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Fak, maman – Texte : Kim Boisvert

Maman,

T’es déjà dans ton t

Maman,

T’es déjà dans ton trou, que tu t’es toi-même creusé, tu sais donc pas ce que ça fait de sentir le sien grossir.

Aujourd’hui, j’voulais me mettre belle pour souligner ton décès. J’pense que ça m’aide habituellement à faire passer cette journée. Mais pas aujourd’hui. J’ai l’nez qui coule autant que mon envie de te crier des bêtises. Fak, d’où t’es, tu m’verras partir pour le bureau les yeux un peu moins brillants et avec un chandail vieux comme le monde. J’espère que t’es contente.

On t’a enterrée, on dirait que c’était hier. J’aimerais ben ça suivre mon cœur pour te dire des mots doux de cadette en peine, mais ce matin, aujourd’hui, assisse sur ma petite chaise d’ordinateur, je me rends bien compte pourquoi j’ai pas pu suivre mon cœur ; il est en morceaux. Je sais donc pas quel boutte suivre. Fak, fais avec, oh, et je vais m’attacher les cheveux, je sais que t’aimais mieux quand ils étaient lousses.

J’imagine que tout le restant de ma vie, je vais avoir un peu le feeling d’avoir été semi-orpheline. Je dis semi parce que t’auras pas été là à beaucoup d’étapes. On en a grillé pas mal, t’en as volontairement scrappé, et les autres, j’voulais pas te les partager. J’pensais que j’avais le temps de te faire vivre ma colère, le temps d’une vie. J’savais juste pas que t’avais décidé de t’abandonner dans la maladie. Carpe diem, paraît. Fak à cause de ça, tu verras jamais ma passion pour la photo grandir, tu verras jamais mes enfants. Elles ne pourront connaître de toi qu’une photo vieille de quand j’avais 27 ans et toi 49. Tu ne seras pas là le jour de mon mariage. Tu sais, à cause de toi, y’aura pas de table d’honneur, parce que sinon ça me rappellerait que je suis semi-orpheline. Fak, j’espère que t’es contente.

J’sais pas trop si tu sais qu’en bas, on était là pour toi. Ce que je sais c’est que toi, tu seras pu jamais là pour nous. Ni pour personne. Fak aujourd’hui, j’irai pas t’voir, pis j’vais essayer de pas penser à toi toutes les minutes de cette journée. Parce que tu nous as abandonnés une journée d’automne, pis que c’est ma saison préférée.

Kim Boisvert

Mère soloparentale

Maman soloparentale de 31 ans avec deux jeunes enfants (1 et

Maman soloparentale de 31 ans avec deux jeunes enfants (1 et 2 ans). Qu’est‑ce que ce terme veut dire? En fait, j’ai un conjoint, un papa pour mes enfants, un partenaire de vie, qui est souvent absent. Pas parce qu’il va faire la fête avec des amis toutes les fins de semaine, mais parce qu’il travaille juste tout le temps.

Dès le début de notre union, c’était comme ça. Il travaille à son propre compte dans la construction et mon conjoint est du genre à se définir par le travail. Souvent, il n’a pas assez de son emploi prenant et il se trouve des « fameux » projets. Pas un petit jardin à monter en une journée, non, non. Je dirais le genre de projet de retaper une maison complète en plus d’étaler nos rénovations de notre propre maison depuis cinq ans. Bref, il travaille beaucoup. Je vous rassure tout de suite, il est quand même présent, mais à petites doses et il sait très bien s’occuper de la marmaille… quand il est là! À première vue, on dirait que mon conjoint n’est juste jamais là pour les enfants et j’entends souvent des commentaires. Voici les phrases que j’entends le plus souvent :

1. Ton chum n’est pas encore là? (souvent dit avec un ton de jugement)

Eh oui, tu as l’œil. Non, mon conjoint n’est pas là, il travaille présentement. Puisqu’il travaille pas mal toujours, je me sens toujours le besoin de justifier son absence pour que ça passe mieux. C’est assez fatigant, je devrais dire!

2. Tu es encore toute seule?

Logiquement oui, s’il travaille c’est évident que je suis seule avec les enfants… Il ne peut pas être à deux places en même temps.

3. Je ne sais pas comment tu fais pour arriver à t’occuper des enfants, à travailler et à t’occuper de la maison en plus de faire le lavage, le ménage, les repas, l’épicerie, etc.

Moi non plus, je ne sais pas comment je fais. Je suis dans un tourbillon et je vis chaque journée sans me poser trop de questions. J’ai lâché prise aussi sur un ménage parfait, ça aide!

4. Tu n’es pas tannée d’être seule avec les enfants et de vivre comme une mère monoparentale par moment?

Ce qu’il faut savoir, c’est que ce n’est pas tous les jours comme ça. Il y a des périodes dans l’année où c’est pire que d’autres. Par contre, oui, c’est parfois frustrant, mais c’est pour le travail. Ce n’est pas pour aller faire le party tous les soirs. Elle est là la nuance. J’envie parfois les familles qui vont prendre des marches et qui font leur épicerie ensemble, mais bien honnêtement, on s’habitue. Après un 3 semaines de vacances, j’ai souvent hâte au retour à la routine de ma solitude!

5. Ça doit être beaucoup de logistique quand il faut que tu t’organises avec les enfants?

Oui, c’est certain. Notre plus gros défi, c’est l’organisation et la communication. En fait, j’ai la chance d’être bien entourée. Ma mère et ma belle-mère sont toujours disponibles pour m’aider avec les enfants quand j’ai besoin de temps pour aller faire des achats ou autre. On essaie de mettre les rendez-vous et les activités le soir vers 20 h pour laisser le temps à mon conjoint d’arriver.

6. Les enfants doivent s’ennuyer de lui.

Oui, c’est certain. C’est ce qui rend le tout complexe. Avec le temps, les enfants se rendent compte de son absence et c’est ce qui est le plus difficile à gérer. C’est là où il faut avoir une bonne organisation et une bonne communication pour que le temps passé avec eux soit de qualité.

7. Est-ce que tu aimerais ça que ton conjoint ait un horaire de travail plus stable du lundi au vendredi de 9 h à 17 h?


Oui, absolument. C’est sûr que c’est difficile, surtout que je retourne au travail après mes deux congés de maternité et l’horaire sera moins flexible. En semaine, ce n’est pas si pire, mais la fin de semaine, je commence à trouver ça plus difficile de ne pas l’avoir à mes côtés, de ne pas avoir une vie de famille normale.

En résumé, je ne suis pas malheureuse et plusieurs vivent une situation comme la mienne. Nos proches ne comprennent pas toujours, mais c’est vrai qu’on finit par s’y habituer. Je ne dis pas que c’est facile, loin de là. Souvent, j’ai une rechute, mais on finit par s’y accommoder. Les premières années d’une gestion d’entreprise sont très prenantes et il faut tout donner pour assurer la stabilité. Je me souhaite donc des années stables stables stables à venir!

P.-S. – Quand tu sais qu’une maman est soloparentale, ne lui rappelle pas aux deux minutes qu’elle est seule à tout faire, elle le sait. Fais juste lui demander si elle veut de la compagnie et rends-lui visite, elle va aimer ça! 😉 

Pendant qu’il est encore temps.

Un jour. Mes parents vont mourir. C’est ce que j’ai réalisé, e

Un jour. Mes parents vont mourir. C’est ce que j’ai réalisé, en couchant ma fille après une journée difficile à tout faire pour l’« entertainer » tout en gérant ses multiples crises de terrible two. Même scénario que je répète depuis le jour 1 du confinement que je respecte, que je défends et que j’applique pour éviter que ma fille subisse les conséquences de ma possible négligence. Ça va bien aller, qu’ils disent.

Mes parents me manquent. Et pour la première fois de ma vie, entre le nettoyage du tiroir de bébelles et le lavage des rideaux, j’ai laissé mes pensées faire une place au fait que mes parents ne sont pas éternels. Que d’une foutue maladie, du temps, d’un accident ou d’un virus, ils pourraient en une fraction de seconde quitter ce monde.

Mes parents vont mourir. Un jour. Et ça me met la boule au ventre. Dans la dernière année, suite à une interminable séparation, j’ai été la fille la plus silencieuse, secrète, discrète et distante. Ils m’ont ouvert la porte de leur maison comme celle de leur cœur qui se nourrit maintenant du bonheur de leur petit-enfant. J’ai instauré un silence entre eux et moi pour éviter de parler de choses que je n’arrivais pas à expliquer suite à l’étape la plus difficile de ma vie. Le fait de dormir quelques soirs chez eux nous a physiquement rapprochés, mais ma froideur nous aura éloignées par ma faute.

Ils ont toujours été là, sans rien demander. Un fort jamais bien loin auquel on revient souvent, guidé par la chaleur et la douceur de leur maison.

Me voilà maintenant privée de leur présence, seule avec ma fille, et ils me manquent.

Je ne sais pas si c’est la COVID ou le printemps qui me dégèle le cœur, mais j’ai hâte de passer du temps avec eux. C’est bien Facetime, Zoom, les coups de téléphone, mais il n’y a rien qui va remplacer un après-midi dans leur cour au soleil. J’ai hâte de leur dire que je vais bien, mais qu’avant, ça n’allait pas. J’ai hâte de mettre des mots sur mon silence. J’ai hâte que ma fille puisse à nouveau courir dans leurs bras pour profiter de leur présence comme mes parents m’ont permis de le faire avec mes grands-parents. Pendant qu’il est encore temps. Un temps, qu’on n’appréciera plus jamais de la même manière.

Eva Staire

Une moitié de toi…

Ma fille est partie avec papa pour deux semaines depuis vendredi mat

Ma fille est partie avec papa pour deux semaines depuis vendredi matin dernier et j’ai le cœur triste. Malgré que ce soit notre troisième été séparés, son papa et moi, il me semble que je ne m’habitue pas à ce long deux semaines sans elle. Elle aussi lorsqu’elle est partie, elle m’écrit deux-trois textos durant ce vendredi pour me dire : « Je t’aime maman d’amour. » Je sais fort bien qu’elle passera deux semaines de vacances extraordinaires avec une belle-maman qui l’adore et ses « demis », comme elle les appelle. Elle fera du vélo avec papa, fera plein de belles découvertes et surtout, elle vivra son moment présent comme elle le fait si bien à neuf ans. Elle prendra des tonnes de photos de ses moments de bonheur avec cette belle grande famille où le sport est à l’honneur. Elle prendra soin de ses chiens et elle développera encore plus son autonomie loin de sa maman.

Mettre un enfant au monde et vivre la moitié de sa vie signifie de lâcher prise sur toutes les premières où elle ne sera pas avec moi. Apprendre à partager les anniversaires, séparer les fêtes importantes ou ouvrir les cadeaux le 27 décembre est souvent déchirant. Pour elle, cependant, c’est aussi d’avoir un mois de vacances l’été, car papa part deux semaines puis maman deux semaines par la suite; le double de cadeaux, de câlins, avoir deux maisons, de nouveaux cousins et cousines, des nouveaux amis dans le quartier où papa s’est installé et une vie où la moitié du temps, on est avec un de ses parents.

Des amis en couple me disent que c’est peut-être le meilleur des deux mondes, car on a du temps comme parent séparé pour faire ses activités. J’avoue que je suis peut-être une meilleure maman lorsqu’elle arrive et que j’ai le cœur rempli de bonheur de la retrouver, la tête pleine d’idées pour NOTRE fin de semaine ensemble et une réserve de patience en banque.

J’espère que tu passeras de belles vacances, ma belle cocotte, et j’ai hâte que tu me racontes tes semaines à la mer avec papa et ta nouvelle famille depuis deux ans et demi.   Sache que malgré la distance et ton absence, je pense à toi tous les jours, j’entends même ta petite voix chantante qui pousse ma porte le matin et ton rire lorsque tu viens me rejoindre au lit pour des câlins.

Véronique Hébert

Pour tous commentaires : V23hebert@icloud.com

 

Papa! M’as-tu déjà laissée être ta petite fille?

Papa,

Dans ma tête de petite f

Papa,

Dans ma tête de petite fille, l’amour d’un père pour sa fille, c’est grandiose. Comme dans les contes de fées, j’ai souvent rêvé d’être ta petite princesse. D’être la prunelle de tes yeux. D’être une de tes raisons de vivre.

Malheureusement, la réalité est tout autre dans notre cas. Plus j’étais invisible à tes yeux, plus je voulais que tu m’aimes. Dans mes plus lointains souvenirs, j’ai toujours cherché à te plaire. Je cherchais tant la fierté dans tes yeux que ça m’angoissait… Comme je ne suis jamais arrivée à te plaire, le sentiment d’échec s’est vite montré le bout du nez. Je ne me sentais jamais à ta hauteur… Et pourtant!

Je n’étais jamais assez… Sais-tu à quel point c’est épuisant? L’anxiété a débuté à ce moment, je n’avais pas dix ans.

Je ne te sentais pas heureux. Heureux d’être mon papa, heureux d’être là. Les seuls sourires allaient à ma mère ou à la visite. Avec moi, c’était l’hiver.

La culpabilité, je l’ai portée sur mon dos d’adolescente. La peur de tes reproches me rendait grise et terne. La vie était une suite de « Qu’est-ce que j’ai encore fait pour te mettre dans cet état? »

Malgré tout? Je t’ai aimé. J’avais tant espoir que tu voies cet amour dans mes yeux et que ça te touche… J’attends encore…

Je n’ai jamais réussi à te comprendre. À comprendre ton comportement. Un jour, tu dépensais comme un fou, tu avais les plus hautes ambitions… Le lendemain, tu ne voulais pas te lever et tu ne voulais plus rien savoir de personne. Je n’ai jamais compris non plus tes tentatives de suicide. La vie est si belle. Elle aurait pu être si belle…

Tu sais papa, l’amour paternel, je l’ai cherché tellement longtemps que je n’ai jamais pris ce temps pour m’apprécier. Pour construire ma confiance en moi. Si mon papa ne m’aime pas, pourquoi les autres m’aimeraient? Mes histoires d’amour en ont souffert terriblement…

Plus je grandissais, plus je voyais que ma maman aussi était malheureuse. Plus je grandissais, plus tu devenais contrôlant. Tu n’avais d’yeux que pour elle… tellement… trop… Je te mentais pour que maman ait un peu d’air. En vingt ans, tu lui as pris tout celui qu’elle avait. Ma mère, si douce, devait s’en aller. Encore dans la fleur de l’âge, elle aurait tout le temps de refaire sa vie et de vivre enfin le vrai bonheur.

Un an après le divorce, tu m’as amenée au restaurant. Juste toi et moi. Si tu savais comment mon cœur battait la chamaille… Peut-être que la vie nous donnait enfin une chance! Je me suis mise toute belle. Je voulais être enfin ta petite princesse malgré mes dix-huit ans.

Ce soir-là, ce fut la dernière fois que je t’ai vu. Je ressemblais trop à ma mère, m’as‑tu dit, alors tu n’étais plus capable de me regarder. Pour toi, c’était trop pénible. J’étais trop pénible! Le cœur en miettes, j’ai réalisé à ce moment-là que tu ne ferais plus jamais partie de ma vie. Que je devrais vivre avec ton départ sans vraiment comprendre ce que j’avais fait pour mériter tout ça.

Les années ont passé et j’ai su que tu avais été diagnostiqué bipolaire. Ça a tellement de sens… Ça fait tellement de bien! Je peux enfin enlever tout ce fardeau de mes épaules. Je peux enfin commencer à vivre. Je n’avais rien à voir avec ton mal-être. Je peux enfin me reconstruire et apprendre à me connaître.

Je suis maintenant mariée à un homme formidable. Je l’ai choisi, car je savais pertinemment qu’il ne serait jamais le père que tu as été. Ma fille aura son roi. Ma fille ne manquera jamais d’amour. Compte sur moi, j’y veillerai.

Papa, je te souhaite de trouver la paix qui te permettra d’avancer. Nous la méritons tous.

Bonne route!

Alexandra Loiselle

Papa est revenu! Youpi!

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On pourrait croire que tout le monde a cette réaction quand leur père revient à la maison après six mois d’absence, que l’émotion que tout le monde ressent est la joie, mais non. Moi, j’ai éclaté en sanglots dès que j’ai vu mon père à l’aéroport. Et avant qu’il arrive, alors que mes frères et ma sœur discutaient avec leur nouvelle « amie » (et j’ai nommé : la petite puce de quatre ans rencontrée dans la foule des familles qui attendent que leurs proches passent la douane internationale) et qu’ils étaient heureux de retrouver papa bientôt, moi, j’étais sur le bord de m’évanouir tellement mes jambes étaient tremblantes et ma respiration rapide.

Aussi, j’étais en compétition intense avec ma mère. Pour moi, ce n’était même pas un jeu et j’avais l’impression que si je ne voyais pas mon père la première, j’allais perdre un gros quelque chose. Et bonne nouvelle, j’ai gagné! Mais au lieu de crier « Papa! », j’ai juste murmuré qu’il était arrivé. Et je dois vous dire que déjà, pleurer en public, c’est gênant (surtout si comme moi, on ressemble à un radis desséché lorsqu’on pleure), mais en plus, c’est juste la plus vieille des quatre enfants qui a pleuré. Et qui est restée derrière la barrière de sécurité sans bouger, alors que les autres ont sauté sur leur papa chéri. Mais même si c’est extrêmement gênant d’exposer nos émotions en public, c’est normal de réagir intensément après un gros choc!

 

Alexane Bellemare

Quand les larmes sonnent l’alarme

Dans deux semaines, mon militaire de mari reviendra de sa troisième

Dans deux semaines, mon militaire de mari reviendra de sa troisième mission à l’étranger. Six mois au Kosovo. Je ne suis pas une ennuyeuse de nature, alors je savais que l’éloignement ne serait pas trop souffrant pour moi. Mais l’épuisement parental, lui, devient rapidement douloureux quand on est seul pour gérer une marmaille intense qui, elle, réagit à l’absence.

Les premiers temps, la vie se gérait bien. L’adaptation à la vie monoparentale s’est déroulée bien mieux que je l’imaginais. Entre la rentrée scolaire, l’entrée en maternelle et au secondaire et les préparatifs d’Halloween, les journées se déroulaient dans la joie et la facilité. J’étais fière de moi, j’étais soulagée, et j’étais tellement fière de mes enfants! Ils semblaient plus stables, peut-être parce que l’autorité émanait d’une seule personne.

Puis, le party a commencé. Pas dans le sens de party où on se fait du fun et qu’on n’a pas le goût de quitter. Plutôt le genre « open house » : tu sais quand ça commence, mais tu ne sais plus comment y mettre fin. Tu sais que tu es la personne qui a lancé le OK pour faire le party, mais ça devient trop, trop vite. Tu perds le contrôle, tu perds les pédales, tu vois les dégâts qui s’accumulent et tu ne sais plus comment mettre un stop à tout ça. Et tu penses à appeler la police ou à t’auto-amener à l’urgence psychiatrique avant que ça ressemble à Hiroshima.

L’hiver a été pénible. Pas pour le pelletage, ça, j’aime ça et mon gentil voisin s’est occupé de la bordure de glace que je n’étais pas capable de pelleter. L’hiver a été pénible parce que les voitures ont brisé à tour de rôle (mille mercis, CAA! Je vous dois ma santé mentale!) Mais surtout parce que certains de nos enfants ont complètement dérapé malgré les filets de sécurité qu’on avait mis en place : psy, communication avec les profs, horaire dégagé de tout ce qui n’était pas nécessaire, Skype régulier avec papa.

Souvent, j’avais l’impression de me tenir sur le bout d’un seul orteil au bord du Grand Canyon. La respiration, les massages et quelques bons amis m’ont empêchée de tomber malgré toutes les fois où mes enfants me poussaient vers le précipice à grands coups de « T’es folle » et de « Je vais te tuer ». Chaque nouvelle obstination inutile (« Ça sert à rien de ranger mes vêtements, il va falloir que je recommence la semaine prochaine »; « Il est 9 : 02, pas 9 : 00 ») me mettait dans tous mes états. Ma carapace était usée, élimée. Je marchais sur le fil auquel ma famille s’accrochait en le brassant de tous les côtés. Chaque refus de collaborer m’amenait plus près du trou noir dans lequel le stress, la fatigue physique et mentale et l’absence de soutien m’entraînaient. Je ne compte pas les fois où j’ai eu le goût de mourir pour tout arrêter. Mais quand on est le seul soutien pour ses enfants, on ne peut pas mourir. On doit rester fort pour garder le fort.

La semaine dernière, j’ai éclaté. Ce n’était pas la première fois. Mais c’était la première fois devant les enfants. J’avais beau mettre toutes les chances de notre côté, tout faire pour intervenir de la bonne façon, prendre soin de moi pour prendre soin d’eux (ajuster mon masque à oxygène en premier pour ensuite ajuster celui des autres…), la situation familiale se dégradait. La mission était trop avancée pour exiger que mon mari soit rapatrié. Il restait un mois et je n’étais pas certaine de survivre.

À bout de ressources et de souffle, je me suis mise en time-out. Je me suis assise en position fœtale dans le coin du divan, une doudou douce autour des épaules, un coussin dans les bras. Et j’ai pleuré. Non. Sangloté. Je me suis vidée du trop-plein d’émotions sombres que je contenais. Je l’écris et le nez me pique tellement le souvenir est émotif.

Ma grande fille est venue me prendre dans ses bras, flatter mon dos, me répéter des « Je t’aime, maman ». Ma deuxième cocotte me parlait comme si de rien n’était. « Pourquoi tu ne réponds pas? Maman, je te parle! » Jusqu’à ce qu’elle voie que je pleurais. Si je ne répondais plus, c’est que j’en étais incapable. Toute mon énergie était réservée pour survivre à ces minutes de panique intérieure où tout en moi était à bout d’espoir. « Maman, pleure pas! Sois pas triste comme ça! », ce à quoi ma plus vieille a répondu : « Laisse-la pleurer. Elle a toutes les raisons de pleurer, et elle a le droit de pleurer. Ça fait tellement longtemps qu’elle se retient! »

Puis, mes deux garçons se sont approchés. « Pourquoi tu pleures, maman? »; « Tu as mal, maman? » Ma grande fille a trouvé les mots pour leur expliquer que maman était épuisée. Que maman n’était plus capable d’endurer les chicanes constantes, les « non » incessants et les menaces. Que maman avait besoin que chacun collabore à l’harmonie familiale. Que maman avait tout donné depuis des mois et que là, il était plus que temps qu’elle reçoive, elle aussi. Que maman avait besoin de ses enfants.

« On est là, maman. On a fait beaucoup d’erreurs. On aurait dû t’écouter depuis longtemps. Ça fait longtemps que tu nous demandes de faire notre part dans la maison et d’arrêter de se chicaner. On s’excuse. Ça va changer. Maintenant. On t’aime, maman! »

Ce soir-là, mes filles ont raconté l’histoire du dodo aux plus jeunes. Elles les ont bordés. « Maman, les garçons aimeraient que tu ailles leur donner un bisou. Mais ils comprennent que tu le feras juste quand tu auras repris des forces. Nous aussi, on va se coucher. On espère que tu dormiras vraiment bien même si tu as beaucoup de peine. Tu as raison d’être épuisée et de nous le montrer. On aurait dû comprendre plus tôt. Bonne nuit, maman. »

J’ai pris du temps pour moi, comme je le fais chaque soir. Mais ce soir-là, quelque chose en moi s’est reconstruit. Des briques qui s’effritaient de jour en jour depuis l’automne se sont recollées. Un peu. Quand je suis allée me coucher, j’ai trouvé sur mon oreiller un pendentif en forme de cœur que ma fille avait confectionné. Et une note : « Ma chère maman, j’avais pensé te donner ce collier pour la fête des Mères, mais je pense que c’est maintenant que tu en as besoin. Je t’aime. »

Depuis ce soir-là, je n’ai presque plus à répéter, à gérer de conflits, à empêcher la troisième guerre mondiale d’éclater sous mon toit. Je n’ai plus entendu de « Tu es la pire mère de la Terre » ni de « C’est de ta faute! » Je n’ai plus entendu mes enfants dire « Je veux mourir ». Ni moi.

Il arrive que les larmes qui dévalent lavent les traces de désespoir et de colère. Il arrive que les larmes sonnent l’alarme.

Nathalie Courcy

Lorsqu’ils s’en vont…

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Lorsque l’on se sépare et que le noyau familial éclate, il y a plusieurs deuils qui nous attendent. Parmi ceux-ci, il y a celui de voir les enfants partir à la fin de chaque période de garde. Qu’on les ait avec nous pour deux jours, une semaine ou un mois, la tristesse est la même.

Pour ma part, chaque veille de départ me souffle son vent de nostalgie, de « c’est déjà fini » et de cœur de maman qui se serre… Le combat débute. D’un côté, l’adulte raisonnable me rappelle que nous avons passé de très bons moments et qu’ils reviendront la semaine suivante. De l’autre, l’enfant en moi a les yeux qui s’embuent facilement et ne veut pas les voir partir.

Pourtant, Dieu seul sait combien ils arrivent parfois à nous exaspérer et à nous mener aux limites de notre patience! Certains pourraient croire que le départ est doux et presque désiré. Que c’est facile, voire agréable d’avoir du temps pour soi, sans eux. Non. Jamais. C’est toujours trop tranquille lorsqu’ils n’y sont pas. La maison est vide. Sans âme. Privée d’une partie d’elle, comme nous.

Parce que c’est un peu contre nature de ne pas avoir sa couvée sous son toit chaque soir. Malgré ce qu’on en dit. Et malgré le fait que la famille éclatée est maintenant ultra commune. Ce n’est pas ce que l’on souhaite lorsqu’on voit leur petite binette pour la première fois. On ne pense pas qu’on devra se séparer d’eux un jour. Du moins pas avant trèèèèès longtemps! Surtout pas pour des raisons de grands que les petits doivent subir.

Et lorsqu’ils partent, on sait qu’on devra affronter à nouveau ces moments difficiles. Ces matins trop calmes où l’on décide de déjeuner au bureau pour ne pas voir leurs chaises vides à table. Et il n’y aura pas ces petites voix aigües qui racontent leur journée à notre retour du travail. Et on n’aura personne à border après le pas-d’histoire. Non, il n’y aura que notre vie d’avant eux, celle qui fait plus ou moins de sens maintenant qu’ils sont là.

Et à travers tout cela, on doit trouver notre équilibre personnel. Et on doit, bon gré, mal gré, trouver un nouveau rythme de croisière. Peu à peu, semaine après semaine, le cœur s’habitue. De nouvelles habitudes s’installent, on comble le vide avec autre chose parce qu’il faut bien avancer. Comme tout deuil, le temps fait bien les choses et réussit à nous faire voir tout cela différemment. Ce n’est ni un scénario idéal ni le chemin le plus facile, mais on doit assumer et y trouver notre compte. Et on y arrive.

Et les jours passent et on les retrouve enfin! On vit tous ces petits moments avec ardeur, sachant trop bien que c’est toujours éphémère. Trop court! Mais, ce n’est pas ce que l’on dit après tout, que la rareté d’une chose en augmente la valeur?

 

Isabelle Rheault

Demain est une autre année

31 décembre. Minuit approche. La journée a été riche en mé

31 décembre. Minuit approche. La journée a été riche en mélancolie. Mon homme absent pour plusieurs mois, mes enfants survoltés, la solitude dans une nuit de bilan, le manque d’énergie: c’est assez pour mettre un moral à -33. Le Bye Bye? Bof… Et je ne peux quand même pas me coucher tout de suite. Par principe. Alors je regarde notre chat qui trône sur le manteau du foyer et je déprime.

Je me suis réveillée ce matin avec la ferme intention de créer une journée amusante, tout en simplicité. J’avais prévu des jeux de collaboration, du travail d’équipe pour préparer le réveillon du Jour de l’An, des bonshommes de neige en plein air, la création de nouvelles traditions zen. Au saut du lit, j’ai pris le temps de créer mon rituel de bonne humeur : chandelles parfumées, musique méditative, yoga.

« Les enfants, on fait des crêpes pour bien commencer cette journée spéciale? »

Et c’est là que tout s’est envenimé.

Beding! Bedang! Tiloup prend une débarque en bas du banc qu’il avait installé pour brasser la farine et les œufs. Un orteil fendu.

« Maman! Il y a du sang partout! C’est dégueulasse! »

« Maman! Je vais mourir de faim si je ne mange pas tout de suite! »

« Maman! Il m’a tapée! »

« Même pas vrai! Maman, c’est elle qui a commencé! »

On était déjà rendus à quatre « Maman! » urgents et tout autant de drames, et il n’était même pas neuf heures. Un peu trop pour moi qui espérais un 31 décembre zen. J’aurais peut-être dû modérer mes attentes au lieu de visualiser l’île des plaisirs d’Astérix dans ma demeure.

Je me suis auto-mise en timeout après le déjeuner. « Maman a besoin de faire un reset sur son matin. On va jouer à redémarrer la journée, ok? »

Ma fille aînée est allée dormir (pour se réveiller vers quatorze heures! Fatigue du temps des Fêtes déclarée coupable de son attitude drama queen à la puissance mille!) Les autres ont testé leur nouveau jeu de Skylander. Presque toute la journée. (Bon. Pas fière de moi. En même temps, je garde d’excellents souvenirs des quelques fins de semaine de mon enfance passées en tête-à-tête avec mon cousin et Mario Bross. Je ne suis pas devenue analphabète ni délinquante pour autant…)

Mère indigne que je suis, j’ai traîné mon moral à plat jusqu’au fauteuil pour m’y incruster jusqu’à la fin de mon roman. Trois tasses de thé plus tard… mon menu de réveillon était concocté et le pain maison sentait bon. J’avais même réussi à me rappeler que, tant qu’à faire de la bouffe, j’étais mieux d’y mettre de l’amour plutôt que de l’à-boutantisme. Je me suis mis un sourire dans la face et un CD dans le piton et je me suis concentrée sur le positif :

« Grand frère (oui, mon fils de quatre ans appelle Tiloup “Grand frère” et ça me fait craquer), peux-tu m’aider à combattre les méchants? C’est toi le meilleur. »« Maman, je t’aime. C’est toi la plus forte présentement à la maison! » (Ça va changer quand papa sera de retour, mais pour l’instant, les enfants me couronnent de ce titre honorifique.)

« Venez, on va jouer à Cherche et trouve tous ensemble après avoir ramassé les assiettes ».

Pour être réaliste, il faudrait ajouter les cris, les pleurs, les « Tricheur! » et les « Je m’ennuie de papa! » Mais souvenez-vous : je m’efforçais de me concentrer sur le beau et le bon. Dans ma tête, c’était gris et nuageux, alors j’avais besoin de rayons de soleil. Et mes enfants sont champions pour jouer ce rôle.

« On rigolait tellement tous ensemble que ça m’a donné mal à la gorge. Pourrais-tu me donner un bisou-guérit-tout? »

« Mes sœurs, je vous aime toutes les deux égal! »

On a parlé sur Skype avec papa, qui était arrivé en 2017 six heures avant nous, heure du Kosovo. C’était chaotique, c’était étourdissant. C’était vivant. C’était réconfortant d’entendre mon mari me dire à quel point il est amoureux et fier de moi. Une journée où tu ne t’aimes pas et où tu te trouves poche, tu as besoin de te faire dire : « T’es bonne, t’es fine, t’es capable ». Ça ne te convainc pas, mais ça limite les dégâts.

Après une tonne de câlins et de bisous d’Esquimaux, la marmaille a trouvé le chemin des lits et moi, j’ai trouvé le chemin de mon clavier.  Écrire pour me rappeler que demain est une autre année.

nouvel-an

Et pour la nouvelle année, mes enfants et moi nous sommes entendus sur une nouvelle tradition : au lieu de prendre une résolution annuelle qui sera reléguée aux oubliettes autour du 3 janvier, nous prendrons des résolutions hebdomadaires. Parfois familiales (se parler, s’écouter et s’entendre; lâcher le matériel électronique; rendre service), parfois individuelles (baisser le volume vocal [lire : parler au lieu de crier]; se coucher plus tôt [ça, c’est pour moi! Et je suis très mal partie!]).

Déjà, mon Tiloup de cinq ans a écrit nos premières résolutions pour la première semaine de janvier :

resolutions

Dessiner, jouer et fêter Noël (encore?) : gros plan de match!

 

Papa même s’il est trop tard

Je ne t’ai pas connu, pas comme j’aurais dû. Pourtant, tu as contribué à me fabriquer, à faire que j’existe. J’ai quelques souvenirs éparpillés, mais le lien d’attachement ne s’est jamais formé. Plus de seize années ont passé depuis que je t’ai dit adieu sur ton lit d’hôpital. Affaibli par la maladie, tu m’avais demandée à ton chevet. J’ai hésité. Le ciel m’est témoin que j’ai longtemps réfléchi au pourquoi j’irais te voir avant ton départ. J’avais à ce moment beaucoup plus de raisons de ne pas m’y présenter que d’y être. Mais ton ainée, ma sœur, qui te pleurait déjà tellement, espérait que j’y sois. Elle, elle t’a aimé, elle t’aime toujours. J’en étais jalouse à en crever! J’avais dans le cœur ce manque de paternité.

Bien entendu, un autre homme a pris ce rôle que tu aurais dû avoir. Il a bien fait les choses, ne t’inquiète pas. Aujourd’hui encore, il est présent dans ma vie et je l’aime. Il a tenu ce rôle qui t’était destiné. Je t’en ai voulu dans le passé. Je ne comprenais pas pourquoi on ne se voyait pas. Pourquoi ne m’aimais-tu pas suffisamment pour venir me voir? Du moins, c’est ce que je croyais. Il est arrivé que cette sœur, que j’idolâtrais en secret, parte avec toi, alors que je restais derrière. Je ne l’enviais que davantage, en silence. Je découvrais ma première souffrance.

J’ai dit haut et fort à qui voulait m’entendre que je te détestais, que je t’avais en répugnance et que je ne voulais rien avoir à faire avec toi. Si tu savais comme je mentais! À un moment, nous avons eu la chance de faire connaissance. Dans mes révoltes de jeune femme en devenir, je n’ai pas su la saisir et tu étais, toi aussi, bien démuni. Je le sais aujourd’hui.

Je suis mère à mon tour, tu n’auras jamais connu mon époux ni mes enfants. Oui, tu es grand-père trois fois maintenant. Tu serais si fier d’eux, j’en suis sûre! Depuis environ deux ans, je parle de toi. J’ai entendu ces histoires que j’ai enfin écoutées. Des histoires provenant d’une famille que je découvre petit à petit. De ma sœur avec qui la distance s’est finalement effacée. De ma mère, qui naguère préférait se taire à ton sujet.

J’aurais aimé connaître cet homme, ce frère, cet oncle, ce père. MON père. Je suis heureuse d’être allée te voir ce jour-là. Ça m’a atteinte plus que je ne l’ai jamais avoué, surtout à moi-même. Je m’accroche depuis toute petite à ces moments si limités que l’on a partagés.

J’écris ce texte aujourd’hui, les joues inondées. La gorge nouée et un tremblement au corps. Je mets le doigt, à trente-six ans, sur ce grand vide qui ne sera jamais comblé. Je réalise d’où est né ce mal de vivre que j’ai toujours porté. Malgré mon bonheur et mes joies, depuis quelque temps, mes pensées ne reviennent que vers toi. J’aurais voulu me souvenir de tes bras autour de moi, de ta voix me réconfortant. J’aurais voulu connaître tes joies, tes souvenirs d’enfance. Ta fratrie si grande.

Je me rappelle de si peu de choses. Mais lorsque je ferme les yeux, il y a un détail qui jamais ne me quitte. Ton propre regard. Celui que je te surprenais parfois à poser sur moi. Aujourd’hui, je le comprends. Tu as souffert aussi de l’absence de ton enfant. Aujourd’hui, j’en suis consciente et ma peine n’en est que plus grande.

Depuis toujours, je me suis battue pour ne jamais dire cette phrase. J’ai vécu pour ne jamais avoir ce regret. Mais force est d’admettre, ce soir, que j’ai échoué. Chaque cellule de ma personne hurle autant que cette voix dans ma tête qui fredonne ses mots assommants et qui ne changent rien à l’histoire, sauf de me faire broyer du noir : j’aurais dû.

J’aurais dû en profiter durant ces quelques mois partagés.

J’aurais dû cette porte ne pas la fermer.

J’aurais dû comprendre.

 

La mère en moi répète à cette fillette que j’étais : ce n’est pas ta faute. Il t’aimait.

Mais la fillette en pleurs et contrite ne peut que répondre : Oui je sais, mais moi je n’ai pas su l’aimer.

Papa, depuis toujours et à jamais, tu es l’être qui aura le plus manqué à ma vie.

 

Simplement, Ghislaine.