Demain est une autre année

31 décembre. Minuit approche. La journée a été riche en mélancolie. Mon homme absent pour plusieurs mois, mes enfants survoltés, la solitude dans une nuit de bilan, le manque d’énergie: c’est assez pour mettre un moral à -33. Le Bye Bye? Bof… Et je ne peux quand même pas me coucher tout de suite. Par principe. Alors je regarde notre chat qui trône sur le manteau du foyer et je déprime.

Je me suis réveillée ce matin avec la ferme intention de créer une journée amusante, tout en simplicité. J’avais prévu des jeux de collaboration, du travail d’équipe pour préparer le réveillon du Jour de l’An, des bonshommes de neige en plein air, la création de nouvelles traditions zen. Au saut du lit, j’ai pris le temps de créer mon rituel de bonne humeur : chandelles parfumées, musique méditative, yoga.

« Les enfants, on fait des crêpes pour bien commencer cette journée spéciale? »

Et c’est là que tout s’est envenimé.

Beding! Bedang! Tiloup prend une débarque en bas du banc qu’il avait installé pour brasser la farine et les œufs. Un orteil fendu.

« Maman! Il y a du sang partout! C’est dégueulasse! »

« Maman! Je vais mourir de faim si je ne mange pas tout de suite! »

« Maman! Il m’a tapée! »

« Même pas vrai! Maman, c’est elle qui a commencé! »

On était déjà rendus à quatre « Maman! » urgents et tout autant de drames, et il n’était même pas neuf heures. Un peu trop pour moi qui espérais un 31 décembre zen. J’aurais peut-être dû modérer mes attentes au lieu de visualiser l’île des plaisirs d’Astérix dans ma demeure.

Je me suis auto-mise en timeout après le déjeuner. « Maman a besoin de faire un reset sur son matin. On va jouer à redémarrer la journée, ok? »

Ma fille aînée est allée dormir (pour se réveiller vers quatorze heures! Fatigue du temps des Fêtes déclarée coupable de son attitude drama queen à la puissance mille!) Les autres ont testé leur nouveau jeu de Skylander. Presque toute la journée. (Bon. Pas fière de moi. En même temps, je garde d’excellents souvenirs des quelques fins de semaine de mon enfance passées en tête-à-tête avec mon cousin et Mario Bross. Je ne suis pas devenue analphabète ni délinquante pour autant…)

Mère indigne que je suis, j’ai traîné mon moral à plat jusqu’au fauteuil pour m’y incruster jusqu’à la fin de mon roman. Trois tasses de thé plus tard… mon menu de réveillon était concocté et le pain maison sentait bon. J’avais même réussi à me rappeler que, tant qu’à faire de la bouffe, j’étais mieux d’y mettre de l’amour plutôt que de l’à-boutantisme. Je me suis mis un sourire dans la face et un CD dans le piton et je me suis concentrée sur le positif :

« Grand frère (oui, mon fils de quatre ans appelle Tiloup “Grand frère” et ça me fait craquer), peux-tu m’aider à combattre les méchants? C’est toi le meilleur. »« Maman, je t’aime. C’est toi la plus forte présentement à la maison! » (Ça va changer quand papa sera de retour, mais pour l’instant, les enfants me couronnent de ce titre honorifique.)

« Venez, on va jouer à Cherche et trouve tous ensemble après avoir ramassé les assiettes ».

Pour être réaliste, il faudrait ajouter les cris, les pleurs, les « Tricheur! » et les « Je m’ennuie de papa! » Mais souvenez-vous : je m’efforçais de me concentrer sur le beau et le bon. Dans ma tête, c’était gris et nuageux, alors j’avais besoin de rayons de soleil. Et mes enfants sont champions pour jouer ce rôle.

« On rigolait tellement tous ensemble que ça m’a donné mal à la gorge. Pourrais-tu me donner un bisou-guérit-tout? »

« Mes sœurs, je vous aime toutes les deux égal! »

On a parlé sur Skype avec papa, qui était arrivé en 2017 six heures avant nous, heure du Kosovo. C’était chaotique, c’était étourdissant. C’était vivant. C’était réconfortant d’entendre mon mari me dire à quel point il est amoureux et fier de moi. Une journée où tu ne t’aimes pas et où tu te trouves poche, tu as besoin de te faire dire : « T’es bonne, t’es fine, t’es capable ». Ça ne te convainc pas, mais ça limite les dégâts.

Après une tonne de câlins et de bisous d’Esquimaux, la marmaille a trouvé le chemin des lits et moi, j’ai trouvé le chemin de mon clavier.  Écrire pour me rappeler que demain est une autre année.

nouvel-an

Et pour la nouvelle année, mes enfants et moi nous sommes entendus sur une nouvelle tradition : au lieu de prendre une résolution annuelle qui sera reléguée aux oubliettes autour du 3 janvier, nous prendrons des résolutions hebdomadaires. Parfois familiales (se parler, s’écouter et s’entendre; lâcher le matériel électronique; rendre service), parfois individuelles (baisser le volume vocal [lire : parler au lieu de crier]; se coucher plus tôt [ça, c’est pour moi! Et je suis très mal partie!]).

Déjà, mon Tiloup de cinq ans a écrit nos premières résolutions pour la première semaine de janvier :

resolutions

Dessiner, jouer et fêter Noël (encore?) : gros plan de match!

 



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