À la croisée des chemins – Texte: Mylène Groleau
Février venait de débarquer. Climat frisque
Nouvelle St-Valentin.
Février venait de débarquer. Climat frisquet, vent glacial. Des journées remplies de gris. L’hiver était long et semblait ne pas avoir vouloir céder sa place. J’avais besoin de cette énergie. Besoin du soleil plombant sur ma vie pour me laisser transporter vers du mieux. Du réconfort pour l’esprit et pour l’âme. J’étais seule, continuellement. J’errais partout. De mon 3 et demi à mon boulot. Ma vie était une satanée boucle qui ne cessait de se répéter. J’étais une loque humaine. Abîmée, effondrée par la vie. Mon cœur avait subi la plus grande peine. Tout mon être s’était métamorphosé en pure perte de moi-même. Je transpirais la solitude. J’étais une célibataire. Plus le temps passait, plus je finirais, certes, vieille fille.
Comme ma vie, inanimée, m’obligeait à sauter hors de mon lit pour me rendre au boulot, c’est par un matin de février que je l’avais remarqué. J’avais souri naïvement. Je l’avais déjà vu. Je ne me souviens plus du véritablement moment où je l’avais vraiment remarqué, mais en cette journée, cette vision avait éveillé en moi quelque chose de bon, du bien au cœur. De le voir me fit renaître. Une métamorphose s’emparait de moi. Et si l’amour était à ma portée, à nouveau ?
Son image a envahi mon esprit pendant les jours suivants. J’étais hypnotisée. Subjuguée. Je tombais amoureuse d’un inconnu. Existai‑je pour lui ? Avait-il remarqué ma présence ? Et c’est ainsi que j’ai tout tenté pour le recroiser. Je devais devenir visible pour lui. La simple idée d’exister pour lui me fit faire une volte-face sur moi. Mon temps de célibat avait laissé sur moi des traces visibles.
Puis, un matin, sur les trottoirs près des buildings de verre qui menaient à mon travail, j’ai bien cru l’apercevoir. J’ai pressé le pas pour le poursuivre. À chacun de mes pas, mon cœur battait la chamade au même rythme. Mon souffle se fit de plus en plus court, plus rapide. J’étais nerveuse et j’angoissais à la fois. Et j’ai perdu son image. Adossée sur un muret, je pris conscience de ma douce folie. J’ai repris ma route après avoir soufflé un peu.
Dans l’ascenseur me menant à l’étage de mon bureau, il était là. Ma respiration cessa nette. Nos regards se sont croisés. La profondeur et la pureté de son être m’observaient. Machinalement, j’ai appuyé sur le bouton pour fermer les portes de l’ascenseur. L’habitacle commença sa route vers le haut. Un seul chiffre s’illuminait sur le tableau des étages. Nous allions au même étage. Je pris le risque de me tourner vers lui et d’entamer la conversation. Moi, si timide, je n’avais plus rien à perdre.
Au fond de l’ascenseur, un mur de verre me renvoyait mon être. Mon être duquel je retombais amoureuse comme jadis. Je compris dans ma conversation mentale que je possédais en moi tous les attributs pour m’aimer. Ce fut le plus bel échange que j’ai eu de toute ma vie. L’échange de mon cœur à mon cœur. L’échange de mon être à mon être.
Mylène Groleau