Cette fois-ci, c’est le bon choix! J’ai choisi le travail qui me
Cette fois-ci, c’est le bon choix! J’ai choisi le travail qui me plaît. Ma relation avec ce travail, je l’ai débutée ainsi en disant à mon épouse : « Je vais avoir du succès et je serai prospère. On pourra se payer tout ce que l’on désire et tu pourras mettre l’énergie sur ta propre future carrière. » Après plusieurs mois d’implication comme si c’était ma propre compagnie, d’efforts et d’acharnement à vouloir réussir et plaire aux autres, le jour sombre qui devait arriver arriva…
562 jours…
Après dix-neuf mois à ce poste, je n’en peux plus. Une bombe vient d’éclater dans mon estomac. Ce sentiment d’anxiété intense qui te gruge l’intérieur. L’impression d’une déchirure interne qui brûle et qui te fait souffrir. Le sentiment d’une peine immense comme une rupture en amour. En quittant le bureau, je sais que je n’y remettrai pas les pieds le lendemain. J’ai besoin d’air, mais je ne le trouve pas. Je pense à Babe, mon épouse, et je m’enfonce encore plus dans le noir. Elle endure ce scénario depuis bien longtemps, mais tente tant bien que mal de me conseiller et de me consoler. Je la connais bien. Dans ses pensées, sans qu’elle le verbalise, voici ce que je vois : « Le jour de la marmotte est à nos portes. Chéri mari vient de terminer sa lune de miel avec son emploi qui dure depuis 562 jours exactement… »
Le jour D, comme dans Dépression…
Le lendemain matin, j’avise mon nouveau patron que je serai absent. Je me suis couché à une heure impossible, puisque le hamster a pris tout l’espace dans ma tête et dans mes pensées. Je prends rendez-vous d’urgence avec mon médecin parce que je sais que ça ne va pas… La rencontre a lieu.
Après quelques minutes dans ce bureau qui me semble si minuscule, le verdict de culpabilité tombe, comme dans le box des accusés : « Monsieur Karl Wilky, vous êtes coupable… Dépression… Dépression MAJEURE, Karl. Arrêt de travail indéfini. »
Bow!
L’impression que je viens de recevoir une tonne de brique sur les épaules… Je peine à me lever de la chaise pour me rendre à ma voiture. Une fois rendu de peine et de misère, je m’assois derrière le volant et… j’éclate.
Comment vais-je l’annoncer à mon épouse, à mes enfants?
Superman n’est plus…
Le syndrome de SUPERMAN, je l’ai. Je suis le protecteur de mes enfants et de mon épouse. Mais là, Superman est sans ses super pouvoirs. Le superhéros n’est plus qu’un simple humain. Anéanti. Je ne suis plus qu’un imposteur de la protection. Je vais devoir leur annoncer et leur dire que je les laisse tomber, puisque les barrières de protection que j’avais mises en place n’existent plus. N’ayant pas le courage de faire face à la musique, je ne suis pas en mesure de l’annoncer à mon épouse. Ni de vive voix au téléphone, ni en face. Je la texte…
À mon arrivée à la maison, je m’assois à la table et mon épouse vient me voir. J’éclate en sanglots à nouveau. Je n’ai plus de force, plus de bouclier, plus de super pouvoirs. Je ne suis plus un homme, plus un mari, plus un père, plus un ami, je ne suis plus rien. Une dépression, voilà ce que je suis…
La dépression… vue de l’intérieur
Si vous me posez la question sur la manière dont on voit la dépression quand on est en plein dedans, voici la réflexion que j’en fais : on n’y voit que dalle! On ne voit pas la souffrance autour, mais on voit la nôtre. On ne voit pas que notre dépression peut faire sombrer, soit beaucoup ou juste un tout petit peu, ceux que l’on aime autour de soi. On est déconnecté de la réalité.
Dormir à des heures anormales, manger peu, hygiène laissant à désirer ou plutôt être indésirable en laissant l’hygiène de côté. On s’en fout parce que l’on se fout de tout, en surface, selon ma perception de ma dépression à nous. Je dis ma dépression à nous parce que je ne suis pas le seul à avoir vécu cette dépression. Au sens propre, je suis le seul, mais les dommages collatéraux sont flagrants.
Au tout début de mon congé, qui a vu le jour à la mi-juin, mes enfants étaient tellement emballés de voir papa à la maison. Elles ont vite compris que quelque chose tournait carré. Je dormais tout le temps, j’avais de la difficulté à manger. Moi qui suis un verbomoteur, je ne parlais pas. Mon hygiène laissait à désirer, alors que je suis du genre à me doucher deux ou trois fois par jour et j’en passe. Je ne m’amusais plus avec elles, moi qui suis un sportif dans le sang. Mes blagues n’étaient plus au rendez-vous, moi qui suis un humoriste célèbrement inconnu. Je leur faisais mal sans m’en rendre compte, avec mon absence. J’aime pourtant mes filles plus que vous ne pouvez l’imaginer.
Mon épouse qui a maintenu le fort pendant tout ce temps fait aussi partie des victimes de notre dépression. De voir l’homme de sa vie sombrer et ne devenir que l’ombre de lui-même n’est pas situation facile. Après quelques semaines, elle en est venue à me détester. Elle me détestait de voir que je la laissais tomber, que je laissais tomber nos filles. Que le mec qu’elle avait accepté de prendre pour époux et qui avait prononcé : « Oui, je le veux » était devenu l’image d’un mort-vivant.
Vous savez, quand il y a quelqu’un à l’intérieur, mais que la lumière est éteinte?
C’était le tableau de ce qui se dessinait devant elle. J’étais devenu ce coloc qui ne fout rien dans la maison et pendant que l’autre se tape tout. Pour la baise, eh! bien, on repassera. Tu n’as pas le goût de rapprochements quand ton mâle sent la vieille chaussette ou qu’il n’a aucun intérêt ni désir pour la chose. Pour ceux et celles qui me connaissent dans mon vrai moi sans dépression, je ne me rassasie pas de faire l’amour, si vous voyez ce que je veux dire!
Au moment où cela arrive, on ne se rend compte de rien. Après coup, on s’en veut et la culpabilité prend le dessus... mais se pardonner, c’est avancer… sans oublier… pour éviter de recommencer…
Merci la vie…
Sincèrement, je suis soulagé et heureux qu’elles soient toutes les trois encore à mes côtés. Mon épouse reflète dans mon cœur la rareté et la beauté comme une perle rose, une femme extraordinaire qui m’aime avec mes qualités, mes défauts, remplie de connaissances et de lumière. Une mère exceptionnelle et pleine de tendresse pour nos deux magnifiques filles. Un vieil adage dit ceci : Si l’on veut partir pour aller loin, on doit partir accompagné. Voilà la vision que j’ai de mon couple…
Ma vie était remplie de nids de poule sur une route défraîchie par le temps. Lorsque l’on vit une dépression et que l’on décide finalement de prendre les grands moyens pour s’en sortir, cela n’est pas sans rechutes ni chaos. Ma compréhension de notre dépression à nous est que, malgré notre désespoir ou nos malaises intérieurs, il ne faut jamais oublier que les gens autour de nous nous aiment et veulent notre bien. Souvent, les outils pour éviter une dépression sont juste devant nous, mais nous les ignorons parce que notre ego est souvent maître de nous.
Ma dépression à nous… est derrière… nous…
Le plus beau cadeau que je me suis fait est d’aller voir des pros. J’en ai vu. L’approche psychologique ne me parlait pas, mais j’ai trouvé quelques outils à travers mes séances. L’ergothérapie en santé mentale est aussi une approche très intéressante qui m’a ouvert à des progrès considérables. Une spécialiste en réhabilitation est une autre ressource qui m’a permis de mettre en place un plan d’action pour retrouver la confiance en moi, retrouver la complicité égratignée auprès de mes filles et raviver l’amour, l’amitié et la complicité dans mon couple.
Personne n’a dit que tomber, c’était mal si tu as appris que l’important, c’est de se relever après une chute. Pour être honnête, je suis tanné de tomber et de me relever. Maintenant, je dois éviter les trous ou sauter par-dessus.
Pour moi, ma paix intérieure, mon estime de moi, par amour pour mes filles qui sont une source inépuisable d’amour à mon égard et pour mon épouse qui est une muse, ma maison et mon éternel amour, je dois vous laisser…
Puisque mon costume de SUPERMAN est maintenant propre et m’attend chez le nettoyeur…
Karl Wilky, collaborateur spécial