Et si c’était beau vieillir ? Texte : Kim Racicot

Je me souviens très clairement qu’à 10 ans, je rêvais d’en avoir 16.

Quelque part, en toute innocence,  je me disais probablement que 16 ans c’était l’âge magique situé tout près de l’âge adulte et où les possibilités devaient être infinies.

Une semi-liberté axée sur une fin de secondaire, un travail d’été et un futur, je l’espérais tant, définie par des soirées entre amis à se coucher à des heures pas possibles.

Puis, mes 16 ans sont arrivés au même moment que cette terrible déception. Aucune magie : c’était loin d’être comme ce que j’imaginais.

À 16 ans, constatant qu’aucun changement radical n’était à ma portée, j’ai eu vraiment hâte d’atteindre la majorité.  Cette fois encore, c’était seulement la suite d’une petite vie sans grands mouvements.

À 18 ans, vous le comprendrez, j’espérais en avoir 25. Je m’imaginais déjà avec une famille, un chien, un bon travail. Je me voyais comblée par la vie, profitant de ma maison à la campagne. C’était une vie rêvée pour une jeune femme de 18 ans qui ne savait pas encore quoi faire de son avenir. Cette fois-ci, heureusement, la vie m’a apporté de belles surprises et malgré quelques différences près, je peux confirmer que mes réelles 25 années de vie étaient similaires à mon souhait initial.

Mais un peu plus tard, vers la fin de la vingtaine, j’ai cessé de souhaiter d’être ailleurs sur ma ligne du temps. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis mise à avoir peur  d’arriver aux prochaines années et aux futurs lendemains. Moi qui, dès mes 10 ans, souhaitais tant vieillir, j’étais désormais angoissée à l’idée de voir filer le temps. Je voulais l’arrêter pour pouvoir profiter encore et encore de tout ce que la vie m’avait offert. Sans devenir maladive, la peur de vieillir et de laisser passer des parcelles de mémoire entre mes doigts était bien présente.

Aujourd’hui, je me rapproche chaque jour un peu plus de mes 40 ans. Ma relation avec les années qui passent est plus sereine que je l’aurais pensé, même si ça m’évoque tout de même certaines craintes. Plus sereine parce qu’on m’a fait comprendre que je n’avais aucun contrôle sur la suite des choses et que même si je le voulais, je n’étais pas celle qui avait le dernier mot. J’ai aussi compris que je devenais perdante en mettant cette peur sur un piédestal. C’est sur ma famille et les gens qui me sont chers que je devais mettre toute mon énergie.

Je suis consciente que l’existence va vite et c’est comme ça. Justement, je devrais plutôt vivre dans le moment présent et ralentir le pas si je veux la faire durer.

Avec ces prises de conscience, j’ai saisi que vieillir c’est beau et qu’au lieu de conserver la peur, il est préférable de faire croître l’amour.

Un jour, j’en suis convaincue, mes enfants m’exprimeront leur hâte d’en arriver à 16, 18 ou 25 ans. Je leur dirai, le cœur gros, que je les comprends parce que, comme le disait Félix Leclerc, il ne faut pas regretter de vieillir. C’est un privilège refusé à beaucoup !

Kim Racicot

 



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