Ta deuxième vie débuta un 1er juillet

À toi qui rêves de liberté. Qui aspires à te propulser dans le vaste monde des adultes à la vitesse grand V. Toi qui crois en toi et en ta vie.

Nous y voici. À ce grand jour dont tu trépignais tellement d’envie et où nous nous questionnions à savoir si nous avions failli à notre tâche à un certain moment donné… Si nous avions omis de t’inculquer des choses qui te seront importantes pour affronter seule les aléas de la vie, de TA propre vie.

Le jour où la fille de mon conjoint nous a annoncé qu’elle avait déniché LE coin de paradis pour aller compléter ses études, j’ai versé des larmes. Une fois de plus. Comme quatorze ans auparavant lors de son entrée en maternelle. Ma voix s’est éteinte au bout du fil et je marmonnais sans cesse des « Je suis contente pour toi ! Tu sembles si heureuse ! ». Mes balbutiements m’empêchaient en fait de sombrer dans les questions existentielles.

Elle a grandi. Je sais qu’elle a su lire à travers ma voix éteinte toutes mes inquiétudes. Mais elle n’a pas l’expérience de pouvoir les comprendre. Puis, à son arrivée à la maison, elle nous a déroulé sous le nez son billet pour sa liberté… Ce bail avec ces milles signatures et initiales, ses annexes et alinéas. Plus les pages tournaient, plus notre cœur battait la chamade… Et si nous avions omis de lui enseigner quelques choses d’ultra important !?

Puis, pendant les semaines qui nous séparaient du jour J, on s’était fait des plans afin de lui permettre de vivre ses nouvelles responsabilités. De petites suggestions ici et là qui, dites autrefois, n’auraient pas eu le même impact. Lui permettre de devenir l’adulte qu’elle voulait devenir avant son grand départ. On acceptait un tant soit peu qu’elle en soit rendue là… et que c’est grâce à nous tous qui avions gravité autour d’elle qu’elle s’y était si bien rendue.

Le contexte de son départ ne se fait pas dans la cohue ou dans la discorde, mais plutôt dans son affirmation de jeune adulte qui clame haut et fort : « Faites-moi confiance ! »

Depuis qu’elle a l’âge de marcher que son papa et sa maman choisissent ce qui est le mieux pour elle. Lors de leur séparation, leurs choix ont toujours été faits dans l’intérêt de leur enfant. Qu’elle obtienne les meilleures chances afin de se développer et de vivre de belles occasions.

Un peu à la manière de la maman canne, nous lui permettons de déployer vigoureusement ses ailes en tentant de garder pour nous-mêmes nos inquiétudes afin de ne pas les lui transmettre. L’important réside dans le fait qu’elle sache que peu importe ce qui va se passer, nous serons là pour l’accompagner. Il y a toutefois une large marge entre « la sauver de toutes les situations qu’elle rencontrera en faisant tout et en payant tout à sa place », et l’accompagner dans la quête de ses responsabilités.

Le rôle de parent consiste en gros à s’assurer d’offrir à l’enfant un brin d’estime de soi, à lui permettre d’acquérir l’autonomie et le sens des responsabilités nécessaires une fois rendu à l’âge adulte. À cela s’ajoute l’équilibre émotionnel et un niveau de développement social, tout en assurant les besoins de base. C’est tout un contrat ! Le bail d’une vie qui nous appartient jusqu’au jour où nos enfants veulent s’émanciper, se libérer de nous, de notre autorité.

Mais il n’y a rien de plus beau que de voir un enfant déployer ses ailes et foncer tête première dans sa plus belle aventure : devenir responsable. Chaque réussite lui appartient à part entière. À chaque embûche rencontrée, nous serons là pour la soutenir et l’épauler. Mais nous ne ferons rien à sa place.

Lorsque ce jour est arrivé, je me suis sentie comme la première fois où je l’avais laissée seule dans l’immense cour de récréation avec pour seule référence sa nouvelle enseignante rencontrée cinq grosses minutes auparavant. Seule avec son immense sac à dos pour la protéger de tout, de tous et pour s’y lover. Elle tenait fermement les bretelles de son sac comme elle avait tenu ma main lorsque nous avions franchi la clôture d’accès à la cour quelques minutes avant. Mes yeux remplis de larmes et le cœur en miettes, mais remplis de fierté, je la laissais plantée là, en l’observant au loin.

Puis, la même émotion de séparation m’est revenue deux autres fois, à trois ans d’intervalles. J’ai toujours eu le même cœur serré et les mêmes yeux dans l’eau. J’ai pleuré de la voir si grande, pleuré d’être incertaine de mes tâches de maman que j’avais accomplies, pleuré pour tout et pour rien. Chacune des larmes laissaient couler une émotion différente. Mais les retours étaient tellement agréables. Tellement remplis de joies. Je passais du vide en moi et je me sentais à nouveau remplie par cette présence.

La semaine dernière, nous étions tous là pour déménager sa petite vie emballée dans des boîtes de carton. Nous étions tous là, pour souligner cette étape. J’ai eu du mal, une fois de plus, à la laisser plantée là, seule… au cas où elle aurait encore besoin de nous. Mais son amoureux était là. Ses colocataires seront là. Et nous resterons là, à l’attendre pour qu’elle nous raconte sa vie. Sa vie où nous resterons, quelque part.

Et cette étape se répètera. Deux fois encore où je revivrai la même sensation de vide en moi. Où il y aura les mêmes incertitudes, les mêmes inquiétudes. Mais aussi la même immense satisfaction du devoir accompli. Et les retrouvailles de toute ma famille qui se réunira le plus souvent possible autour de la table pour que chacun me raconte sa vie. Des retrouvailles qui me feront oublier ces étapes d’affranchissement.

Bonne chance ! La vie te sera belle !

Et si… si jamais il y a des si… sache que notre porte te sera toujours ouverte.

Mylène Groleau



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