de choses. Est‑ce qu’on appelle ça de la simplicité volontaire ? Je ne sais pas. Chacun a sa définition de cette expression.

 

À tous ceux qui ont compris que l’on n’a pas besoin de consommer pour être heureux, j’aimerais vous dire ceci : vous êtes riches en temps, en créativité, en savoir, en amitié, en entraide, en amour, en compassion. Pas besoin d’habiter dans un palace pour dire qu’on est riche. Si vous avez un toit sur la tête, quelque chose pour vous vêtir, de la nourriture sur la table et de l’amour autour de vous, je vous annonce que vous êtes riche. Ce n’est pas ce qu’on possède ou ce dont on a l’air qui compte. C’est ce qu’on a en dedans. Au lieu de vous créer des besoins et de chercher le prochain achat que vous ferez, créez-vous des moments inoubliables, créez-vous des souvenirs.

 

La pauvreté est un grand mot compliqué et vu différemment par chacun d’entre nous. Alors je vais continuer de ne pas me créer de besoins et à apprécier ce que j’ai déjà !

 

Valérie Grenier

 

De babiche et de coton ouaté

Quand j’étais

Quand j’étais petite, ma famille n’avait pas beaucoup d’argent. Juste un salaire, qui est disparu avec le décès du parent pourvoyeur. Ce n’est pas avec les rentes de veuve et d’orphelins qu’on se paye du luxe, disons. Mais quand même. Notre mère a fait des miracles avec ce qu’elle avait.

On portait des habits de neige rapiécés et des vêtements cousus à la main (je me souviens encore de mon ensemble rose en coton ouaté, du jaune aussi, et du vert! Tous très confortables, pas très seyants, mais parfaits pour ce qui comptait le plus dans mon enfance : jouer!)

On mangeait des repas cuisinés avec amour. Notre jardin occupait un terrain complet. On cultivait assez de framboisiers pour nourrir tous les enfants et tous les oiseaux du quartier. En prime, on trouvait dans la terre les vers bien dodus qui nous permettaient d’aller pêcher sur le fleuve. Dans le temps où la couleur du Saint-Laurent était plus ragoutante.

On avait des amis, plein d’amis. À une époque, on a même eu des amis de piscine! Jusqu’à ce que la 24 pieds rende l’âme. Après ça, on s’est contentés avec bonheur d’avoir des amis tout court. Les vrais. Et avec eux, pas de compétition pour savoir qui a le plus beau tricycle ou la maison la mieux décorée : on jouait dehors. Dans nos habits de neige rapiécés et nos cotons ouatés à la « Thérèse ».

On sortait peu, mais ce n’était pas l’époque où les enfants avaient fait le tour du monde avant d’avoir atteint l’adolescence. Pas besoin d’aller au Biodôme pour admirer la flore et la faune : on les côtoyait dans notre cour. On allait parfois au cinéma, au centre d’achats, à la bibliothèque, au musée. Mais sérieusement, ça ne m’a jamais manqué et ça m’en a fait plus à découvrir quand j’ai été en âge de partir avec mon sac à dos. On était trop occupés à se voisiner, à jouer au 99 et à chanter autour du feu.

Dans le village où j’habitais, il y avait un magasin de bonbons à 1 cenne. À quoi ça m’aurait servi d’avoir des 20 piasses? Derrière chez moi, il y avait un immense champ, et derrière l’immense champ, il y avait une immense forêt. On avait des raquettes en babiche (les jeunes : vous chercherez ça sur Google, le mot « babiche »!) et des bottes d’hiver pour se promener autant qu’on voulait. Pendant l’été, on avait des rues sécuritaires pour faire du vélo, sans autoroutes ni violeurs.  

Notre richesse, c’était le temps qu’on avait. Le « pas de stress ». Le temps avec notre mère et nos voisins pendant l’été et après l’école. On avait une voiture qui roulait de façon sécuritaire, une école accueillante où on pouvait apprendre, un village où tout le monde connaissait tout le monde, et la liberté de faire ce qu’on voulait de notre vie, parce qu’on avait appris à se débrouiller pour avoir ce qu’on voulait. Parce qu’on avait appris à travailler pour réussir. Parce qu’on avait vu nos parents le faire avant nous.

Quand j’étais petite, je n’ai jamais eu l’impression qu’on manquait de quoi que ce soit, argent inclus. Je suis allée au privé au secondaire et au collégial, je suis allée à l’université, j’ai voyagé. J’ai acheté ma première maison à vingt-deux ans. Je sais comment faire un budget, mais je n’ai pas besoin de le faire pour arriver. Toute une liberté!

J’ai gardé mon côté écureuil qui emmagasine pour l’hiver. J’achète en plus grande quantité quand le papier de toilette est en rabais, je congèle mes légumes à l’automne, je mets mes propres confitures de framboises en conserve. Je couds, je jardine, je cuisine, je suis encore capable d’enfiler un ver sur un hameçon et d’attacher des raquettes (même les plus modernes! Mais j’avoue avoir un attachement symbolique à mes raquettes en babiche.) Mais c’est plus par plaisir que par nécessité.

J’ai changé de braquette d’impôts, mais ce qui n’a pas changé, c’est ceci : je chéris mon temps et mes amis. Et ma mère, qui m’a tant appris.

 

Nathalie Courcy