Tag trouble d’anxiété généralisée

Diagnostic tombé ? Fuck les préjugés — Texte : Audrey Boissonneault

Tu es là, dans ta chambre, à essayer de dormir, mais la seule chose que tu fais, c’est de tourne

Tu es là, dans ta chambre, à essayer de dormir, mais la seule chose que tu fais, c’est de tourner d’un bord pis de l’autre en t’imaginant mille et une situations dans lesquelles tu pourrais te retrouver. Tu décides d’en parler à tes parents, tu es juste pu capable de faire de l’insomnie pis d’avoir des cernes qui descendent jusqu’au milieu de tes joues. La semaine d’après, tu as ton rendez-vous chez ton médecin, elle te pose quatre, cinq questions et bang !

Ton diagnostic est tombé : un trouble d’anxiété généralisée associé à une légère dépression.

Tu es là, choquée, le regard dans le vide pendant qu’on t’explique les conséquences de ces deux maladies mentales. On te dit que tout va bien aller, que tu peux en guérir, que tu dois travailler sur toi. Ils te disent qu’ils vont te recommander des personnes pour t’aider, qui ne seront pas là pour te juger. Mais ce n’est pas eux le problème, c’est la vie que tu as. Ce sont les personnes qui t’entourent, c’est toutes ses personnes qui sauront que t’es malade de l’intérieur.

On le sait bien que dans le fond, l’anxiété c’est dans notre « tête ».
On le sait qu’avoir une dépression signifie être sur le bord de se tuer.
On le sait qu’être bipolaire, c’est qu’on n’assume pas notre caractère.
On le sait qu’avoir une attaque de panique signifie qu’on n’est pas capable de se gérer.
On le sait que lorsqu’on a des idées noires, c’est parce qu’on n’est pas normal.
On le sait que pour vous, avoir une maladie mentale veut dire qu’on est fou, qu’on est bon pour aller dans une aile psychiatrique.
On le sait nous, qu’au fond, vous êtes juste bons pour cacher la vérité derrière des préjugés.
On le sait que dans notre génération, le monde a peur de tout ce qui peut se trouver dans notre tête pis que dans le fond, c’est eux le réel problème.
Fille, lâche prise, tu as le droit de vivre ta douleur.

Je le sais que t’aimerais tout détruire ce qui se trouve autour de toi, je le sais que t’aimerais crier sur tous les toits que toi aussi, t’es normale. Je comprends le sentiment qui te ronge de l’intérieur, tu as l’impression que ça brûle, que tout va exploser. Mais tout ce que t’es capable de faire, c’est de te renfermer sur toi-même et de pleurer chacune des larmes de ton corps. Je le sais que tu es épuisée pis tout ce que tu veux, c’est disparaître pendant un moment, le temps que tout le monde t’oublie. Je le sais que tu veux abandonner, que t’es pu capable d’avancer d’un pas et de voir ton monde s’écrouler autour de toi. Je le sais que tu es à boute, je le sais que tu te sens délaissée pis que t’as l’impression que le ciel va te tomber sur la tête, mais je te promets que tu n’es pas seule dans ce tourbillon de problèmes.

Je peux te garantir qu’y’en a pleins avec des maladies mentales pis qu’y’ont juste peur de s’assumer. Au fond, ce n’est pas du futur que t’as peur ; ce qui te rend anxieux, c’est de répéter tes erreurs du passé. N’oublie pas que ça, c’est le petit quelque chose qui te rend unique, ça je peux te le promettre, y’en a pas deux comme toi. Je sais que c’est de la marde, mais c’est le temps de prouver à tout le monde que tu es mieux qu’eux, que toi au moins, tu te distingues de chacun d’eux, que t’arrives à surpasser leur idée préconçue. J’aimerais tout simplement te dire que je comprends le désordre qui se passe dans ton monde. Bien évidemment, je ne peux pas te promettre que tout se réglera du jour au lendemain, mais chaque chose en son temps, n’est-ce pas ?

Oublie pas que ne tu n’es pas folle, okay ?
Ne laisse personne te dire le contraire, parce que fille, tu es incroyable pis t’es unique en ton genre.

Audrey Boissonneault

Tu as juste à te parler…

J’ouvre les yeux, je jette un regard au cadran : 3 h 36. L

J’ouvre les yeux, je jette un regard au cadran : 3 h 36. Le silence de la nuit est encore bien présent. Je referme les yeux, souhaitant me rendormir rapidement. Il est trop tard, mon cerveau s’est mis en marche.

Les idées se bousculent dans ma tête. Des scénarios épouvantables prennent vie. Je sens cette brûlure caractéristique dans mon ventre. Elle monte en moi graduellement. Ma respiration s’accélère de plus en plus.

J’ai envie de crier, de pleurer. Je tremble de tout mon corps. J’ai chaud, je transpire abondamment. La crise de panique m’envahit tranquillement.

Je choisis une lettre : C. Allez Mélanie, trouve tous les mots qui commencent par C. Concentre‑toi. Tu dois focaliser sur autre chose : cadran, cabane, cadeau, chien, chat. Je n’y arrive pas, je me projette au chevet de ma fille intubée qui lutte pour sa vie. Je me maudis de l’avoir envoyée à l’école. Elle a attrapé ce truc par ma faute.

Je ne contrôle plus ma respiration, je respire tellement vite. La poitrine me serre, j’ai peur de mourir. J’ai un déluge de larmes qui roulent sur mes joues. Je tremble tellement que mes dents claquent ensemble. Je veux que ça finisse. La crise de panique a gagné. J’ai perdu tout contrôle.

Respire ! La respiration, c’est la clé de tout. Je peux surmonter ça. J’y suis déjà arrivée. Je dois être plus forte que mon anxiété. Je ne suis pas cette anxiété.

Lentement, la crise s’en va. C’est plus facile pour moi de respirer. Je ne vais pas mourir. Lentement, ma respiration reprend un rythme plus normal. Cheval, cuillère, chaudière, crème, crème glacée. Ça va mieux, 3 h 59. Le sommeil me gagne enfin. Les larmes roulent encore sur mes joues.

Je vis avec mon anxiété depuis l’âge de neuf ans. Je me souviens parfaitement de ma première crise. Je me souviens de ma mère couchée avec moi et qui me dit : « Respire, ça va passer, tu peux y arriver. Allez, trouve des mots avec moi. »

J’allais bien depuis un bout de temps. Ma médication m’aidait énormément. Mais depuis que la COVID est apparue, mes crises d’anxiété sont revenues en force. J’ai repris mon suivi psychologique, ma médication a été augmentée. Je gère mal, très mal. Je vis une anxiété généralisée. C’est un problème de santé mentale, pas une anxiété normale que la population vit.

Alors à toi qui me dis « Tu as juste à te parler » : je sais que tu n’as jamais vécu ça, parce que tu saurais. Ne me dis surtout pas qu’on est tous dans le même bateau, parce que ce n’est pas le cas. Mon bateau à moi, il est plein de trous. J’essaie tant bien que mal de le patcher pour affronter la tempête et les vagues qui me frappent les unes après les autres sans répit. Mon bateau prend l’eau et j’ai vraiment peur de couler.

Mélanie Paradis

Quand l’anxiété vient s’installer dans ta vie

Quand tu penses que tu ne peux pas y arriver. Que tu n’as pas les

Quand tu penses que tu ne peux pas y arriver. Que tu n’as pas les capacités de surmonter les épreuves. Ça teinte ta vie de peur. Tu as peur de perdre tout ce que tu as. Non, pas le côté matériel, mais émotif. Tu as peur de voir tes parents partir, tu as peur que ton chum te quitte, tu imagines souvent le pire pour tes enfants. Tu as peur de mourir, donc tu as également peur de la maladie. L’anxiété qui est dans ta vie grimpe sans prévenir.

J’ai toujours pensé que j’étais une fille tout simplement peureuse. Peut-être un peu trop, mais je n’en ai jamais fait de cas. Je disais très souvent que j’étais moumoune. Un jour, après avoir consommé un mélange de hasch et de cannabis, j’ai fait un bad trip. Pourtant, ce n’était que la troisième fois de ma vie que je prenais de la drogue. J’avais 24 ans. Je ne considère pas que j’avais une dépendance, j’étais plus dans l’essai et l’expérimentation. Mais ces expériences ont déclenché quelque chose en moi.

À partir de ce jour‑là, les crises d’angoisse sont nées. Je dirais plutôt qu’un monstre est débarqué dans ma vie. Probablement que ce monstre était bien caché en moi, qu’il était prêt à surgir à tout moment. Il a attendu que je joue avec mes cellules pour exploser. Je n’aurai jamais la certitude que c’est la drogue qui a déclenché le tout, mais je la tiens tout de même responsable de cette explosion.

 

Si tu vis des crises toi aussi, tu vas comprendre le sentiment que l’on ressent. C’était épouvantable. J’avais l’impression de perdre mes repères quand une crise débarquait à la maison. J’avais l’impression qu’on m’étouffait. Qu’on venait prendre tout mon air et qu’on me le retirait, sans me le remettre. Mon cœur battait tellement fort! J’étais étourdie et engourdie. J’avais peur. Je croyais sincèrement mourir. Plus je croyais mourir, pires étaient les symptômes. Une nuit, j’ai réveillé mon chum en allumant la lumière à minuit et demi. Je lui disais que je faisais une crise de cœur. Heureusement, il m’a calmée et j’ai compris que c’était une crise d’angoisse.

Elle s’est présentée à ma porte plus d’une fois. Souvent, elle choisissait l’heure du dodo pour y cogner. J’ai commencé à reconnaitre les symptômes de sa présence : tête qui tourne, membres qui s’engourdissent, respiration accélérée. Grâce à mon détecteur de crise, je pouvais la colmater avant qu’elle produise un ravage.

Mes trucs étaient simples, mais ils fonctionnaient. J’ouvrais mon cellulaire, j’allais sur YouTube et je commençais à regarder des vidéos d’humour. Jérémy Demay n’est peut-être pas au courant, mais il a souvent assommé la crise d’angoisse. Je le remercie, sincèrement! Mais, ne croyez pas que c’était toujours aussi simple.

J’ai développé une peur d’avoir peur. La peur de la voir me regarder par la fenêtre. La peur d’être incapable de l’arrêter et qu’elle produise encore son effet dévastateur sur moi. J’ai pensé, pendant un long moment, que j’étais folle. Que ça empirerait et que je serais prise, en permanence, avec un cerveau qui délire. Que je serais celle qu’on fait interner. Si tu vis d’angoisse, tu comprends probablement tous les scénarios que je pouvais imaginer. J’aurais pu en écrire des films tellement il y avait des idées qui mijotaient dans ma tête.

Puis, petit à petit, j’ai compris que je faisais de l’angoisse. Que non, je ne suis pas folle. Que non, je ne suis pas juste une moumoune, mais que j’avais bel et bien une maladie mentale. Ok, ça fait big dit comme ça, mais l’angoisse fait partie de ce qu’on appelle un problème de santé mentale.

Récemment, j’ai commencé à consulter une psychothérapeute. Pas surprenant, elle m’a diagnostiqué un TAG. Qu’est-ce qu’un TAG? C’est un trouble d’anxiété généralisée. Pour le dire plus simplement, c’est avoir peur de tout ou presque. Heureusement, j’ai la chance d’avoir en moi ce besoin de foncer. C’est probablement ce qui me permet de vivre une vie plus « normale».

Avec la psychothérapeute, je réalise que je ne me crois pas assez forte pour affronter tout ce qui pourrait arriver de grave. Donc, je mêle anxiété et manque de confiance en mes capacités. Un beau petit cocktail! C’est ce qui fait en sorte que j’ai toujours peur que mon chum me quitte pour toutes sortes de raisons, que le jour où mes enfants font de la fièvre je m’imagine automatiquement qu’ils ont une maladie grave. Qu’un matin où les enfants dorment plus longtemps, je ne relaxe pas, mais j’imagine qu’ils ne respirent plus. Je pourrais remplir des tonnes de pages avec des exemples.

Quand je fouille dans mes souvenirs, je comprends un peu mieux pourquoi j’avais si peur la nuit, pourquoi je pensais toujours qu’il y aurait des voleurs. Je comprends aussi pourquoi je voulais toujours dormir avec mes parents. Dison que j’ai compris bien des comportements. Je suis contente, aujourd’hui, de mieux comprendre le pourquoi du pourquoi. Ça me permet d’améliorer les situations. Ça m’aide à relativiser la situation. À savoir que c’est juste l’angoisse qui parle et que NON, ce n’est pas un mauvais pressentiment que j’ai. Je sais maintenant que je ne suis pas folle et que je ne le deviendrai probablement pas. Je fais seulement de l’anxiété. J’ai saisi pourquoi je commence beaucoup de projets, mais que je lâche tout, dès que mon niveau de stress augmente. Je pars quand je n’en peux plus, quand l’anxiété est trop forte. C’est un cercle vicieux, mais maintenant, la roue est brisée et je saurai la faire tourner autrement.

Je suis contente d’avoir fait le choix de soigner ma santé mentale. C’est la meilleure chose que j’ai pu faire. Ça m’a sauvé la vie. Pourquoi j’ai choisi de consulter? C’est parce qu’un jour, j’ai eu la certitude que mon cerveau allait venir à bout de moi, qu’il allait me tuer.

Je ne suis plus seule ; ma psychothérapeute m’apporte des outils, des points de vue différents. Elle m’aide à voir dans mes angles morts des choses que je n’aurais jamais vues sans elle. Je sais que je devrai probablement côtoyer l’anxiété toute ma vie, mais je ne serai pas obligée de lui laisser toute la place. Elle ne prendra plus le contrôle de ma vie. Maintenant, je pourrai l’accueillir plus légèrement quand elle frappera à ma porte.

On pense parfois que l’anxiété est banale, mais elle ne l’est pas du tout. C’est un problème présent chez beaucoup de gens. L’anxiété apporte son lot de pensées noires, elle nous fait croire qu’on est fou, elle nous empêche d’être bien avec soi-même. Parfois, elle nous confine à la maison, car on a peur de sortir, on a peur de ce que les gens penseront de nous, on a peur de déplaire, peur de ne pas faire la bonne chose, alors on s’isole.

Si tu côtoies une personne qui, selon toi, est juste trop peureuse. Que tu crois qu’elle exagère, que ses pensées n’ont pas d’allure, s.v.p. ne lui dit pas de se calmer. Offre-lui tout simplement ton écoute, sans jugement. Dis-lui que tu seras là pour elle. Car, crois-moi, cette personne qui doit vivre chaque jour avec l’anxiété échangerait volontiers son cerveau contre celui d’une personne qui n’est pas comme elle.

Ne restez pas seule avec l’anxiété, consultez quelqu’un qui saura t’aider, te donner des trucs pour mieux vivre conjointement elle et toi.

Karine Larouche