Ce que je suis, ce que je vaux
Dans les derniers mois, j’ai mis fin à une relation qui durait depuis vingt ans, qui m’a apporté du bonheur, de beaux enfants, de la maturité, de la connaissance de soi, quelques déménagements, des voyages… et aussi certains désagréments. Sinon, la relation s’enlignerait vers sa 21e année!
Vingt ans, c’est la moitié de ma vie. C’est beaucoup. Dans mes yeux à moi et à travers les yeux de ceux qui me connaissent, je suis cette femme qui s’est mariée à vingt-et-un ans avec la certitude que c’était pour toujours. Pour toujours parce qu’une relation se travaille, évolue, se choisit encore et encore. Quand les gens nous disaient : « Au pire, vous vous séparerez! », on se révoltait. On défendait notre opinion, notre amour, notre certitude. L’amour prend du temps et des efforts, mais l’amour peut durer si on le choisit. Vingt ans plus tard, j’ajouterais : si on le choisit à deux, jour après jour.
Pendant vingt ans, j’ai été définie comme amoureuse, comme épouse, comme partenaire de vie, puis comme mère (un peu weird) de quatre enfants. Pendant toutes ces années, je me suis définie comme une bonne personne, comme une femme qui voulait s’améliorer, comme une épouse qui voulait aimer.
Si on fastforward nos années de relation, on se retrouve avec un couple qui s’était perdu de vue. Le couple a explosé. Par le fait même, c’est mon identité qui a pris le bord. Je suis devenue une mère célibataire (bizarre, quand tu n’as pas utilisé ce mot depuis vingt ans!), une monoparentale en garde partagée. Une ex-épouse-future-divorcée. Mais j’ai choisi de ne pas devenir la divorcée aigrie qui hantait mon imagination.
J’ai eu peur que les gens collent à ma nouvelle identité des idées comme : « celle qui a tout brisé sur un coup de tête » (les personnes qui me connaissent savent que je n’aurais jamais pris cette décision sans des tonnes de réflexion), « la bitch qui veut enlever les enfants au papa » (ce qui n’est pas du tout le cas, on s’est entendu sans problème sur une garde partagée même si mon cœur de maman s’ennuie de mes enfants quand ils sont ailleurs), « la femme qui a oublié son couple au profit de ses enfants » (oui, mais sans culpabilité. J’ai fait ce que mon cœur me dictait).
J’ai senti, j’ai entendu des commentaires sur ma personnalité inadéquate pour être en couple (ou pour être, tout court). Des commentaires sur mon hypersensibilité, mon intensité, mon habitude épouvantable d’analyser les situations et de rechercher de l’aide quand je ne suffis plus à la tâche. Des commentaires sur bien d’autres traits qui m’appartiennent et que je peux expliquer, que j’ai choisis dans la plupart des cas.
Oui, tout ça a contribué à la rupture, puisque ça fait partie de moi, et que je fais partie de la séparation. Après la séparation, j’ai eu peur de devoir changer pour être heureuse ou pour rendre les autres heureux, pour être « adéquate ». J’ai eu peur de ne plus savoir qui j’étais. Mais j’ai réalisé que je sais très bien qui je suis, que je choisis d’évoluer puisqu’une partie de mon identité a changé dans les derniers mois. Mais moi, je suis moi. Et dans « moi », il y a mon enfance, mon adolescence, les quarante années depuis ma naissance et les vingt années qui ont suivi mon mariage, et aussi toutes les prochaines années qui n’attendent que moi. Il y a moi comme fille, comme femme, comme ex‑épouse, comme mère, comme humaine. Et je n’ai pas à changer cela, j’ai seulement à continuer de m’améliorer.
Dans mon processus de deuil, je dois continuer de m’aimer et de me voir comme une bonne personne, puisque c’est ce que je suis. Je dois continuer de reconnaître ce que je vaux et ne laisser personne me laisser croire que ma valeur a diminué. Ça n’enlève rien aux autres, mais ça me donne le droit d’être moi.
Nathalie Courcy