Mon suicide raté

Mon frère s’est enlevé la vie.

Je ne suis pas la seule à avoir un membre de sa famille qui s’est suicidé. C’était fin février que mon frère a « réussi » son suicide et que moi, j’ai glissé vers le mien. Oh! Rassurez-vous, j’étais bien vivante, en chair et en os. Mon âme, ma lumière humaine, par contre, avait foutu le camp au pays de la noirceur totale.
Pendant cette période, j’avais besoin d’en parler, pas de moi, mais du geste qu’il avait posé. Je nourrissais inconsciemment cette douleur. Malsainement, les gens avaient aussi besoin d’assouvir leur curiosité, de savoir COMMENT il s’était enlevé la vie plutôt que de s’informer comment MOI, sa sœur, je vivais ça. Donc, de fil en aiguille, je me suis fait un speech où je racontais la scène marquante du film noir de mon frère. Oui, car comme si ce n’était pas assez de vivre son suicide, je suis celle qui l’a trouvé. J’ai bien tenté de le réanimer mais malgré quelques heures de sursis, où ma mère a pu lui dire au revoir, il était trop tard. Ensuite, les gens se taisaient, envahit par le malaise car peut-être que maintenant, ils en savaient trop ! Donc du coup, on changeait de sujet pour parler météo !
Dans le bureau du médecin, on m’a dit que j’avais un pourcentage élevé de tenter de me suicider, moi aussi. Oui, en plus de vivre le suicide d’un être cher, les proches d’un suicidé ont plus de chance statistiquement parlant d’y recourir.
Je devais donc me conscientiser à reconnaître les signes avant-coureurs d’une dépression… Allô ? Je suis en plein dedans !!! Mais la fille fière (ou inconsciente et pleine d’égo) n’était pas pour admettre ça! Voyons, je ne pouvais pas vivre l’échec.
À la place, j’ai travaillé l’automédication, c’est à dire: alcool en masse et vie de fou. Si bien qu’à un moment donné, mon corps ne voulait juste plus participer à mon autodestruction. Je suis tombée encore plus bas dans ma noirceur. Tu sais, celle-là où tu ne vois juste plus où tu vas, et en même temps, tu ne veux plus aller nulle part !?
Les gens ne se doutent pas parfois de ce qui se passe dans la tête des autres. Pendant ces temps sombres, les autres me percevaient comme une fille forte. Je n’ai jamais arrêté de travailler, je sortais, je voyais des gens… J’étais active. Pour plusieurs, ma noirceur ne paraissait pas et c’est là où le bât blesse.

Je ne me serais pas tuée… pour ma mère. Juste pour ne pas voir dans ses yeux que son âme mourrait davantage. Mais si je n’avais pas vécu le suicide de mon frère, est-ce que j’aurais fait l’acte ? Je ne peux qu’être pleine de gratitude pour mon frère qui m’aura permis… de choisir une autre destination que la sienne.
Ce que j’ai retenu de cette noirceur, c’est que souvent, ceux qui choisissent le suicide ont fait pendant longtemps comme moi. Que dans leur habileté à cacher leur voyage vers la noirceur, ils se sont malheureusement perdus en chemin… C’est alors que la destination ultime, la mort, est devenue à leurs yeux, le tout-inclus désiré.

Un voyage vers la fin de la souffrance, mais où celui de leurs proches commence…

Si vous pensez au suicide ou craignez qu’un de vos proches y pense, sachez qu’il y a des ressources, dont l’Association québécoise de prévention du suicide.



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