J’ai grandi sans père

J’ai grandi sans père, le mien étant décédé lorsque j’avais un an. J’ai grandi en ne sachant pas ce que c’est de vivre avec cet homme superhéros dont mes amis me parlaient. À la fête des Pères, on fêtait dans ma famille les autres pères. Je ne comprenais pas ce que cela voulait dire, « fêter mon père ». Ma tendre mère qui jonglait avec toutes les sphères parentales sans relâche, était « ma » fêtée du jour. Elle n’arrivait pas, bien sûr, à nous offrir le contact d’un père malgré tous ses efforts pour ne pas que nous en souffrions. Par contre, je n’ai jamais ressenti qu’il me manquait un père, car….

J’avais Gilles. Il est (était) le frère de ma mère. Cardiaque de son état. Il avait tellement bon cœur et généreux que son cœur avait des failles. Il était propriétaire d’un chalet en Estrie. Le vendredi, il terminait tard et venait nous chercher, ma mère et nous, pour aller passer des fins de semaine fantastiques au chalet. L’hiver, Gilles se couchait dans notre lit en arrivant pour ne pas que nous ayons froid. Je pouvais passer des heures le dimanche, assise sur le bol de toilette, à le regarder se raser. Son odeur de preferred stock était pour moi un réconfort à humer. Quand il me gardait, il m’emmenait à mon restaurant préféré, même s’il trouvait ce qu’on y servait « pas ben bon pantoute ». Il était là, pour nous, comme un père. Si bien qu’un jour…

Lorsque mon frère s’est enlevé la vie, il a été le seul à qui j’avais besoin de parler. Il ne parlait pas toujours, Gilles, mais il était tellement sécurisant par sa présence. Je savais qu’il saurait s’occuper de moi et de ma mère.

Il est décédé il y a quelques années… du cœur. Son départ a été pour moi comme si mon père était décédé. Il m’a permis de savoir ce que c’est qu’un père, même si je n’ai réalisé cela qu’après son départ. Merci Gilles !

On dit que cela prend un village pour élever un enfant. J’y crois tellement, car on ne sait jamais quelle différence nous pouvons faire pour les autres. Il n’y a pas que les pères de sang qui portent la cape de superhéros paternels…

Martine Wilky



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